Biotechnologies et OGM : à quoi ça sert ?

*ainsi que quelques considérations sur le positionnement sceptique scientifique et la complémentarité du debunking et de la vulgarisation de tels sujets dans la communauté skepti…

J’essaie de relayer sur ce blog du contenu sceptique sur les sujets polémiques relatifs aux sciences de la vie et sciences médicales. Nécessairement, l’actualité dicte d’une certaine façon les sujets et les proportions dans lesquelles ils sont relayés. Dernièrement, la polémique « glyphosate » à nécessité quelques remises au point concernant les faits. Il peut en ressortir, indéniablement, une impression de circuit fermé, de caisse de résonance, comme le soulignait encore dernièrement Steven Novella sur NeurologicaBlog, (traduction ici), et qui n’est absolument pas l’apanage des communautés de tenants. Tomber dans cet écueil n’est évidemment pas la vocation de ce blog.

Face à ce type de polémique, la position sceptique la plus solide n’est pas d’être « pro » ou « anti ». Ces concepts sont des non sens, et faire du militantisme caricatural dans un sens ou dans l’autre ne participe pas à la compréhension intelligente de la problématique. Cette position sceptique ne consiste pas non plus à pratiquer le fence sitting (position probablement la plus pernicieuse, quel que soit le sujet), en invoquant le sophisme du faux équilibre et en faisant comme si le consensus scientifique n’existait pas (c’est par exemple particulièrement le cas sur un sujet comme l’homéopathie). En cela, je souscris totalement à la position expliquée par Marc Robinson-Rechavi dans l’épisode 169 de Podcast Science. Ce podcast vaut largement la peine d’être écouté intégralement, quelle que soit votre position sur le sujet.

Pour toute compréhension intelligente d’une problématique, il faut néanmoins accepter de faire l’effort de l’acquisition de quelques connaissances fondamentales sur le sujet. Or, ce débat n’a réellement cours qu’au sein de l’opinion publique, alors que le consensus scientifique semble rester stable sur la question. La tendance naturellement précautionniste de certains scientifiques peut s’entendre, mais la régulation est tellement minutieuse qu’elle est déjà jugée trop pesante par une partie de la communauté. Par ailleurs, ce précautionnisme n’enlève rien au consensus de la communauté dans son ensemble en dépit de certaines nuances portées sur les bénéfices de certaines cultures OGM.

Dans ces polémiques publiques, qu’il s’agisse d’interventions télévisées, radiophoniques, ou de discussions facebook, je suis toujours surpris par le néant abyssal qui semble constituer le socle de (non)connaissances des différents intervenants pourtant extrêmement sûrs de leurs positions. Du point de vue de l’honnêteté intellectuelle, peut-on intervenir et exprimer des avis catégoriques sur un sujet de ce type avec moins de connaissances scientifiques qu’un collégien de classe de 5e ? Mais encore, peut-on légitimement pester contre ce manque de connaissances si on ne participe pas soi-même à la diffusion des dites connaissances ?

Le debunking seul n’a pas grand sens si on ne propose pas dans le même temps de la connaissance fondamentale susceptible de prévenir la nécessité de debunking à l’avenir. C’est la vague histoire d’un gars à qui on apprend à pêcher plutôt que de lui donner des poissons, vous vous souvenez ? Ici, le poisson c’est le debunking, et la pêche, c’est les connaissances fondamentales. Aussi, on parle énormément des biotechnologies dans les médias, notamment les réseaux sociaux, mais je n’ai pas l’impression que ceux qui en parlent ou qui reçoivent ces informations comprennent réellement ce qu’ils disent et ce qu’ils entendent.

En les écoutant, j’ai personnellement le sentiment que les biotechnologies et les OGM, c’est quelque chose d’obscure et de mal, une sorte de souillure à la face d’une Déesse Gaïa idéalisée dans des envolées quasi christiques et millénaristes. Alors que de véritables Parabalanis verts détruisent des biens publics, je vois par exemple très souvent revenir des propos reposant sur la crainte de dévoiement des biotechnologies, et exigeant leur censure préalable et définitive. Ce type de position imagine beaucoup de choses quant à ce à quoi pourraient servir les biotechnologies, mais ne juge apparemment pas utile d’interroger ce à quoi elles servent vraiment, immédiatement, dans le monde réel. Sur la question de l’exigence de censure préalable de domaines scientifiques et techniques entiers de la part de certaines fractions de l’opinion publique, je reviendrai probablement ultérieurement. Avant donc de diffuser quelques informations d’ordre technique, je souhaite revenir sur les interactions multiples entre les biotechnologies et notre vie de tous les jours. Clairement, les biotechnologies et les OGM, à quoi ça sert.

Donc ce billet ne porte pas sur les problématiques politiques corrélées, mais non spécifiques aux OGM. Ce billet présente simplement les grands champs d’applications scientifiques et techniques de ce qu’on appelle mystérieusement « les biotechnologies », et a fortiori comment elles influencent notre vie de tous les jours.

Volontairement, je ne vais pas soulever les questions d’éthique relatives à chaque point. J’aimerai que le lecteur, quelle que soit son affinité préalable avec le sujet, parvienne à se formuler ces questions lui-même. Dans un second temps, je produirai un billet relatif à ces questions.

Les applications médicales

Les biotechnologies permettent l’identification de gènes dont les mutations sont responsables de maladies génétiques chez l’humain. Cela pourrait aboutir à de nouvelles avancées concernant le diagnostic et la prévention de ce type de maladies. La sensibilité génétique des individus joue également sur le développement de maladies non génétiques, comme le SIDA et l’arthrite, et toutes les maladies qui influencent l’expression génétique des cellules de l’organisme qui sont touchées. Toutes ces activations ou inactivations de gènes qui entrent en jeu dans un processus pathologique, représentent autant de cibles potentielles pour des traitements curatifs et préventifs de maladies gravement délétères. Pour rappel, le SIDA est l’une des trois premières causes de mortalité infectieuse dans le monde, avec 1,5 millions de décès en 2012 et 2013 et le VIH est l’agent infectieux le plus mortel au monde actuellement (pour rappel également, les personnes atteintes sont si affaiblies par le SIDA que c’est une autre infection opportuniste, habituellement bénigne, qui les tue). Aucune voie thérapeutique prometteuse n’est alors à négliger.

Diagnostics et traitements

Depuis quelques années, les biotechnologies ont permis de séquencer le génome du VIH. Or, sur la base de ce séquençage, on peut dorénavant amplifier (détecter) ce génome dans des échantillons de sang ou de tissu d’un patient.

Cette méthode de détection, qu’on appelle l’ACP (Amplification en Chaîne par Polymérase) permet de cibler des zones clef du génome d’un patient dont on sait qu’elles peuvent porter des mutations responsables de maladies génétiques. On peut ainsi détecter les mutations responsables de l’anémie falciforme, de l’hémophilie, de la mucoviscidose, de la maladie de Huntington, de la myopathie de Duchenne. De fait, on peut prévoir le développement de ces maladies chez un individu avant même l’apparition des premiers symptômes. On peut même le savoir pour un enfant avant sa naissance. Les possibilités de prévention thérapeutique sont ainsi immenses.

La détection de petites séquences ADN mutées permet de prévenir les risques accrus de cardiopathies, Alzheimer et cancers. Cependant, ces indications ne sont que des corrélations, et elle ne permettent pas de faire des prédictions absolues.

Par l’analyse de nombreux gènes chez les femmes touchées par le cancer du sein, on a ainsi pu montrer l’implication du mode d’expression de 70 d’entre eux dans l’apparition de la maladie. L’analyse de l’expression génique permet aux médecins et aux patients (un faible pourcentage d’hommes est aussi touché par le cancer du sein) de se reposer sur des informations valables quand vient le moment de choisir un traitement.

A l’avenir, ces techniques pourraient permettre le développement d’une véritable médecine personnalisée, où chaque patient pourrait connaître dans le détail ses propres facteurs de risque, et ainsi juger des meilleures mesures préventives à prendre pour sa santé.

La thérapie génique

Cette méthode consiste à réparer un gène défectueux à l’origine d’une maladie chez un patient. Il faut que la maladie n’ait pour origine qu’un seul gène défectueux, ce qui est plutôt rare, mais il est théoriquement possible de remplacer le gène responsable de la maladie par sa forme bénigne. Une première étude a été réalisée en France en 2000, pour 10 enfants souffrant de Déficit Immunitaire Combiné Sévère et traités par thérapie génique. Dans les deux ans, neuf d’entre eux présentaient une amélioration importante et définitive de leur état. Depuis, trois des enfants ont souffert d’une leucémie, et l’un d’eux en est décédé. On a aussi traité avec succès par thérapie génique des cas de cécité progressive et de dégénérescence du système nerveux.

Il est clair que ces perspectives thérapeutiques sont extrêmement stimulantes. Mais elles ne portent encore que sur très peu de cas, en terme de pathologies et de nombre de patients traités. L’optimisme doit donc rester extrêmement prudent.

La biopharmacie

L’utilisation des plantes médicinales est extrêmement ancienne. Dans les temps modernes, l’industrie pharmaceutique est née en parvenant à isoler des molécules biologiquement actives contenues dans les plantes. En 1897, la société Bayer a mis sur le marché l’acide acétylsalicylique, c’est-à-dire l’aspirine, qui était la forme synthétique de l’acide salicylique produit dans l’écorce de saule blanc. Ce « tout synthétique » n’a pas touché certains médicaments contre le cancer par exemple, comme le taxol, la vinblastine et la vincristine, provenant tous de sources végétales. Un retournement historiquement intéressant voit maintenant l’industrie pharmaceutique s’intéresser de nouveau à la production végétale grâce aux biotechnologies et aux OGM.

En 1990 a été produite la première protéine humaine produite par des plans de tabac et de pommes de terre OGM, la sérumalbumine. Depuis, plus de 20 protéines thérapeutiques ont été produites par des plantes OGM. Paradoxalement, le grand public semble ignorer qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’un revirement de l’industrie pharmaceutique du synthétique vers le bio grâce aux OGM.

Les biotechnologies permettent de fabriquer des petites molécules utilisées comme des médicaments. L’un de ces médicaments est l’imatinib, qui a permis la rémission durable et presque complète des patients souffrant de leucémie myéloïde chronique. On a aussi utilisé le même type de médicaments pour traiter avec succès certains cancers du sein et du poumon. Cette voie thérapeutique reste pour l’instant restreinte aux cancers dont les développements moléculaires sont suffisamment bien connus.

Ces produits pharmaceutiques protéiques sont fabriqués dans des cultures cellulaires, technique permise par les biotechnologies. Parmi les premières substances pharmaceutiques ainsi fabriquées, l’insuline et l’hormone de croissance humaine ont simplifié la vie de nombreux malades. L’insuline produite selon ces méthodes permet le traitement de plus de 200 millions de personnes à travers le monde. L’hormone de croissance quant à elle est une bénédiction pour les enfants atteints de certaines formes de nanisme par un déficit de production de cette hormone. Le tPA est un autre de ces médicaments, qui, s’il est administré suffisamment rapidement après une crise cardiaque, permet de dissoudre les caillots sanguins et réduit le risque d’une rechute. Pour rappel, les cardiopathies sont la première cause de mortalité dans le monde actuellement.

Parfois, pour assurer la production de suffisamment de médicaments, il est possible de les faire produire directement par des animaux. Pour cela, on transfère un gène provenant d’un animal dans le génome d’un autre, souvent d’une espèce différente, qui est alors dit transgénique. Il faut pour cela intégrer le gène d’expression recherchée dans un ovocyte de l’espèce réceptrice (et productrice) du médicament. L’ovocyte ainsi muni de son transgène est implanté chirurgicalement chez une mère porteuse de la même espèce. L’animal à naître, sera donc transgénique et exprimera son nouveau gène « étranger ». Les animaux deviennent alors de véritables producteurs de médicaments pour les hommes (ou pour d’autres animaux). On a par exemple inséré le gène codant pour une protéine sanguine humaine chez des chèvres, de sorte à ce que celles-ci fabriquent cette protéine, l’antithrombine, dans leur lait. Les très grosses quantités de protéines ainsi produites sont par ailleurs beaucoup plus faciles à purifier que si elles étaient produites par culture cellulaire. Les patients souffrants d’un déficit de production de cette protéine et sujets à la formation de caillots dans leurs vaisseaux sanguins peuvent ainsi être traités efficacement grâce à ces chèvres transgéniques productrices de médicaments. Évidemment, les animaux producteurs ne sont pas choisis au hasard. En l’occurrence, les chèvres se reproduisent plus vite que des bovins, et produisent plus de protéines du lait que d’autres mammifères à la reproduction plus rapide comme les lapins. Le choix des animaux « pharmaceutiques » repose donc sur le meilleur compromis. Les protéines produites par les animaux pharmaceutiques peuvent parfois êtres légèrement différentes de leur version humaine. Il est donc nécessaire de les tester minutieusement pour s’assurer que les patients ne souffriront pas d’effets secondaires allergiques ou d’autres contaminations.

Campbell, 2009
Campbell, 2009

Les enquêtes judiciaires

Vous connaissez Les Experts, NCIS, Bones ? Au-delà de la vision très fantasmée et US-fan de ces professions, les identifications moléculaires que les héros de ces séries télé sont souvent portés à faire lors de leurs enquêtes depuis une vingtaine d’années, relèvent également des biotechnologies.

Sur les scènes de crime en effet, les experts s’appliquent à rechercher des traces organiques laissées par les criminels : sang, salive, sperme, cheveux… Il est ainsi possible de les analyser et d’identifier les groupes sanguins ou tissulaires de leur propriétaire grâce à des marqueurs protéiques. Évidemment, de nombreux individus ont des groupes sanguins ou tissulaires identiques, et ces méthodes ne peuvent servir qu’à innocenter des suspects, et non pas à prouver leur culpabilité.

Les traces d’ADN, qui est également une molécule, sont quant à elles beaucoup plus fiables, car chaque individu possède une séquence ADN qui lui est propre, sauf dans le cas de vrais jumeaux.

A l’aide de ces différents marqueurs moléculaires, les experts peuvent dresser le profile génétique d’un suspect. Le FBI utilise ces méthodes d’identification depuis 1988. Aujourd’hui, ces spécialistes utilisent des méthodes toujours plus fines et précises, en se reposant notamment sur la reconnaissance de toutes petites portions d’ADN spécifiques à chaque individu, qu’on appelle les Répétitions Courtes en Tandem. C’est très pratique, car cela permet d’identifier des individus même lorsque l’ADN est très abimé, dans le cas par exemple d’un accident quelconque où les traces moléculaires auraient consécutivement subi l’action d’un incendie et de l’eau utilisée par les pompiers pour en venir à bout. Ce sont ces méthodes qui ont été utilisées très récemment pour identifier les victimes du crash d’un Airbus A320 de la Germanwings dans les Alpes françaises. Le plus gros travail d’identification génétique jamais réalisé à suivi les attentats du World Trade Center en 2001, pour lequel plus de 10 000 échantillons de restes humains ont été comparés avec des effets personnels fournis par les familles de victimes, comme des brosses à dents, des brosses à cheveux, etc.. Près de 3000 victimes ont ainsi pu être identifiées.

Dans les enquêtes criminelles, ces méthodes permettent des comparer des échantillons de la scène de crime, du suspect, et de la victime. La probabilité pour que plusieurs personnes présentent les mêmes Répétitions Courtes en Tandem sur leur séquence ADN est si faible (de 1 sur 10 milliards à 1 sur plusieurs billions, et la population mondiale compte environ 7 milliards d’individus) qu’il s’agit d’un niveau de preuve acceptable pour valider une identification judiciaire.

Ces mêmes tests sont également utilisés dans les affaires de paternité.

La dépollution de l’environnement

Il s’agit d’utiliser la capacité de certains microorganismes à transformer des substances chimiques dont elles se nourrissent naturellement. Lors de leur digestion, ces substances sont transformées en composés beaucoup moins nocifs et/ou beaucoup plus faciles à traiter. Généralement, les besoins nutritifs de ces microorganismes ne suffisent pas à les utiliser dans des opérations de dépollution. Il s’agit alors de transférer leurs gènes codant l’expression métabolique recherchée à d’autres microorganismes produits en quantité suffisante. Ces bactéries transgéniques deviendront ainsi des agents de protection de l’environnement très efficaces. Certaines d’entre elles sont ainsi capables de digérer des métaux lourds (cuivre, plomb, nickel) présents dans leur milieu pour les transformer en composés aisément traitables comme les sulfates de cuivre et de plomb. Ces microOGM pourraient ainsi jouer un rôle de plus en plus important dans le domaine minier, dans le traitement des déchets hautement toxiques, etc.. Les chercheurs essaient de permettre à ces microOGM de dégrader les hydrocarbures chlorés. Ils pourraient être utilisés dans les stations d’épuration et les industries polluantes.

L’agronomie

Tout ce qui se trouve dans vos assiettes est le fruit de 10 000 ans de domestication par les humains. Je serai incapable de citer de tête un seul aliment couramment consommé et qui n’a pas été drastiquement modifié depuis le début du Néolithique. J’ai pu montrer dans un autre billet le cas de la forme pré-domestique du maïs, la téosinte, qui n’a plus rien à voir avec sa forme actuelle. Il s’agit directement de l’action de l’homme. Il en va de même pour toutes les variétés abusivement appelées « anciennes » (en fait très récentes), et qui étaient déjà le produit de la sélection artificielle il y a 50 ans, 100 ans, ou 200 ans. Il y a donc un non sens fondamental à opposer ce qui serait « naturel » à ce qui serait « pas naturel (produit par l’homme) », ou ce qui serait « moderne » (et mauvais) et ce qui serait « ancien » (et bon). Ces conceptions idéalisées ne correspondent à aucune réalité biologique. Prétendre que ce qui est moderne serait forcément bon, et ce qui est ancien forcément mauvais, serait tout autant un non sens.

Grâce aux biotechnologies, cette sélection artificielle, pratique ancestrale datant du Néolithique, est de plus en plus améliorée par la sélection assistée par des marqueurs moléculaires. En effet, vous savez maintenant qu’il est possible de reconnaître des zones d’intérêt très précises sur un génome. Il est donc possible de détecter les marqueurs de mutations d’intérêt dans un cheptel pour ne sélectionner à la reproduction que les bêtes rigoureusement susceptibles de présenter les traits recherchés pour la sélection. Il peut s’agir de marqueurs ADN corrélés à une production plus importante de laine chez les moutons, à une viande moins grasse chez les bovins, etc..

Il est également possible de produire des animaux et des et plantes transgéniques. Comme dans le cas de la chèvre pharmaceutique expliqué plus haut, il s’agit d’introduire un gène d’intérêt présent chez une espèce au sein d’une autre espèce. Pour des raisons techniques (de la biologie cellulaire), il est beaucoup plus facile de produire des plantes transgéniques que des animaux transgéniques. C’est la raison pour laquelle l’écrasante majorité des applications agricoles concernent des plantes génétiquement modifiées.

Ainsi, l’extrême majorité des cultures OGM actuelles à travers le monde sont des espèces végétales modifiées pour augmenter leur résistance aux herbicides et aux insectes ravageurs. Le soja modifié représente 60% de toutes les surfaces cultivée en OGM dans neuf pays, et 90% aux USA. Ces cultures initialement développées aux États-Unis se sont étendues à l’Asie. L’Europe pour sa part vient à peine d’autoriser les toutes premières commercialisations et productions d’OGM alimentaires commerciaux. Parmi les bénéfices sans précédents apportés par ces cultures OGM, la diminution drastique de l’épandage de pesticides « chimiques », la limitation des émissions de CO2 et la diminution du labour. Vous pouvez lire un précédant billet à ce propos. En Inde par exemple, on a pu insérer dans le génome de plusieurs espèces de riz un gène de résistance à la salinité de l’eau présent dans une plante de mangrove côtière. Le riz ainsi produit est capable de croître dans des rizières au taux de salinité trois fois plus élevé. Or, 1/3 de toutes les terres irriguées souffrirait de salinité excessive en raison d’une irrigation incontrôlée et de l’usage trop important d’engrais chimiques, ce qui représente une menace pour l’approvisionnement alimentaire. Ces plans de riz résistant pourraient être d’un intérêt majeur dans la prévention de ces risques.

L’exemple du riz doré

Le riz doré est un bon exemple de bénéfice public d’application des biotechnologies à la production d’OGM alimentaires. L’OMS estime à environ 200 millions le nombre d’enfants d’âge préscolaire affectés de carence en vitamine A, dont environ 5 millions sont atteints de cécité. Cette carence est particulièrement marquée dans les pays en développement où la nourriture de base est le riz.

La production d’un riz transgénique doté de gènes codant la fabrication de bêta-carotène qui se décomposera dans l’organisme en vitamine A, présente des espoirs majeurs pour faire reculer ces carences et cécités infantiles. Des chercheurs sont en effet parvenus à insérer des gènes exprimant la production de cette bêta-carotène à la surface des grains de riz venant de deux variétés de jonquilles et une espèce de bactérie. Cette nouvelle fonction métabolique, qui donne à ce riz sa couleur orangée, est un total succès en cela qu’elle n’entrave en rien sa production comme on pouvait le craindre : l’introduction de cette voie biochimique ne change en rien le métabolisme normal de la plante. Une deuxième version a été obtenue, produisant plus de bêta-carotène, en remplaçant le gène de jonquille par un gène de maïs.

Ce riz doré à été obtenu par une institution publique suisse et n’a fait l’objet d’aucun dépôt de brevet. Depuis, le riz doré a été amélioré plusieurs fois par des groupes publics et privés, et ces formes sont également disponibles gratuitement sans contraintes commerciales.

De multiples innovations de cette sorte sont actuellement en développement.

To be continued…

Je n’ai pas pu dans cette présentation parler de tous les exemples extrêmement prometteurs de différents OGM : les vaccins ADN, les vaccins en sous unité, les animaux domestiques transgéniques, les aliments bio fortifiés dont on améliore les vertus nutritives, etc.. De tous ceux là, je donnerai des exemples détaillés dans d’autres billets. Ici, il s’agit de donner une vision d’ensemble assez simple de ce à quoi servent vraiment les biotechnologies et les OGM, et la place qu’ils ont déjà dans nos vies (des milliards d’êtres humains et d’animaux) depuis des dizaines d’années : médicaments, aliments, aliments de nos aliments…

Nous n’en sommes qu’aux balbutiements d’innovations technologiques fantastiques dans les entreprises publiques de lutte contre la maladie, la pollution, la malnutrition et les inégalités de développement.

Dans cette toute jeune marche de l’Humanité vers le progrès, entamée depuis la seconde moitié du XIXe siècle, le rôle de l’institution publique, garante autant que faire se peut de transparence, de neutralité et d’équité, est de tout premier ordre dans l’application raisonnée de ces progrès scientifiques et techniques pour le bien commun.

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