Pensée conspirationniste et déni de science (climatique) [Difficulté : facile] (2400 mots / ~15 mins)

Maillage tridimensionnel d'un modèle climatique. Les couleurs représentent la température et les flèches le vent. © Vincent Landrin, d'après Laurent Fairhead/LMD/CNRS.
Maillage tridimensionnel d’un modèle climatique. Les couleurs représentent la température et les flèches le vent. © Vincent Landrin, d’après Laurent Fairhead/LMD/CNRS.

Le 19 septembre 2016 a été publié dans la revue d’épistémologie et philosophie des sciences Synthese, un article [1] portant sur la teneur conspirationniste des dénis de science, comme l’anti-vaccinisme ou le climato-scepticisme. Bien qu’applicable globalement à toutes ces formes de déni, cet article porte plus spécifiquement sur le climato-scepticisme, qui est, rappelons-le, le déni du consensus scientifique sur l’existence du changement climatique, et/ou de son origine anthropique, et/ou des risques globaux qui y sont associés.

Ce billet présente une courte synthèse commentée de cet article.

Ce billet a par ailleurs été réalisé à l’occasion de la sortie du film La Terre, le climat… et Homo sapiens, de la chaîne youtube La Tronche en Biais pour la fête de la science 2016 :


Le consensus scientifique

Il est bon de rappeler que la science n’est pas matière d’opinions, de préférences personnelles, ni même de démocratie. Nous savons ce que l’on sait grâce à la nature fondamentalement collective et auto-correctrice de la démarche scientifique. Concrètement, ce sont des milliers, voire des dizaines de milliers de scientifiques à travers le monde, qui travaillent tous indépendamment les uns des autres sur une thématique commune, comme l’évolution biologique des espèces, ou le climat, vérifient, mettent à l’épreuve et répliquent mutuellement leur travail par le biais de disciplines aussi diverses que la physique, la chimie, l’écologie, la biologie marine, la glaciologie ou encore la paléoclimatologie. Lorsque tous les travaux de ces très nombreux chercheurs, venant de différentes disciplines et utilisant différents types de données, convergent globalement dans une même direction de manière solide, on parle de consensus scientifique.  C’est exactement la situation dans laquelle nous nous trouvons concernant le réchauffement climatique anthropique (c’est à dire d’origine humaine, ou RCA), et c’est ce qui nous permet de savoir que ce que l’on sait est fiable.

Depuis 150 ans, les données n’ont cessé de s’accumuler concernant l’impact des gaz à effet de serre (GES), au premier chef desquels le CO2 produit par les activités humaines.

L’idéologie mise à mal par la science

Les auteurs de cet article soulignent la motivation idéologique des acteurs majeurs du déni de science en ce qui concerne le climat. En effet, les réglementations sur l’émission des GES suggérées par le consensus scientifique interfèrent gravement avec les préférences des tenants d’une économie de marché tendant vers l’auto-régulation. Bien entendu, il ne s’agit pas là de porter un jugement de valeur : à savoir si cette vision du monde est bonne ou mauvaise. Mais la vision de ces personnes est, de fait, clairement challengée par les résultats issus des sciences du climat, que cela nous fasse plaisir ou non.

Déni et discrédit

Face à cela, plusieurs stratégies sont possibles et ne sont pas restreintes au climato-scepticisme, comme nous l’avons vu récemment dans notre billet consacré à la stratégie des marchands de doute, qu’il s’agisse de l’industrie du tabac concernant la négation du consensus scientifique sur la nocivité du tabagisme ou des différents lobby anti—OGM niant le consensus scientifique sur la sécurité et l’efficacité de ceux-ci.

Dans le cas qui nous intéresse ici, le déni peut consister à agiter l’épouvantail d’une pétition regroupant une quantité importante de « scientifiques » contre le consensus scientifique. Dans les faits, les signataires de ce genre de pétitions sont rarement des scientifiques, et lorsque c’est le cas, ou bien ils n’ont pas de diplôme en lien avec l’objet de la pétition, ou bien ne font pas de recherche en lien avec l’objet de la pétition. On a pu voir dans le même genre en France récemment la pétition anti-vacciniste du Pr. Joyeux. L’idée, toujours la même, est de pouvoir user de l’argument d’autorité-fort : « des scientifiques » ne sont pas d’accord, et comme ce sont « des scientifiques », leur opinion est forcément pertinente. Évidemment, cet argument n’a aucune valeur, sinon de jeter le trouble chez des personnes peu informées.

On peut distinguer en cela la pétition récente d’une certaine quantité de scientifiques à propos des OGM. Cette pétition a fait grand bruit et a beaucoup été relayée comme la pétition de 110 autorités scientifiques. L’effet boomerang d’un tel relaie médiatique a hélas été immédiat. Alors que l’argument de cette pétition n’invoquait pas l’autorité des signataires, mais le consensus scientifique sur le sujet de la pétition, et la demande des pétitionnaires que les autorités publiques éclairent leur politique à l’aune de ce que nous apprend la science, cette pétition a largement été rejetée par les milieux anti-science comme un simple argument d’autorité. En clair, c’est comme si 110 scientifiques faisaient une pétition pour que les politiques environnementales prennent en compte le consensus scientifique sur le changement climatique, mais que cela était discrédité comme si c’était l’invocation de l’opinion individuelle de 110 scientifiques.

L’argument invoqué, c’est les preuves consensuelles, et non pas les personnes et leurs titres académiques.

Outre le déni, le discrédit peut être une autre option. L’argument phare de cette stratégie et que l’on retrouve encore une fois communément partagé dans différents rejets de science, c’est l’argument du complot. Cette posture consiste à tacitement accepter le consensus scientifique et la démarche scientifique, tout en mettant en avant que cette science et cette démarche sont en l’occurrence dévoyées par des scientifiques corrompus. Il s’agit dès lors de mettre en avant des personnalités faisant figures de véritables Galilée face à la science mainstream aux mains des dogmatiques tenants du consensus.

Les auteurs de cet article ont ainsi mis en évidence qu’environ 20% des américains pensent que le RCA est un hoax perpétré par des scientifiques corrompus (avant qu’on se moque grassement du public US, je vous invite à vous rappeler des résultats récents concernant la relation du public français à la vaccination…). Encore mieux : lorsque des personnes fort tenantes d’une économie de marché très libérale sont confrontées à des informations sur le consensus scientifique à propos du climat, leur confiance en la science décroit. Là encore, il ne s’agit pas de dire que le libéralisme provoque cette réaction, comme s’il s’agissait de pathologiser cette option idéologique. Mais c’est bien parce que la science challenge cette option -quelle qu’elle soit- que la confiance en la science décroit. On peut parler d’évitement de la dissonance cognitive, ou de rationalisation : « mon option philosophique ne peut pas être ainsi mise à mal, ce sont donc les preuves scientifiques qui sont manipulées ».

Cette attraction pour l’idéation conspirationniste a été particulièrement patente en 2009 lors du « climategate », où des emails volés à des chercheurs étaient supposés démontrer le complot à l’origine du consensus sur le climat. Pas moins de 9 enquêtes indépendantes ont exonéré les chercheurs de toute malversation. Malgré cela, le mythe des révélations du climategate est encore très populaire. Dans cet enchaînement d’idées conspirationnistes (l’idéation), les efforts effectués pour rétablir la vérité (les 9 enquêtes conclusives sur le climategate par exemple), sont systématiquement interprétés comme la preuve qu’il s’agit bien d’un complot : cette pensée conspirationniste s’auto-justifie pour ne jamais être prise en tort, contrairement à la démarche scientifique, fondamentalement auto-correctrice.

« Face je gagne, pile tu perds ».

La cohérence scientifique et l’incohérence conspirationniste

La science est plutôt affaire de cohérence. Par exemple, une théorie scientifique, pour être crédible, ne doit pas contenir de propositions mutuellement exclusives. La Terre ne peut ainsi par être à la fois sphérique-patatoïde et plate comme une pizza. Ainsi, les scientifiques accordent le plus de crédit aux théories présentant le maximum de cohérence, et c’est ainsi que l’on connait les grande théories scientifiques, comme la théorie de l’évolution, ou la théorie de la relativité générale. Ainsi, le consensus scientifique sur le RCA est fiable et universellement accepté, car c’est la seule théorie qui maximise à ce point la cohérence de toutes les preuves disponibles et propositions explicatives.

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Cette théorie n’est pas crédible.

Il n’en va pas de même des postures conspirationnistes, dont il a systématiquement été montré qu’elles s’illustraient par une grande incohérence, comme le fait, chez un groupe conspirationniste ou chez un même individu de ces groupes, de croire à la fois que la princesse Diana a été assassinée, et qu’elle a simulé sa propre mort. En réalité, cette incohérence apparait comme moins importante chez son tenant, que le fait de rejeter coute que coute la « version officielle ». La cohérence interne de la théorie conspirationniste compte moins que la croyance en une conspiration, quelle qu’elle soit. Il en va de même dans la pensée climato-sceptique.

Ainsi les auteurs mettent en évidence une certaine quantité de postures climato-sceptiques mutuellement exclusives, aussi bien à l’échelle du groupe que de l’individu.

L’une de ces incohérences les plus souvent répétées a récemment refait surface sur la scène politique française. Il s’agit de la sensibilité du climat, à savoir la taille de l’effet qui résultera de l’émission des GES. L’argument climato-sceptique consiste classiquement à arguer que cet effet sera nul (tacitement : « ne régulons pas les GES, c’est inutile »). Cet argument est soutenu par le très célèbre « et puis le climat a déjà changé dans le passé » (tacitement : nous ne sommes pas responsables du changement actuel). Il s’agit bien entendu d’une erreur logique, puisque les mêmes effets peuvent avoir des causes différentes, de la même façon que votre fièvre peut être causée par différents microbes. Mais par-dessus tout, ces arguments sont mutuellement exclusifs, dans la mesure où la faible sensibilité du climat arguée par les climato-sceptiques n’aurait pas permis de provoquer dans le passé les variations climatiques qu’ils invoquent dans le même temps pour justifier que les activités humaines ne sont pas responsables du changement actuel. En clair, soit le climat a changé dans le passé car il est – entre autres, les cycles solaires de Milankovitch n’expliquant qu’une part des variations passées – hautement sensible à l’influence du CO2, soit cette sensibilité est extrêmement faible et nous ne devrions pas connaître de tels changements dans le passé. Le seul problème est que nous connaissons bel et bien de tels changements dans le passé.

Et ainsi de suite pour tous les arguments phares du climato-scepticisme : la variation du CO2 atmosphérique dans le passé ne peut pas être mesurée avec fiabilité, sauf quand on veut mettre en avant que l’augmentation du CO2 précède l’augmentation de température (tacitement : « le CO2 atmosphérique n’est pas responsable de l’augmentation de température ». Sauf que c’est ignorer l’effet des boucles de rétroaction positive qui expliquent parfaitement cela) ; ou encore que les températures globales ne peuvent pas être mesurées avec précision, sauf quand on veut dire que la température globale a cessé d’augmenter en 1998 ; ou encore qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur le RCA, sauf quand on veut affirmer que les climato-sceptiques sont des Galilée persécutés par la pensée dominante des scientifiques corrompus à la tête du consensus scientifique ; ou encore que le climat est chose trop compliquée pour que nous puissions le prédire, sauf quand il s’agit de rappeler que de toute façon nous sommes dans une époque interglaciaire et que nous nous dirigeons vers une période glaciaire (tacitement : « on s’en fout si ça se réchauffe donc, puisqu’il va faire froid pendant l’époque glaciaire ») ; etc..

Aucune de ces doubles propositions tenues à l’échelle collective aussi bien qu’individuelle par les climato-sceptiques ne peuvent être vraies en même temps, exactement comme dans le cas de la conspiration sur la mort de Lady Diana. Mais la seule chose qui importe, ce n’est pas la cohérence interne de la théorie, mais de soutenir coute que coute l’idée d’une conspiration à l’origine de la théorie mainstream.

Incohérence et rationalité

Il ne faut pas pour autant penser que ces incohérences soient parfaitement irrationnelles. Au contraire. Ces postures, contrairement au consensus scientifique, ne sont généralement pas débattues, corrigées et améliorées dans des revues scientifiques internationales à comité de lecture, mais plutôt diffusées sur des blogs et dans des livres grand public sans aucune valeur scientifique et produites par des think tanks hostiles aux régulations des GES. Cette hostilité donne toute sa cohérence et sa rationalité à ce climato-scepticisme. Ces faits sont corroborés par les observations mentionnées supra concernant le rejet de la science par des individus en fonction de l’incompatibilité de celle-ci avec les préférences idéologiques des dits individus. L’idéation conspirationniste, fut-elle parfaitement incohérente, devient le prétexte à ce rejet, dans le but parfaitement rationnel de sauvegarder l’intégrité de l’option philosophique de son défenseur. Il a en effet été montré expérimentalement que plus l’individu est confronté à ce type de challenge, plus il se montre suspicieux à l’encontre du consensus scientifique. C’est ce qu’on appelle l’effet backfire, ou effet boomerang.

L’incohérence interne de la posture ne fait dès lors aucune importance, tant que cela n’interfère pas avec l’objectif principal et rationnel de cette posture : freiner toute régulation en contradiction avec ses préférences idéologiques.

L’impact

Hélas, la désinformation destinée à préserver la vision du monde d’individus ou de groupes d’individus n’est pas sans effet pour ceux qui n’en font pas partie. C’est le cas d’une part auprès du grand public. Celui ci ne possède pas nécessairement tous les outils méthodologiques ni toutes les connaissances pour détecter un discours faussement technique mais vraiment incohérent et seulement destiné à promouvoir une option idéologique dont il n’a pas forcément conscience. C’est également le cas auprès des décideurs politiques d’autre part. Ceux ci peuvent être grandement influencés par cette désinformation, et ne pas baser leurs décisions sur les informations scientifiques les plus fiables dont nous disposions.

In Fine..

Cet article montre de façon cohérente avec le corpus scientifique préexistant, la nature conspirationniste latente du climato-scepticisme, que l’on retrouve dans les autres dénis de science comme l’anti-vaccinisme. Les arguments pseudo-scientifiques mutuellement exclusifs y sont monnaie courante et l’absence persistante de toute correction de ces incohérences montre que le fondement rationnel de cette posture n’est pas à chercher du côté d’une quelconque approche naturaliste. Au lieu de cela, le rôle de l’idéation conspirationniste semble semble se situer au niveau de la justification politique de la posture. Il est dès lors important que le public, exposé à de telles désinformations, sache que l’argumentaire pseudo-scientifique et pseudo-technique d’une telle posture n’a aucune valeur et n’est en rien destiné à rendre compte de la réalité.

Si la science n’est ni normative, ni prescriptive, il est bon de ne pas refuser pour autant arbitrairement son indéniable valeur descriptive. Il est en effet légitime d’avoir des vues divergentes sur les décisions à prendre collectivement face à telle ou telle situation connue et évaluée. Les saines discussions qui en découlent n’impliquent pas pour autant la négation obligatoire de la réalité et la diffusion de désinformations à son propos. L’enjeu est de taille dans l’arène des citoyens, pour quiconque aspire à fonder ses choix démocratiques sur une vision fiable et la plus objective possible du monde.

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Sources

[1] Lewandowsky et al., The ‘Alice in Wonderland’ mechanics of the rejection of (climate) science: simulating coherence by conspiracism, Synthese, 2016

 Les autres liens hypertextes de ce billet renvoient vers d’autres billets de blogs, indépendamment des sources listées dans l’article ici synthétisé et mentionné ci-dessus.

Un grand merci aux reviewers.

21 commentaires sur “Pensée conspirationniste et déni de science (climatique) [Difficulté : facile] (2400 mots / ~15 mins)

  1. Encore un super article, que du bon, il n’y a rien à enlever. C’est surprenant de constater à quel point, sans se connaitre, on arrive à être d’accord sur tout ! J’attends avec impatience un article de ce blog ou je pourrais pointer un désaccord, parce que ça commence à me gêner de commenter toujours de la même façon.

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  2. Je me suis arrêté à « consensus scientifique » que tu opposes à « démocratie ». La science ne serait pas démocratique et la vérité proviendrait du consensus. Mais qu’est ce que le consensus si ce n’est l’expression de la majorité, c’est à dire la démocratie ? Certes, au sein d’un groupe, ici, les scientifiques. Mais cela relève tout de même de la démocratie. Heureusement qu’on n’a pas opposé le consensus scientifique à Albert Einstein le jour où il a affirmé que l’éther n’existait pas.

    ça fait plusieurs fois que j’entends parler de « consensus scientifique » comme argument d’autorité ces temps-ci. Le consensus scientifique, la nouvelle religion ?

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    • Il n’y a aucune opposition dans l’article entre consensus scientifique et démocratie. L’un n’est pas désigné comme l’opposé de l’autre. Simplement il peut y avoir consensus scientifique sur la vaccination dans le Touchkistan, dictature notoire. Il peut y avoir des thèses climato-sceptiques ou autres dans de belles démocraties.
      Démocratie = régime politique. Les scientifiques ne font pas partie d’un supraétat gouverné par l’archiscientifique en chef, si ? « l’expression de la majorité », n’est autre que … « l’expression de la majorité ». Un consensus n’est pas « l’expression de la majorité », mais un consensus (je vous renvoie vers la définition). Tous ces mots ont des sens différents.
      Bref, « Il est bon de rappeler que la science n’est pas matière d’opinions, de préférences personnelles, ni même de démocratie ». Ca n’a tout simplement rien à voir.

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      • La definition de consensus sur Larousse:
        ‘Accord et consentement du plus grand nombre, de l’opinion publique’- Plus grand nombre veut dire majorité. Donc il s’agit bien de « l’expression de la majorité », et donc on ne comprend toujours pas votre definition de consensus, au lieu de l’expliquer avec vos mots, on lit : ‘ Un consensus n’est pas « l’expression de la majorité », mais un consensus (je vous renvoie vers la définition).’

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    • Nombrilist,

      Le consensus scientifique n’est pas un sondage des opinions des scientifiques, mais le consensus des TRAVAUX scientifiques, c’est à dire les publications peer-reviewed.

      De plus, l’éther n’a jamais fait consensus, contrairement à ce que vous sous-entendez, et pour cause : il n’y a manifestement rien de tel, aussi il est impossible qu’une large majorité d’études pointent dans le sens de son existence, même avant la relativité.

      Il ne s’agit ainsi pas du tout d’un argument d’autorité. Aucune autorité n’est élevée comme porteuse de vérité, on se contente de dire « la vaste majorité des études pointent dans ce sens ». 🙂

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      • Merci d’avoir répondu Matt, mais je ne comprends pas cette réponse. Le consensus des travaux scientifiques, je ne vois pas ce que ça veut dire. Je t’invite à consulter la définition de Wikipédia, qui est également la mienne: « le consensus scientifique est le jugement, la position, et l’opinion collectifs de la communauté des scientifiques qui travaillent sur un domaine particulier d’étude. Le consensus implique un accord général, mais pas nécessairement à l’unanimité ».
        J’ai l’impression que tu penses qu’il n’y a qu’une seule façon d’interpréter des résultats et que c’est ça qui permet un consensus: des résultats qui vont dans le même sens et ne permettent qu’une seule interprétation. Mais qui décide du sens à donner à ces résultats ? Penses-tu réellement qu’il n’y ait qu’une seule interprétation possible à donner aux résultats de même une série de 50 études sur le même sujet ?
        Dans mon domaine (biologie), j’ai plusieurs exemples de consensus (selon la définition de Wikipédia) qui duraient depuis quelques décennies et qui ont récemment volé en éclat. Le bisphénol A, par exemple, fut considéré comme un perturbateur endocrinien avéré. Même si il a des effets de perturbateurs endocriniens indiscutables, on n’a pas encore vraiment compris comment il agit. Après 20 ans de recherche et des milliers de papier, on en est encore à émettre des hypothèses qui nous font repartir de zéro, dont certaines qui disent que ce n’est pas le BPA le vrai perturbateur, mais l’un de ses métabolites. D’autres disent que le BPA passe peut-être par un récepteur orphelin. Bref, le consensus scientifique en biologie, c’est vraiment ça: un ensemble de scientifiques qui ont la même façon d’interpréter des résultats à l’unisson. Mais qui peuvent avoir tort malgré tout.

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      • C’est dommage d’avoir pour référence un des seuls articles wikipédia qui fait seulement deux lignes et qui dispose d’une seule source 🙂

        Par exemple, le second paragraphe de l’intro de l’article anglais correspondant est « Consensus is normally achieved through communication at conferences, the publication process, replication (reproducible results by others), and peer review. »

        En science, l’opinion des experts n’a pas des masses d’intérêt, furent-ils nombreux, s’ils ne se basent pas sur des travaux existants. Ce sont les résultats de la méthode scientifique qui font la science, pas ce que chacun a envie de croire.

        Ainsi, pour reprendre ton exemple, les résultats indiquent bel et bien qu’on observe une perturbation du système endocrinien après exposition au BPA. Le consensus est là, il n’y a pas de place pour l’interprétation ici, c’est ce que les travaux indiquent. On peut interpréter pour aller plus loin, se demander si l’origine des effets observés est le BPA ou un de ses métabolites, mais on s’expose alors au risque de se tromper tant qu’on aura pas montré réellement ce qu’il en est, et c’est ce que tu indiques. Et ça n’a plus rien à voir avec le consensus du coup, on parle de choses qui ne sont pas indiquées par les travaux existants.

        Donc non, le consensus scientifique n’est pas l’avis plus ou moins éclairé d’un petit groupe d’experts dans leur coin. Et c’est heureux, quand on voit que même les experts recevant des prix Nobel peuvent se tromper de manière spectaculaire :
        http://www.skepdic.com/nobeldisease.html

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  3. Merci pour ta réponse Matt. Je comprends bien ce que tu veux dire, mais tu trouveras plein de scientifiques pour dire que le consensus scientifique indique que le BPA est un perturbateur endocrinien, ce qui implique que c’est cette molécule et uniquement celle-là qui provoque les effets observés par des mécanismes endocriniens qu’elle dérègle directement. Et il est vrai qu’elle perturbe certains mécanismes in vitro (récepteurs aux oestrogènes, androgènes et thyroÏdiens).
    Donc, moi je dis que le consensus, c’est que le BPA a des effets de type PE mais qu’on ne sait pas vraiment pourquoi. D’autres scientifiques – et ils sont très nombreux – disent « le BPA est un PE ». Donc, comment on tranche ?

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    • Je me fiche de ce que peuvent me dire « plein de scientifiques » Nombrilist, c’est ce qu’indique la recherche, qui m’intéresse.
      Le consensus ne porte pas – encore – sur les deux options que tu me proposes, si les deux options sont toutes deux envisageables au vu des résultats connus aujourd’hui, c’est aussi simple que cela. Peu importe qu’il y ait de nombreuses personnes d’un côté ou de l’autre dans l’absolu

      Pour revenir au sujet du billet, il existe bel et bien un consensus solide concernant le climat, et il ne s’agit pas juste de l’opinion d’un certain nombre de scientifiques. Nous disposons de dizaines de milliers d’études cohérentes entre elles, de modèles performants qui décrivent précisément le climat passé et sont confrontés avec les observations du présent pour être validés, bref, on est très loin de quelques illuminés qui décident entre eux que le changement climatique est ce qu’il est parce qu’ils en ont envie.

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      • Je crois que nous ne nous comprendrons pas. Le consensus objectif n’est qu’une abstraction. Il faut forcément une personne pour dire « il y a consensus ». Et quand quelqu’un dit « il y a consensus », c’est son avis d’expert à lui qu’il détermine d’après son interprétation de chaque fait et du poids qu’il attribue (subjectivement) à chaque fait. Notamment, ça veut dire qu’il a donné un poids de zéro à toutes les études qui contredisent son interprétation, car il y en a toujours (et même souvent plein). Et il n’a pas nécessairement tort de leur donner un poids de zéro.
        Mais quand quelqu’un dit « il y a consensus », ça veut dire « tous les travaux de qualité pointent dans le même sens, celui que j’indique, les autres travaux sont faux pour diverses raisons et il n’y a pas à discuter, j’ai raison ». Alors, pour le climat, c’est tellement médiatisé, il y a le GIEC, donc on peut supposer que ce consensus est vrai (mais en sciences, il faut toujours rester sceptique). Mais pour la plupart des autres sujets, je ne me contenterai personnellement jamais d’un « il y a consensus » de la part de qui que ce soit. Sauf si la science démontrant le consensus est déroulée derrière, évidemment. Mais pris tout seul, c’est l’argument d’autorité. Et ce qui est affirmé sans preuve peut être nié sans preuve.
        Enfin, la science, c’est juste un mot. La science est faite par des gens. Et les gens ont des opinions, des croyances, des traditions, des cultures, des préférences personnels, des sentiments, de la fierté, des comportements grégaires, etc. Tout autant de biais cognitifs potentiels. Personne ne devient Spock dès qu’il enfile une blouse blanche.

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      •  » Il faut forcément une personne pour dire « il y a consensus ». Et quand quelqu’un dit « il y a consensus », c’est son avis d’expert à lui qu’il détermine d’après son interprétation de chaque fait et du poids qu’il attribue (subjectivement) à chaque fait. »
        Ah bon ? Donc en fonction de qui lit les travaux de Newton sur la mécanique classique, on obtient pas forcément la mécanique classique ?

        « Notamment, ça veut dire qu’il a donné un poids de zéro à toutes les études qui contredisent son interprétation, car il y en a toujours (et même souvent plein). »
        Pics or it didn’t happen. Je veux voir « plein » d’études qui contredisent une conclusion scientifique « mainstream », par exemple intégrée au modèle standard.

        « je ne me contenterai personnellement jamais d’un « il y a consensus » de la part de qui que ce soit. Sauf si la science démontrant le consensus est déroulée derrière, évidemment. »
        Il n’a jamais été question de croire sur parole quiconque dirait entre la poire et le fromage « il y a consensus sur X, accepte le et ta gueule ».

        « Enfin, la science, c’est juste un mot. La science est faite par des gens. Et les gens ont des opinions, des croyances, des traditions, des cultures, des préférences personnels, des sentiments, de la fierté, des comportements grégaires, etc. Tout autant de biais cognitifs potentiels. Personne ne devient Spock dès qu’il enfile une blouse blanche. »
        personne n’a dit le contraire, c’est pourquoi la science en tant que méthode est là pour rendre objectives et factuelles les données et connaissances générées.
        Dans l’absolu, si Hitler avait travaillé sur la relativité générale, et si ses travaux avaient passé le peer-review et été répliqués / validés par des expériences postérieures, ils auraient été tout aussi valables que ceux de n’importe qui d’autre. Le principe même de la méthode scientifique est de s’affranchir des biais de l’individu. Peu importe les croyances, culture, préférences personnelles, etc. d’un scientifique, on a pas besoin de les connaître pour comprendre et analyser son travail.

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  4. Si il te faut aller chercher Newton pour trouver un consensus solide, alors nous allons d’abord nous mettre d’accord sur le fait qu’un consensus est extrêmement rare et qu’il doit avoir résisté à l’épreuve du temps pendant quelques siècles donc ?
    Mais même, allez, un dernier exemple. Si tu demandes à n’importe qui, même un scientifique, combien de sens nous avons, il y a une immense probabilité pour qu’il te réponde 5. Ben oui, tout le monde sait ça, on l’apprend au CP. Il y a donc consensus (et ça date d’Aristote, donc c’est largement antérieur à Newton et admis depuis ce temps là). Sauf que c’est faux, il n’y a pas 5 sens, il y en a bien plus et le nombre diverge selon les scientifiques. Encore un exemple où le « consensus » se goure et pourtant pratiquement n’importe qui affirmerait sans en démordre qu’il y a consensus.
    Pour finir, je ne suis pas physicien, je suis biologiste, et la biologie, c’est tout sauf carré. Et oui, des études qui se contredisent les unes les autres sur les effets du bisphénol A (ou de n’importe quelle autre molécule très étudiée), il y en a plein. C’est lié au fait que si tu changes un paramètre dans l’expérience, tu peux chambouler la réponse de ton organisme du tout au tout. Sinon, on aurait réglé son cas depuis longtemps. Donc, la majorité des scientifiques te dira que d’après le poids des preuves, il y a consensus (au sens de ta définition): le BPA est un PE. Sauf que ce n’est pas si clair comme je l’ai expliqué hier. Personnellement, je suis plus réservé.
    Et que dire du consensus sur les bénéfices de l’alimentation laitière. Celui-ci s’est écroulé avec les recherches des 3 dernières décennies. Un beau mensonge en réalité. Ou bien que dire aussi de la lettre des 110 Nobels citée dans cet article et érigée en exemple de consensus scientifique. Je me demande à quel titre, n’étant sourcée en rien, étant rédigée pour soulever des réactions émotionnelles (des enfants qui meurent par dizaines de millions !) avec des chiffres non sourcés et encore moins étayés. Bref, rien que des pratiques que vous dénoncez dans d’autres articles que j’ai lus, mais qui là trouvent subitement grâce à vos yeux. Non mais franchement, « crops and foods improved through biotechnology to be as safe as, IF NOT SAFER than those derived from any other method of production » ! C’est tellement dans l’encensement exagéré qu’on dirait une lettre de Bayer.

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  5. « sauf quand on veut mettre en avant que l’augmentation du CO2 précède l’augmentation de température » => Petite erreur, par le passé l’augmentation du CO2 succède à l’augmentation de température.

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  6. Cet article est malencontreux dans la Théière cosmique. Il est entièrement à charge des chercheurs qui ne sont pas entièrement convaincus par le – très politique – IPCC et sa majorité de modélisateurs. On les classe aussitôt dans la rubrique « climato-sceptique », voire « négationnistes », ce qui est haineux. Je pense qu’il y a au moins autant de conspirationnisme chez ceux qui voient en Lindzen, Curry, Pielke Jr. et tutti quanti des marionnettes manipulées par les frères Koch. Donna Laframboise a bien montré que le GIEC était, lui, quelque peu manipulé par des groupes écolos comme FOE ou Greenpeace, et les mails du Climategate montrent assez qu’il y a eu de regrettables collusions contre ceux qui ne rentraient pas totalement dans le rang… Je conseille tout de même de consulter un article un peu plus équilibré : http://www.realclearinvestigations.com/articles/2016/12/31/skeptical_climate_scientists_coming_in_from_the_cold.html?utm_content=buffer8c58d

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  7. « Mais par-dessus tout, ces arguments sont mutuellement exclusifs, dans la mesure où la faible sensibilité du climat arguée par les climato-sceptiques n’aurait pas permis de provoquer dans le passé les variations climatiques qu’ils invoquent dans le même temps pour justifier que les activités humaines ne sont pas responsables du changement actuel. »

    Les modèles climatiques à la source du consensus scientifique montrent bien qu’on peut reproduire le climat passé avec une très large variabilité sur le paramètre de la sensibilité du climat au CO2.

    Par très large, j’entends : du simple au quintuple. Le fait d’arguer qu’il est probable que la sensibilité au CO2 soit faible n’est en rien problématique.

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  8. De même, c’est un fait scientifique que hors rétroactions, la réponse (radiative) de l’atmosphère à un seul doublement de la concentration en CO2 est faible, de l’ordre de un degré.

    Hors, les modèles ne sont pas d’accord sur l’importance de ces rétroactions et l’incertitude sur ces paramètres reste grande.

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  9. Franchement les mecs qui doutent encore du rechauffement climatique… au lieu de faire de la « branlette intellectuelle » en cherchant la petite bete de petit effet que vous ne comprenez meme pas et que vous supposé que c’est une erreur… ouvrez les yeux et regardez simplement ce graphique.
    https://en.wikipedia.org/wiki/File:Global_Temperature_Anomaly.svg
    Puis demendez vous si ca augmente ou pas la temperature.

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