Évaluations des OGM : y a-t-il un journaliste dans l’avion ? (~15 min)

mixremix
Hommage à Mix & Remix

Too Long; Won’t Read :

  • L’étude menée par Robin Mesnage et récemment parue dans Scientific Reports, dont les résultats bruts semblent scientifiquement corrects, est truffée de coquilles entre autres dans ses conclusions.
  • Son introduction ainsi que les conflits d’intérêts non déclarés tendent à décrédibiliser davantage ces travaux.
  • La communication que propose Stéphane Foucart (le Monde) sur le sujet est très partiale et manipulatrice.
  • D’autres exemples très récents laissent à penser que les résultats scientifiques sont dévoyés par le traitement des médias dominants.

Lundi 19 décembre, le journal scientifique open-access Scientific Reports a publié les derniers travaux de Robin Mesnage et son équipe (Gilles-Eric Séralini et Michael Antoniou sont fréquemment ses co-auteurs) sous le titre An integrated multi-omics analysis of the NK603 Roundup-tolerant GM maize reveals metabolism disturbances caused by the transformation process.
Je laisse tomber dès maintenant les figures de styles et le suspense, il y a un certain nombre de problèmes avec cette étude. Je ne me serais pas fendu d’un billet sur le sujet s’il n’y avait que ça ; des papiers incomplets et entachés d’idéologie, on peut en trouver d’autres et celui-ci n’apporte rien de plus que ce qu’on a déjà pu détailler à propos d’autres mauvais travaux dans d’autres billets.

Non, la raison qui motive le texte que vous lisez actuellement, est la communication du Monde au sujet de la parution de l’étude, et en particulier l’article du 20 décembre signé par Stéphane Foucart et Clémentine Thiberge. Sur le moment, j’avais très envie de rédiger un brûlot rageur et pester sans retenue contre le journalisme moderne ou la qualité honteuse de la vulgarisation scientifique dans les médias dominants. En fin de compte, j’ai choisi de plutôt proposer un triste constat que voici.

Une étude comme on en a déjà vues par le passé

Je vais passer rapidement sur la critique de l’étude en elle-même, pour plusieurs raisons. D’abord, après seulement deux jours, extrêmement peu de critiques de fond ont eu le temps d’être émises par les chercheurs du domaine, il est donc absurde de s’appesantir trop longtemps sur ma seule lecture.
Deuxièmement, et comme dit précédemment, beaucoup de ce que j’ai à dire à propos de ce papier, est déjà écrit noir sur blanc sur ce blog et chez de nombreux sceptiques puisqu’il s’agit d’observations somme toute basiques et classiques.
Troisièmement, je ne suis pas particulièrement intéressé par une séance de tir sur l’ambulance, et vous non plus. Voyons l’essentiel rapidement, et passons à la suite.

La philosophie de l’étude est de proposer une démarche exploratoire : on y réalise des analyses sensibles capables de détecter de très faibles effets, qu’on traite ensuite avec des outils statistiques puissants afin de mettre en évidence un maximum de résultats significatifs, quitte à produire des faux positifs. Dans les faits, on compare les quantités de protéines et métabolites – donc l’expression du génome des plants concernés – présents dans des plants de maïs GM, et des plants d’une souche proche non GM. Parmi les plants GM, certains ont été arrosés d’herbicide RoundUp pendant la culture et ils forment donc une troisième catégorie de maïs analysé. De ces comparaisons on peut alors déterminer s’il y a une différence nette entre les compositions moléculaires des catégories de maïs étudiées, en dehors évidemment de l’expression du gène modifié du maïs GM. Ainsi, il est possible de tester l’équivalence en substance, entre le maïs GM et une variété quasi-isogénétique.

EquivalenceSubstanceJe n’ai aucun problème avec cette approche dans l’absolu : il peut être pertinent de proposer ce genre de travail préliminaire afin de guider de futurs travaux plus précis qui sauront discriminer les réels phénomènes du simple bruit expérimental. Cela dit, il convient de mettre au clair les conséquences de ce choix de design : on se contente de traiter statistiquement des différences de mesures, sans rien savoir de leurs origines, de leur valeur biologique ou biochimique. Un tel travail ne permet aucune conclusion définitive quant à la réalité, aucune extrapolation à la santé ou à quoi que ce soit de pratique, tangible.

Le gros problème, c’est que l’étude est tout sauf raisonnable dans sa présentation des résultats et ses conclusions.

Ce n’est pas une surprise parce que c’est le cas de la plupart des travaux de Séralini (deux exemples récents ici et ici), mais contrairement à ce qu’on trouve dans la vaste majorité des études qui existent – quels que soient les domaines concernés – à savoir des résultats suivis de conclusions prudentes correspondant auxdits résultats et d’une discussion qui remet en contexte les résultats dans le corpus existant, ici on a des affirmations incroyables en tous sens, des extrapolations venues de l’espace… Bref, ce n’est pas très sérieux.

On retiendra que des variations significatives entre maïs GM et non GM, et entre maïs GM et maïs GM arrosé de RoundUp sont mesurées pour une centaine de protéines et une trentaine de métabolites, sans qu’on sache combien étaient détectés et évalués au départ (les plus assidus se rappelleront de certaines histoires de muesli).pousse

Au détour d’un paragraphe sans rapport, on apprendra via une petite phrase solitaire que strictement aucun résidu de pesticide n’a été détecté dans le maïs traité, malgré l’emploi d’analyses extrêmement sensibles. Est-ce repris dans l’abstract, en qualité de résultat important puisqu’il justifiait l’existence d’une catégorie de maïs testé ? Non.

Tout un pan de la section “discussions” est dédié à l’équivalence en substance et sa remise en question. Pour résumer, contrairement à l’homme de paille répandu et ici soutenu par Séralini & friends qui consiste à dire qu’un organisme et son pendant GM sont strictement identiques à la modification près, il faut plutôt comprendre qu’ils sont aussi différents que peuvent l’être deux individus de la même espèce (voir encadré précédent).

Bon, d’accord. Mais du coup, quid de l’équivalence en substance ? Est-elle invalidée par les variations mesurées ?

On ne sait pas. Ou plutôt, l’étude ne nous donne aucun moyen de savoir. On ignore, quand on se contente des informations données dans ce papier, si les variations mesurées sont de l’ordre des variations naturelles ou si elles sont plus importantes. Surprenant manque, tout de même, surtout que dans la partie discussion, plusieurs paragraphes entiers sont des extrapolations qui se basent sur l’hypothèse que ces variations sont supérieures à celles qui sont “naturelles” c’est-à-dire normales entre individus de souches proches … quand bien même il est révélé dès l’introduction que les autres études portant sur ces aspects à propos d’autres OGM concluent à des variations naturelles.

Le plus étonnant, c’est qu’on connaît l’ordre de grandeur des variations naturelles qu’on peut observer dans le maïs en général : surprise,c’est cohérent avec les mesures de Mesnage ! Il n’y a donc pas vraiment de raison de penser que ce qu’on mesure ici, sont autre chose que les différences normales entre des individus de la même souche, dues au fait que les individus ne sont pas des clones et à l’impact de l’environnement sur la croissance de chacun. Et ce a fortiori si on se rappelle que la souche non GM qui sert de point de comparaison n’est pas exactement celle qui a servi de base à celle qui a été modifiée.

De fait, les conclusions de la publication sont largement non-sequitur, c’est-à-dire sans lien logique, avec les résultats. C’est même au delà de ça : une partie des conclusions est tout bonnement invalidée par les résultats de l’étude !

oiseaux

Maintenant, pour dire deux mots de la forme de l’étude, qui mérite d’être abordée, je vais me tenir aux critères que propose Fallacy Man dans son analyse de la précédente étude de Séralini, traduite par Sceptom.

Auteurs et conflits d’intérêts

Le constat est le même que dans la traduction donnée en lien plus haut : plusieurs auteurs de l’étude que nous avons entre les mains sont connus pour avoir fourni par le passé des travaux très contestables et douteux à divers points de vue. Cela ne disqualifie pas du tout ce papier a-priori mais cela doit nous inciter à une lecture encore plus attentive qu’à l’accoutumée.

Par contre, un point beaucoup plus gênant, c’est l’annonce d’aucun conflit d’intérêt, quand Gilles-Eric Séralini vend des livres où il soutient des thèses ouvertement anti-OGM, et que le financement de l’étude provient de Sustainable Food Alliance, une ONG qui redistribue entre autre les fonds du Rodale Institute et de la Soil Association, deux organismes engagés dans diverses actions contre les biotechnologies.

Ca c’est un très gros soucis. Avoir des conflits d’intérêt n’est pas gênant en soi, et n’invalide pas une étude. On les déclare, comme ça les lecteurs en sont conscients, et cela permet d’en tenir compte dans les méta-analyses. Les cacher en revanche, c’est déjà beaucoup plus louche et c’est une méchante habitude chez Séralini et son équipe par ailleurs.

Le journal qui publie l’étude

Scientific Reports est une revue scientifique Open Access qui met en avant le fait de n’avoir pour seul critère de publication, que la qualité scientifique des articles qui lui sont soumis, contrairement à d’autres revues qui tiennent compte de la célébrité des auteurs, de l’intérêt des résultats ou de la nouveauté de ces derniers. Elle n’a pas à rougir de son facteur d’impact – j’en parle parce que Fallacy Man en parlait de son côté, mais en ce qui me concerne je ne prête que très peu attention au facteur d’impact, qui est un indicateur pouvant être très biaisé dans un sens ou dans l’autre.
Certaines controverses existent autour de cette revue – qui n’est PAS Nature, contrairement à ce que l’URL suggère, mais un autre journal possédé par le même groupe d’édition – mais globalement, si on exclut les journaux prédateurs, peu me chaut la revue dans laquelle un article est publié, tant qu’elle pratique le peer-review, qu’il n’y a pas de paywall pratiquant des tarifs d’un autre âge et qu’elle a déjà publié des travaux corrects dans le domaine concerné. Toutes les revues font des erreurs de casting de temps à autre, Nature ou Science comprises, et je n’aime pas le folklore proche de l’argument d’autorité qui existe autour des revues les plus “prestigieuses”. En bref, pas de soucis à ce niveau en ce qui me concerne.

Des affirmations extraordinaires doivent être soutenues par des preuves proportionnées en conséquence

Le titre de l’étude ne dit pas grand chose : le procédé de fabrication du maïs GM entraînerait des modifications du métabolisme dudit maïs – sous-entendu, des modifications autres que celles recherchées par la modification. D’accord, mais ça, en l’état, ça ne surprend personne : si on demande à une plante d’exprimer un nouveau caractère qui va lui coûter de l’énergie, il est tout à fait normal que des ajustements métaboliques aient lieu dans ladite plante. Etude exploratoire, prétentions convenues, jusque là tout va bien.

Par contre, à la fin de l’abstract, plusieurs éléments attirent l’attention : un “qui peut parfois être toxique” est lâché sans explication aucune, et bien entendu, l’annonce de la remise en question de l’équivalence en substance entre le maïs GM et la souche proche non modifiée. Dire que cette équivalence n’existe pas est une affirmation qui va au contraire de ce que tendait à montrer la recherche jusque là, ce n’est pas rien. On peut se demander comment il est possible de soutenir une telle affirmation avec une étude préliminaire, exploratoire et contenant donc un certain nombre de points faibles de design qu’on accepte que si on reste très prudent dans les conclusions. En tout cas, on attend de solides preuves… qui sont absentes de l’étude.

L’introduction

A partir de cette section-là de l’étude, il devient difficile de faire comme si cette étude était quelconque et dénuée d’idéologie. Rien que dans l’introduction, on trouve plusieurs auto-références de Agapito-Tenfen, Séralini, Mesnage et Antoniou à leurs propres travaux passés, ce qui n’est jamais bon signe quand c’est massif comme ça. On trouve des affirmations sorties du foin comme une prétendue équivalence entre résistance à un herbicide et accumulation de ce dernier, sans aucune source pour l’étayer. On fabrique des controverses sur la base seule des travaux passés des auteurs, quand bien même ils sont les seuls à affirmer ce qu’ils affirment et que ces travaux ont été désavoués par des relecteurs indépendants. On a également droit à tout un laïus qui aborde pêle-mêle la régulation des OGM aux USA, la proportion d’OGM cultivés dans le monde, des OGM synthétisant l’insecticide Bt, ceux résistants au glyphosate, l’insecticide Bt lui-même, et enfin, aussi classique que les caméos d’Hitchcock, une jolie référence à la célèbre étude de Séralini de 2012 qui fut rétractée puis republiée en 2014 dans un journal pay-to-play sans review.

En clair, l’introduction de l’étude est loin d’être neutre ; on retrouve les éléments récurrents des travaux passés de Mesnage, Séralini et Antoniou, quand bien même ces travaux sont hautement sujets à caution, voire considérés comme caduques. Ce n’est pas ainsi qu’on rédige une introduction, et je suis surpris que la revue tolère ce genre de contenu.

Méthodes

Il est bien curieux à mes yeux de prétendre s’affranchir des facteurs environnementaux sans randomiser la position des plants de chaque catégorie de maïs dans le champ : on va par la suite mesurer des expressions métaboliques très sensibles, donc si par malchance tous les plants d’une catégorie ont poussé dans un coin particulier du champ – en terme d’intempéries et de drainage, de qualité du sol, etc. – peut-être que ça peut bruiter le résultat. Et ça serait dommage.

Puisque nous avons discuté précédemment des résultats et conclusions, cette remarque sur les méthodes est encore moins anodine : en effet, il n’y a aucune raison de s’attendre à des variations plus faibles entre maïs GM et maïs quasi-isogénique qu’entre individus quasi-isogéniques, si comme pour deux individus quasi-isogéniques lambda, on subit l’influence de l’environnement sur la mesure.

Le traitement statistique

Comme déjà abordé précédemment, le traitement statistique (correction de Benjamini Hochberg) retenu afin de tenir compte du fait qu’on teste pleins de choses à la fois – on évalue la différence de mesure de chaque métabolite que les analyses permettent de détecter, et entre les trois catégories de maïs – est un traitement puissant. Cela qui signifie qu’il peut mettre en évidence de très petits effets, mais en contrepartie, il est prompt aux faux-positifs, c’est-à-dire qu’une partie des différences qui seront annoncées comme significatives ne le seront pas en réalité. Il s’agit d’une correction adaptée aux très grands nombres de tests comme dans le cas présent, contrairement au taux d’erreur-famille abordé par Fallacy Man qui est plutôt destiné aux tests multiples peu nombreux, car il a tendance à générer au contraire beaucoup de faux négatifs pour maîtriser les faux positifs.

Quoi qu’il en soit, les éventuelles faiblesses de la correction de Benjamini Hochberg ne sont pas un problème tant qu’on en est conscient : on fixe le taux de faux positif qu’on considère acceptable et on lance le calcul, puis on conclut en gardant ces éléments en tête.

Enfin, en théorie c’est ce qu’il faut faire, en tout cas. Ici on ignore quels paramètres sont utilisés pour la correction ; on ignore quel taux de faux positif est choisi. De plus, au hasard de la section “résultats”, deux p-values corrigées sont données alors qu’une fois corrigées elles ne représentent plus la probabilité de quoi que ce soit, et n’ont de valeur que si on connaît le seuil de faux positif retenu, ce qui n’est pas le cas ici.

Bref, c’est corrigé mais personne ne sait comment.

Voilà en ce qui concerne l’étude elle-même. Davantage de points pourraient être abordés mais ce n’est pas ce qui nous intéresse le plus ici. Voyons plutôt quelle communication médiatique fut réservée à ces travaux.

L’article du Monde : “L’évaluation de la toxicité des OGM remise en cause”

On trouve dans cet article un certain nombre d’approximations, contre-vérités et omissions. Mais avant d’aborder tout cela, j’invite le lecteur – c’est vous – à apprécier l’illustration de l’article, toute en subtilité et en objectivité.

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Et en plus, elle interrompt la rétrospective Mix & Remix sur le thème du journalisme et de la presse.

Ironie à part, je me permets de m’arrêter sur cette image, tout de même. Nous sommes en train de lire un journal qui se veut sérieux, l’article en question est classé dans la section Planète qui recueille la vulgarisation scientifique liée à l’environnement, le titre nous informe que l’on va parler d’une étude scientifique et de régulation sur le thème des OGM, et puis ça ? Est-il normal qu’un journaliste scientifique nous envoie au visage un bon “OGM=poison” des familles avant même d’avoir dit un mot sur son sujet ? A fortiori alors que rien du tout dans son article ne vient étayer cette affirmation ? C’est quoi le sous-texte ? “évaluation de la toxicité des OGM remise en cause, croyez plutôt les gens qui crient dans la rue, eux savent mieux que quiconque” ? Ces questions sont tout à fait sérieuses, et je ne crois pas exagérer en les soulignant ; on est très loin de la caricaturale tomate plantée d’une seringue, ici la manipulation par l’image atteint un tout autre niveau.

Au delà de ça, on peut d’ores et déjà noter l’adéquation entre le titre et les conclusions de l’étude sur laquelle s’appuie l’article, signe d’une lecture sans aucun esprit critique de la publication. Cela dit, peut-être est-ce seulement un moyen d’attirer le lecteur, peut-être que le contenu de l’article sera bien plus pertinent ?

Non.

Je vous ai prévenus, pas de suspense aujourd’hui. Dès le premier paragraphe, Foucart réinvente le principe d’équivalence en substance et affirme, de nulle part et sans aucune source, que les différences mesurées dans l’étude ne sont pas prises en compte dans l’évaluation des OGM. C’est on-ne-peut-plus faux, comme indiqué dans l’encadré plus haut, puisque l’équivalence en substance n’est pas décidée au doigt mouillé mais bien vérifiée, et que les variations mesurées dans l’étude ne remettent pas l’équivalence en substance en question. C’est dommage de faire une telle bourde dès les premiers mots de son article, j’imagine qu’il aurait mieux valu ne pas se dépêcher de publier le lendemain de la parution de l’étude, le temps de la comprendre et de se renseigner sur les notions qu’elle aborde …

A peine une phrase plus loin l’article nous lâche que l’équivalence en substance est controversée – encore une fois, “information” prise directement et sans recul, dans l’intro de l’étude. Puis, laissant la parole à Robin Mesnage, co-auteur du papier, il nous ressert une couche d’affirmations erronées sur l’équivalence en substance, affirmant qu’elle implique similarité en dehors du gène modifié, ce qui n’est, on l’a vu précédemment, pas le cas.

Foucart enchaîne alors rapidement sur, je cite :
“Les OGM ne sont alors pas testés de manière approfondie avant leur commercialisation, comme il est d’usage de le faire pour de nouveaux médicaments ou de nouveaux additifs alimentaires.”
Ce à quoi une réponse somme toute assez évidente vient rapidement : les PGM dont on parle ici ne sont ni des médicaments, ni des additifs alimentaires. Parce que si on y va par là, rien de ce qui se trouve dans le bac à légumes de Stéphane Foucart n’est testé comme un médicament ou un additif alimentaire – ni même comme un OGM -, et ça ne semblait pas le perturber jusqu’à maintenant.

Et ça, ce n’était que l’introduction de l’article. Nous sommes en train de lire un article rédigé par un journaliste scientifique et une pigiste, dans un journal d’importance nationale, et dès l’introduction il n’y a pas une seule affirmation qui soit exacte. Nous nous étonnions plus haut du fait que l’étude de Mesnage soit passée telle quelle sans soucis à travers le processus d’édition de la revue ; et bien je ne suis pas moins épaté par le fait que le Monde publie une telle introduction – et son illustration – sans sourciller.

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Un élément, ou plutôt une absence d’élément, est notable dans la suite de l’article : il n’y a aucun lien vers l’étude, son titre n’est jamais donné, pas plus que le nom des co-auteurs autres que Mesnage – et encore c’est parce qu’il a répondu à une interview téléphonique. Je vais peut-être me répéter, mais est-ce qu’un journaliste scientifique est censé faire dans le “une étude dit que” sans jamais donner le moindre indice de ce dont il parle ? Indiquer correctement ses sources, on apprend ça lors des exposés qu’on fait au collège en France, je ne pense pas avoir des exigences exagérées, si ?

Par contre ce qui ne manque pas, ce sont les affirmations erronées, parce que ça continue ensuite. Bernard Salles, de l’INRA, annonce par erreur que l’étude est une première scientifique, quand bien même l’idée de réaliser de telles mesures date au moins de 2008 et qu’elle a déjà été appliquée plusieurs fois, dont au moins une avec du maïs, par les chercheurs chinois dont les travaux sont donnés en lien plus haut. On est loin de méthodes d’analyse jamais employées auparavant, donc.

Stéphane Foucart revient ensuite sur les résultats significatifs, présentés comme de “grandes différences” entre OGM et maïs non modifié. Mais sont-elles grandes ? Il n’en sait rien à priori, l’étude ne le dit pas, tout ce qu’on sait, c’est qu’elles sont significatives, qui n’est pas du tout synonyme de grand.
Une différence entre deux valeurs est dite significative si on est sûr à 1-alpha (95% en général, ici on ne sait pas puisque le seuil de faux positif choisi n’est pas connu) que les deux valeurs ne sont pas égales ; ça ne les empêche pas d’être potentiellement très proches pour autant !
L’emphase est mise, bien entendu, sur le polyamide qui obtient une variation d’un facteur 29, mais est-ce “grand” ? À nouveau, les chercheurs chinois répondent à ma place : les deux tiers du millier de métabolites qu’ils ont détecté variaient – naturellement, toujours – d’un facteur supérieur à 10 entre deux maïs quasi-isogéniques, le plus grand facteur obtenu étant de l’ordre de 10 000 ! De fait, difficile de dire que le 29 est grand au regard des variations “naturelles” observables.

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Maintenant, par honnêteté je dois également souligner les points positifs de l’article. Bernard Salles explique un point crucial, à savoir qu’il resterait à déterminer si les variations mesurées ont un impact biologique, avant de partir en conjectures diverses et variées comme on peut l’observer dans la section “discussion” de l’étude.

Yves Bertheau, de l’INRA lui-aussi, aborde en une phrase ce dont on a déjà parlé ici, à savoir qu’il manque une information indispensable à l’étude, et c’est la comparaison des variations mesurées, avec celles qui ont lieu naturellement, qu’on modifie le maïs ou non.

Jean-Pierre Cravedi, toujours de l’INRA – il faut croire qu’ils étaient les seuls à répondre au téléphone lundi -, souligne fort justement qu’il est primordial d’évaluer l’influence qu’ont pu avoir les conditions de culture sur les voies métaboliques et protéiniques concernées par les mesures, car elles y sont très fortement sensibles. Ça ne vous rappelle rien ? Mieux : après une rapide recherche sur internet, il semble que d’autres chercheurs émettent cette remarque qui prend donc de l’importance. La réponse des auteurs est disponible ici, et se limite à  une répétition du contenu de l’étude.

Et enfin, ENFIN, on apprend sur un malentendu combien de protéines et de métabolites ont été détectés : 840 et 314, respectivement, d’après Mesnage. Cela signifie qu’environ 10% des protéines et métabolites mesurés voient leur taux varier d’une catégorie de maïs à l’autre. J’aurais aimé l’apprendre autrement qu’au détour d’une interview rapportée, mais on fait avec ce qu’on a.

Une question me vient : comment peut-on écrire la première partie de l’article, quand on a au téléphone ces trois retours-ci ? Hop on n’a pas le temps de se demander tous ces trucs, il faut conclure, donc parole à Mesnage pour le mot de la fin : “la création des OGM est faite à l’aveugle” – elle l’est autant voire moins que tout le reste de ce qu’on mange, mais passons  – et il faudrait qu’on fasse des mesures hyper coûteuses donnant les mêmes résultats que celles qu’on faisait déjà avant pour chaque OGM ! Ah bon …

Y a-t-il un journaliste dans l’avion ?

journaliste

Je reviens donc à ma question après ce vent de folie : comment peut-on écrire la première partie de l’article, quand on a eu au téléphone les trois retours de chercheurs de l’INRA ? Comment peut-on conclure ainsi après ces retours ? Il n’échappe à personne qu’imposer des procédures longues et coûteuses complètement arbitraires et sans apport significatif est une forme d’interdiction qui ne dit pas son nom. Stéphane Foucart a le droit de souhaiter cela pour tous les OGM, en son for intérieur. Il a sa liberté de conscience, et c’est très bien. Mais enfin, au nom de quoi doit-on subir ses opinions personnelles quand on essaie juste de lire un article qu’on aimerait un peu objectif, sur une étude qu’on ne peut même pas lire parce qu’on a ni son titre, ni de lien vers cette dernière ?

Plus globalement, je me refuse à accepter sans broncher qu’un journaliste, “journaliste  scientifique” qui plus est, soit incapable de lire une étude avec un minimum de recul et d’esprit critique, ne comprenant pas la notion de significativité. Je me refuse à le voir répéter texto ce que l’auteur de l’étude – ou n’importe qui d’autre d’ailleurs – lui dit sans aucune recherche de son côté pour ne serait-ce que définir les concepts employés. Je me refuse à … Quoi, qu’est ce que c’est ?

On me signale à l’oreillette que l’AFP vient tout juste d’annoncer tout le contraire de ce qu’une étude sur une pommade montrait. Et quoi ? Alors que Florian Gouthière (alias le Curiolog) d’Allodocteurs venait tout juste de débunker l’affaire, Ouest France s’est empressé de plagier son article , sans même le citer !

On a un problème. Un GROS problème. Nos journalistes sont mal ou pas du tout formés aux enjeux de la publication scientifique. Ils sont pressés par leur rédaction de publier toujours plus vite, de faire toujours plus de sensationnel. La déontologie est trop souvent absente, trop souvent oubliée quand on a l’occasion de générer quelques clics supplémentaires. Ce constat, on le faisait déjà lors de l’épisode du muesli de Générations Futures. L’espace médiatique est profondément dévoyé, vicié par ces pratiques douteuses.

Lecteurs, sceptiques en herbe ou confirmés, citoyens : pour vous atteindre, j’ai rushé l’écriture de ce billet, exactement ce que je critique chez le journalisme moderne. J’ai quitté le ton dépassionné et neutre qu’il convient d’adopter pour parler de sciences afin de vous secouer et vous faire réagir. J’ai été chercher un Plasmodioum et des relecteurs dans ma cave et les ai obligés à faire une revue de ce billet dans l’urgence pour qu’il vous atteigne dans les temps sans sacrifier la qualité du contenu. Pardonnez ces écarts de conduite, mais surtout, profitez de l’occasion qui vous est offerte : manifestez-vous. Contactez le journal auquel vous êtes abonné, ou l’auteur de la dernière horreur que vous avez lue. Parlez-en avec vos proches – et avec votre médecin, pourquoi pas. Si nous ne bougeons pas, rien ne bougera.

presse-mix_et_remix

Bibliographie :

Substantial equivalence

Wen, W. et al. Metabolome-based genome-wide association study of maize kernel leads to novel biochemical insights, Nature Communications 2014

Maslin resigns over Nature Publishing “privatizing peer review”, UCL Department of Geography, 2015

E. Barros et al, Comparison of two GM maize varieties with a near-isogenic non-GM variety using transcriptomics, proteomics and metabolomics, Plant Biotechnology Journal, 2010

Statistics for Bioinformatics, M. Goldman, University of California Berkeley, 2008

Hoekenga OA, Using metabolomics to estimate unintended effects in transgenic crop plants: problems, promises, and opportunities, J biomol tech., 2008

Genetically Engineered Crops: Experiences and Prospects, NAS, 2016

43 commentaires sur “Évaluations des OGM : y a-t-il un journaliste dans l’avion ? (~15 min)

  1. Ca me semble vraiment pinailler de râler sur les stats utilisées. Cette correction est bien en réalité, mieux que le Bonferroni qui est très conservateur – donc forcément y’a un petit peu plus de faux positifs.
    Niveau seuil je ne comprends pas trop le problème. Par défaut, partout, le seuil est de 0.05. Pour cette correction ça aura sûrement été 0.05/n (en simplifiant, car il ordonne les p-values et compare à rang*(0.05/n)).

    Au final, ça ne choque personne que ça soit significatif. Ni que « tant » de choses le soient. Au final ça aurait clairement du se terminer par une phrase du genre « ces résultats sont compatibles avec la variabilité inter-individus … ».

    Le coup de ne pas indiquer le n par contre, oui ça craint. Savoir le nombre testé c’est quand même important. Mais sur cette correction, j’ai plus l’impression que c’est pour pinailler, c’est pas très pertinent à mon sens.

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    • Bonjour Friand Dur,

      Tout d’abord merci d’avoir pris le temps de lire puis commenter ce billet !

      Nous sommes d’accord : cette correction est bien plus adaptée que Bonferroni, qui aurait produit une quantité ridicule de faux négatifs du fait du très grand nombre d’hypothèses testées, et je ne dis pas autre chose dans le billet supra.

      Maintenant en ce qui concerne le seuil choisi, peut être est-ce 0.05. On peut le supposer. Cela dit, ce seuil est mathématiquement différent du 0.05 employé usuellement pour les p-values – et par ailleurs on précise qu’on prend 0.05 dans ce cas quand même. De fait, si une autre valeur que 0.05 est utilisée ici, ça ne serait pas choquant non plus. Ne rien indiquer est problématique au sens où ça prenait 1h grand maximum de faire un tableau récapitulatif des valeurs clés de leur traitement statistique. Le but d’une publication est d’expliciter ce qu’on a fait pour entre autres rendre d’éventuelles replications à l’identique aisées. Indiquer les seuils employés, si communs soient-ils, n’est pas à mes yeux une requête extravagante.

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      • Je pense que j’ai été repoussé par l’impression qu’a donné le paragraphe, qui ressort comme un « les stats utilisées ne sont pas les bonnes », en particulier en soulignant le nombre de faux positifs par exemple. Un peu frustrant car pour une fois chez Séralini, les stats sont bien 🙂

        C’est un seuil corrigé selon le rang de la p-value et le nombre d’hypothèses au final, aurait-il vraiment fallu un tableau récapitulatif ? Indiquer le 0.05 et le nombre d’hypothèses testées devrait suffire à répliquer. Surtout ce dernier en fait. Le 0.05 omis ne me choque probablement pas car les résultats ne sont pas surprenants.

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      • Le retour est bienvenu en tout cas, je vais arranger ce paragraphe s’il donne des impressions non désirées.

        En tout cas oui, les résultats seraient intéressants s’ils n’étaient pas pollués par les conclusions extravagantes qui sont faites juste après.

        Il me semble que les techniques d’analyses biochimiques récentes, très précises et sensibles, sont l’occasion pour certains d’aller chercher des signaux faibles et d’en faire des caisses. Générations Futures ne faisait pas autre chose il y a quelques mois, et Seralini aussi en 2015 – encore que là pour le coup, il allait chercher les valeurs de DJA qui l’arrangeaient et avait lui rendu ses résultats assez inexploitables.

        En ce sens, il est important à mes yeux que la communication des résultats au public soit irréprochable.

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  2. « The varieties of maize used in this study were DKC 2678 Roundup-tolerant NK603 (Monsanto Corp., USA), and its nearest isogenic non-transgenic control DKC 2675.  »

    J’aime beaucoup le « nearest ». Genre on va tester 2 trucs mais attention, ils sont un peu différents quand même. Je doute que le Robin Mesnage ait discuté avec l’améliorateur de Monsanto pour savoir si le DeKalb 2675 était exactement identique au Dekalb 2678. C’est le genre de détail qui ne sort pas des centres de recherche. Je suis certain que le Robin n’a aucune idée du pédigré des 2 hybrides qu’il teste et donc de leur ressemblance. D’ailleurs il y a une faute de frappe dans le papier, on hésite entre le 2675 et le 2575, pas très sérieux. Aussi, aucun détail sur le stade de la culture lors de l’application du Roundup. Étrange quand on sait que le taux d’application varie selon le stade du maïs.

    On peut remarquer cette perle: « In addition, we did not detect glyphosate or AMPA residues in the test maize kernel samples. » Donc pas de résidus de pesticide dans le maïs grain. Qui l’eu cru, un anti-ogm qui prouve qu’il n’y a pas de traces de roundup. Le monde à l’envers.

    Enfin, ceci n’est pas nouveau: « It can be hypothesized that the plant is searching for a new equilibrium to maintain heterologous EPSPS-CP4 metabolism within levels that can be tolerated by the plant. » Tout le monde sait que les traits (biotech) ajoutés au maïs consomment de l’énergie. L’important est de savoir si il y aura un retour sur investissement. Est-ce que le risque de perte de rendement causé par des insectes surpasse la coût énergétique de production d’insecticide. Idem pour les mauvaises herbes, qui je le rappelle, sont le premier facteur de perte de rendement.

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    • Bonjour agpro,

      Merci d’avoir pris le temps de lire et commenter ce billet !

      Ces points sont rapidement évoqués dans le billet, je n’ai pas trop insisté parce que personne ne veut lire 20 000 mots sur un blog à propos d’une étude comme ça, mais vous faites bien d’y revenir en commentaire ! Je n’avais pas relevé l’absence d’indications quant à la période d’application du RoundUp, par contre, très bien vu.

      En ce qui concerne les quasi-isogènes, je ne pense pas que la propriété industrielle les aurait arrêté ; ils ont déjà fait par le passé un procès à Monsanto pour accéder à des données dont ils n’ont rien fait de spécial ensuite par ailleurs. Mais effectivement, il reste que tout se recoupe : ils mesurent entre deux variétés supposées proches, des variations de même ordre que quand on compare deux variétés effectivement proches. A partir de là, leurs conclusions sont difficiles à soutenir sans tiquer.

      Je n’ai pas compris non plus la fausse surprise autour de l’impact énergétique de l’ajout d’un trait qui implique la synthèse de nouvelles molécules.

      Finalement, je me demande à destination de qui sont les conclusions aberrantes et les commentaires déplacés. Pas leurs pairs évidemment, parce que c’est grossier ; les lecteurs occasionnels ? Je ne pense pas non plus, qui épluche des publications pour loisir … Les journalistes ? Ce serait tabler sur leur incompétence, ce qui n’est pas très flatteur.

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      • Leurs conclusions sont à la destination de leur donateurs (exonérés d’impôts!). Distiller un peu de peur permet de mieux financer les travaux suivants et de faire mousser son nom dans la sphère des « anti ». C’est bien plus facile que trouver des solutions concrètes aux problèmes qu’ils dénoncent comme par exemple développer des lignées population performantes, des cultivars « open-source » ou des pratiques culturales sans pesticides. C’est une belle preuve de leur absence totale d’intérêt pour l’agriculture et les gens qui en vivent.

        PS: je découvre votre blogue, vous faites un excellent travail de synthèse, bravo!

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      • Il y a un gouffre entre l’image du monde agricole qu’a le public, et ce qu’il est aujourd’hui. Et l’opposition aveugle à des catégories entières de solutions n’aide pas.

        Concernant le blog, je vous invite à noter, si ce n’est pas déjà fait, que nous sommes plusieurs – trois actuellement – à intervenir, le mérite est donc partagé 🙂

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      • @agpro : Votre commentaires rejoint ma réflexion personnelle sur les ONG, etc. de savoir pourquoi elles sont systématiquement à coté de la plaque sur tout les sujets, et de tous les mauvais combats.

        Il me semble qu’inventer des faux sujets à dénoncer est effectivement beaucoup plus facile que d’en trouver des vrais, mais encore plus, s’ils en dénichaient un vrai, il serait très rapidement pris en compte et reconnu par les organisations conventionnelles, au final cela donne beaucoup d’effort pour le trouver pour ensuite une durée de vie très courte où on peut l’utiliser pour se différencier.
        Alors qu’un faux combat, rejeté à raison par tous les organisme officiels, on peut l’utiliser et continuer à le faire mousser pendant des années, sans risque, puisque tous les journalistes vont suivre aveuglément ces affirmations sans les remettre en cause.

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    • « J’aime beaucoup le « nearest ». Genre on va tester 2 trucs mais attention, ils sont un peu différents quand même. Je doute que le Robin Mesnage ait discuté avec l’améliorateur de Monsanto pour savoir si le DeKalb 2675 était exactement identique au Dekalb 2678. »

      Vous êtes bien sévère. Il n’y a que 0,12% d’écart entre les deux. Et en plus ils ont choisi celui-là car ils ne devaient pas avoir de Dekalb 2676 ou 2677 sous la main 🙂

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      • @Bugul,

        Je suis sévère parce que, contrairement aux chercheurs de l’étude en question, je suis entouré d’OGM à longueur d’année 😉

        Les hybrides de Dekalb (un des semenciers de Monsanto) sont numérotés de la façon suivante: les 2 premiers chiffres additionnés à 50 indiquent la maturité relative de l’hybride et les deux dernier sont un choix personnel du semencier. Le semencier doit trouver un numéro qui n’est pas déjà pris dans son catalogue ou qui pourrait se confondre avec un compétiteur. Le DKC (dekalb corn) 26-75 est donc un hybride de 76 jours (26 + 50 selon la nomenclature de Dekalb). C’est un hybride très précoce adapté aux saisons de croissance courtes typiques du nord des états unis ou des prairies canadiennes.

        Le système de numérotation des hybrides ne permet donc pas de savoir si le DKC 26-75 est plus proche du DKC 26-78 ou d’un autre. Le pédigrée, c’est à dire le nom et l’origine des lignées parentales permettant l’obtention de l’hybride, n’est accessible ni au consommateur, ni au vendeur (dans le système nord américain). Seuls les sélectionneurs de Monsanto savent vraiment ce qu’il en ait.

        Aussi, comme le souligne Yves Bertheau dans l’article du Monde, il y a des différentes entre les 2 maïs testés. Les hybrides ne sont pas forcément produits sur le même continent ni pendant la même saison. Il peut un résulter des petites différences une fois semés dans le champ.

        Voilà pourquoi je maintient qu’il a certainement été impossible au chercheur de savoir si les hybrides comparés différait uniquement par l’insertion du trait Roundup ready 2 (le fameux NK603).

        PS: on retrouve la trace du DKC 26-78 ici: https://www.bluetoad.com/publication/index.php?i=47628&m=&l=&p=9&pre=&ver=html5#{« page »:8, »issue_id »:47628}

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      • Merci beaucoup agpro pour ces éléments que j’ignorais.

        Ma saillie sur les numéros était toutefois une plaisanterie, je vous rassure, de même que la pourcentage d’homologie (que j’ai obtenu scientifiquement en faisant 2675/2678*100).

        Comme j’avais des regrets de ne l’avoir pas précisé d’emblée (ce qui pourrait induire en erreur un lecteur enthousiasmé par l’idée de minimiser cette histoire de « quasi-isogènes »), je vous remercie même doublement. 🙂

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      • @Bugul,

        Merci pour l’éclaircissement.

        Si ça se trouve l’équipe de Robin Mesnage a procédé de la même manière que vous pour trouver la lignée isogène la plus proche 😉

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  3. 1- Merci d’avoir écrit ce billet rapide ! Il y en avait besoin. Bon j’avoue que je ne lis plus les articles signés Foucart, c’est déprimant.

    2- Je suis d’accord avec Friand Dur que sur la correction Benjamini Hochberg n’est pas le problème. C’est une très bonne correction pour tests multiples, et si on fixe un false discovery rate faible c’est stringent, si on en fixe un élevé c’est exploratoire.

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    • Bonjour MRR,

      ça fait plusieurs fois que je laisse passer des articles franchement douteux du Monde, cette fois ci j’avais plus de temps devant moi, j’en ai profité.

      En ce qui concerne la correction je suis d’accord, et je n’ai pas voulu la présenter comme un problème. J’ai ajouté quelques mots pour expliciter qu’elle est adaptée au cas présent. Ce qui me gêne un petit peu plus, c’est que pour un protocole que je comprends comme exploratoire – si ce n’est pas le cas, le seul fait d’avoir des quasi-isogènes rend plus ou moins le tout vain – on oublie de nous donner les informations de base que sont le nombre de tests et le taux de faux positif fixé, qui n’est pas nécessairement 0.05 – ce serait très contraignant pour pas grand chose.

      Si un passage en particulier est mal rédigé, je suis ouvert aux ajustement 🙂

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    • Ah non, je n’avais pas vu … J’ai suivi un petit peu la conversation qu’indique Benjamin Edge mais j’ai manqué cette information là.

      Il est en effet dommage, si je puis dire, qu’ils aient omis de préciser qu’ils trouvent des traces d’un champignon parasite du maïs dans leurs analyses, déjà que leur installation en champ n’est pas très claire. C’est ce genre de situation qui m’incite à grogner quand il manque des trucs, même communs ou évidents …

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    • Bien vu!

      Gibberella pénètre dans l’épi via les dommages de certains vers de l’épi. Le champignon se développe ensuite sous les spathes et contamine le grain. Il produit deux mycotoxines (la vomitoxine et la zearalenone) qui induisent des fausses couches et une perte d’appétit chez le porc (quelques parties par million suffisent). Une des solutions pour limiter le développement de ce champignon est de lutter contre les insectes qui favorisent son développement en utilisant des hybrides produisant une ou plusieurs protéines insecticides.

      J’imagine que puisque leur expérience ne contenait que du maïs Roundup ready (NK603) non résistant aux insectes, ce dernier à du servir de refuge et a attiré les insectes repoussés par les champs de maïs Bt aux alentours.

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      • Kevin Folta mentionne à juste titre sur Twitter que la trace d’un pathogène ne signifie pas forcément l’existence du pathologie. Il n’est pas rare de constater une petite présence de Gibberella sur les épi de maïs en fin de saison, même sur ceux produisant des protéines insecticides ou qui ont reçu un traitement fongicide. Une saison chaude et humide avec une pression d’insectes forte augmente mécaniquement les risques de développement du champignon. L’important pour l’agriculteur est de ne pas dépasser les taux permis de mycotoxines sous peine de voir sa récolte être déclassée (il gagnera moins d’argent par tonne de maïs vendues) et de créer des pathologies dans son troupeau.

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    • @marc_rr
      @agpro

      Je vois invite à jeter un oeil aux commentaires du papier, Antoniou y expose sa réponse concernant la possibilité de contamination.

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  4. Merci pour ce salutaire décryptage. Préparez-vous à en faire un second d’ici peu sur le même thème 😉

    Stéphane Foucart annonce la couleur dans son article sur la cour de justice autorisant d’un soja OGM de Monsanto (Monsanto : la justice européenne confirme l’autorisation de commercialisation du soja OGM ; http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2016/12/15/la-justice-europeenne-confirme-l-autorisation-de-commercialisation-du-soja-ogm-de-monsanto_5049357_3244.html).

    Deux extraits :

    « Les trois ONG contestaient notamment le fait que l’EFSA, dans son expertise, a considéré que le soja évalué était « équivalent en substance » à son pendant conventionnel. Selon elles, le risque allergique pour les jeunes enfants n’aurait pas été suffisamment examiné et l’évaluation de la toxicité potentielle de la plante n’aurait pas été conduite de manière « adéquate ». »

    « Interrogée par Le Monde, TestBiotech dit consulter ses juristes pour décider de la suite qu’elle donnera à l’arrêt. « Nous continuons à être investis sur le volet purement scientifique de ce dossier et nous venons de soumettre à une revue scientifique un article sur la nécessité de revoir l’évaluation des risques des OGM », dit Christoph Then, chargé de mission au sein de l’ONG allemande. »

    Vivement la suite du feuilleton car je ne doute guère que le journaliste ait déjà en sa possession l’article soumis. Ce ne sera pas une étude infâme payée par l’agrobusiness ou une évaluation infâme réalisée par les agences sanitaires vendues à l’agrobusiness mais de la vraie pure science, financée par d’authentique associations désintéressées. Et en plus les techniques comme la protéomique et la métabolomique sont du pain bénie pour qui veut seulement aller à la pèche aux différences.

    Pour en revenir à l’article, une phrase de conclusion des journalistes m’a laissée pantois :

    « En effet, précise le toxicologue Jean-Pierre Cravedi, chercheur à l’INRA, « les techniques utilisées par les auteurs sont extrêmement sensibles et sont par exemple susceptibles de détecter des modifications subtiles des conditions dans lesquelles les plantes ont été cultivées ».
    C’est une déclaration à portée générale qui ne vise à l’évidence pas spécialement les OGM. Mais comment concluent les plumitifs ?

    « La question est donc de savoir quels effets ces changements à l’échelle moléculaire peuvent avoir sur les consommateurs, humains comme animaux. » Ben voyons…

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    • Un article très flou. Le soja n’est pas nommé, d’ailleurs je n’ai pas connaissance d’un soja qui soit roundup ready et produisant un insecticide.

      Le journaliste n’est pas précis non plus sur les soja tolérants à 2 herbicides. J’imagine qu’il fait référence à la technologie Xtend (Monsanto, qui tolère le roundup et le dicamba) et Balance GT(Bayer). Ces derniers ont bien été autorisés à l’importation cet été mais ne sont pas cultivés en Europe il me semble.

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  5. Si on conduisait le même genre d’étude que Mesnage et al. sur un couple de variétés quasi-isogéniques qui diffèrent par l’introgression, dans l’une des variétés, par des méthodes traditionnelles, d’une région du génome qui apporte une résistance à un pathogène ou une caractéristique qualitative particulière – et il existe une multitude de couples de ce type sur le marché -, il est à prévoir qu’on relèverait des différences au moins aussi significatives (statistiquement). Quand bien même ces différences auraient une portée biologique, il reste à prouver qu’elles placent la variété modifiée en dehors des variations observées au sein de l’espèce cultivée.

    Il y a quelque chose de profondément inquiétant à partir du principe que la différence est nocive en soi. Affirmer comme le font Mesnage et al. « … thus resulting in a metabolic imbalance. » relève de la croyance, et pas de la démonstration. Et tout porte à croire que la portée aux nues du « principe de précaution » procède de la même démarche intellectuelle que le rejet de l’autre qui fait fureur.

    Peut-être aurait-il été préférable d’élargir le concept d’ « équivalence en substance » en prenant en compte la variabilité génétique de cette espèce. Ou encore, de façon plus pragmatique, de parler d’ « équivalence en impact »: d’une part, cela aurait été moins prétentieux (la substance, c’est quoi?), et cela aurait souligné que l’équivalence est dépendante de l’outil de mesure, qui évolue.

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    • Bonjour Vincourt,

      Merci d’avoir pris le temps de lire et commenter ce billet !

      Dans l’absolu, l’équivalence en substance n’est pas absurde et contient déjà l’idée que des variations individuelles peuvent exister sans que ça la remette en cause. Le problème à mon avis réside dans l’homme de paille qui en est fait, où on nous raconte que d’une part les deux variétés doivent être pratiquement des clones, et d’autre part que la régulation consiste à la présupposer vraie et ne pas la tester, libérant n’importe quoi sur le marché.

      On retrouve cette idée quand Mesnage suggère que les OGM ont des passe-droit au niveau des contrôles … en comparaison des médicaments.

      Maintenant, il est vrai qu’une équivalence en impact pourrait éventuellement être intéressante, mais peut-être difficile à évaluer objectivement, sur des critères adaptés.
      Typiquement, une variété dotée de protéines insecticides aura nécessairement un plus fort impact sur l’écosystème du champ que son pendant non amélioré ; c’est son objectif.

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      • Je ne pense pas avoir dit que le concept d’ « équivalence en substance » était absurde. Lorsqu’il a émergé, je l’ai même trouvé intéressant. Mais avec le recul, je pense maintenant qu’il était trop dogmatique, ou porteur d’un message plus « philosophique » qu’opérationnel. L’intérêt que je vois à l’ « équivalence en impact » est qu’elle renvoie moins à une croyance et qu’elle amène, comme vous le soulignez dans votre exemple sur « une variété dotée de protéines insecticides », à se poser les questions réellement pertinentes. On peut objecter que cette approche conduirait à restreindre le champ d’investigation, mais on peut aussi considérer que sous l’impulsion du régulateur – rôle qui pour moi doit rester dévolu à l’Etat, au sens large, en collaboration avec toutes les parties prenantes – on se focaliserait sur les questions clefs. Pour simplifier: il y aurait un travail en commun, débouchant sur des expérimentations mieux construites que celle décrite dans le travail de Mesnage et al. Et surtout, pas d’assertion du genre « il est clair que ».

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  6. Bonjour,

    Tout simplement bravo ! Bis !

    Parmi les critiques, il y a aussi :

    https://www.geneticliteracyproject.org/2016/12/21/seralini-paper-molecular-analysis-shows-gmo-corn-differs-non-gmo-difference-meaningful/

    Il y a aussi un lien vers :

    « Evaluation of metabolomics profiles of grain from maize hybrids derived from near-isogenic GM positive and negative segregant inbreds demonstrates that observed differences cannot be attributed unequivocally to the GM trait. »

    https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27453709

    D’accord, la majorité des auteurs sont de Monsanto. Mais il y a un point intéressant :

    « Results demonstrated that the largest effects on metabolomic variation were associated with different growing locations and the female tester. They further demonstrated that differences observed between GM and non-GM comparators, even in stringent tests utilizing near-isogenic positive and negative segregants, can simply reflect minor genomic differences associated with conventional back-crossing practices. »

    Si les différences entre lignées réellement isogéniques sont essentiellement dues aux séquelles des rétro-croisements, que doit-il en être des différences entre deux hybrides dont on n’a même pas la garantie, me semble-t-il, qu’ils aient un des deux parents en commun.

    À propos des cadavérines et putrescines, si artistiquement mises en valeur dans le résumé… pour les merdias sans nul doute :

    Dietary exposure assessment of putrescine and cadaverine and derivation of tolerable levels in selected foods consumed in Austria, Elke Rauscher-Gabernig et al.

    http://link.springer.com/article/10.1007/s00217-012-1748-1

    « For putrescine, proposed maximum tolerable levels for sauerkraut, fish, cheese, fermented sausages and seasonings are 140, 170, 180, 360 and 510 mg/kg, respectively. Likewise, for cadaverine, in sauerkraut, fish, cheese, fermented sausages and seasonings, maximum tolerable levels are 430, 510, 540, 1,080 and 1,540 mg/kg, respectively. »

    Quelles quantités les Robin et Cie ont-ils trouvées ?

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    • Bonjour Seppi,

      (votre commentaire s’était retrouvé dans le spam, voilà pourquoi il n’apparait que maintenant.)

      Il est vrai que les mentions explicites de la cadavérine et putrécine interpellent, surtout quand il y a en fait rien à en dire de particulier. J’ai laissé couler parce que d’autres points me semblaient prioritaires et que je voulais rester succinct, mais vous faites bien d’en parler en commentaire.

      Je m’efforce de rester positif, et je me dis que puisque cette fois le traitement statistique est adapté, on peut au moins réemployer les données. Enfin, je me disais ça avant que soit relevée l’éventuelle contamination par Gibberella Moniliformis, non discutée dans l’étude par ailleurs. Il est agaçant de voir tout ce temps et ces moyens gâchés par idéologie.

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  7. « Pardonnez ces écarts de conduite, mais surtout, profitez de l’occasion qui vous est offerte : manifestez-vous. »

    Les écarts de conduite sont pardonnés, après tout le but n’est pas d’écrire ce qui fera autorité ces 20 prochaines années. La question est plutôt de savoir quelle est l’efficacité de se manifester.

    Il y a une certaine efficacité mais pas forcément chez l’auteur de l’article. Vous aurez sans doute plus de chances avec des concurrents. L’exemple de Ouest-France et de la pommade va d’ailleurs dans ce sens. Et là, il faut bien dire qu’il faut accepter d’être plagié et jamais cité pour que les idées soient diffusées … Ça peut aussi aider à repérer qui est sensible à vos arguments: si on vous reprend de façon positive, quelque part, ça veut dire que vous avez convaincu.

    L’efficacité sur l’auteur est sans doute assez limitée: Foucart publie depuis de longues années des articles anti-OGMs. Je crois que tous les articles publiés par lui sur la question ont un ton défavorable aux OGMs. Ça ne l’empêche pas d’être très au courant de nouveautés: il a parlé (brièvement) du rapport de la National Academy of Science US. Mais il reprend surtout ce qui semble lui être envoyé par des militants. Pour le dire simplement, il est de parti pris.
    Pour changer la façon dont sont rapportés les articles scientifiques sur les OGMs dans le Monde, il faudrait donc devenir comme ces militants et recourir à des méthodes nauséabondes, comme ces gens qui ont tenté de faire virer un journaliste de « Que Choisir? ». Ou alors attendre qu’il aille trop loin comme c’est arrivé à son prédécesseur Hervé Kempf sur Notre Dame des Landes.

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    • @Proteos: Je suis d’accord avec vous – si toutefois j’ai bien compris votre message: utiliser les mêmes armes que ceux dont on cherche à combattre le dogmatisme ne présente aucune utilité concrète, et ne débouche que sur des pratiques que nous voulons combattre. Ce que nous avons collectivement perdu, c’est le sens de la controverse, ou de la dialectique. Tout n’est devenu que diatribes. Et Stéphane Foucart, si on prend la peine de s’adresser à lui comme à une personne et pas comme à un symbole de l’ennemi, est ouvert au dialogue.

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      • Ce n’est qu’une partie de mon message: l’autre partie est qu’il vaut mieux d’adresser d’abord à des gens qui peuvent être convaincus, pas des militants endurcis.

        Par ailleurs, les controverses ont souvent pour contenu des diatribes. Le problème est d’arriver à faire entendre aussi certains points de fait.

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    •  » Foucart publie depuis de longues années des articles anti-OGMs. Je crois que tous les articles publiés par lui sur la question ont un ton défavorable aux OGMs. »

      Ce n’est pas le cas. Outre l’accueil plus que froid qu’il avait fait en son temps à la fameuse opération de com’ de Séralini (au point que sur le forum d’Arrêt sur image, suite à son passage dans l’émission web, des groupies de Séralini l’on traité de vendu aux américains et à Big Agri !), Foucart avait personnellement pris position en faveur de cette technologie pour lutter contre les maladies transmises par les moustiques dans une tribune publiée dans Le Monde (http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2014/04/19/bresil-le-transmoustique_4404223_3244.html?xtmc=foucart_moustique&xtcr=2).

      Il y a quelques autres exemples mais je n’ai pas le courage de chercher les aiguilles dans la botte d’articles de Foucart 🙂

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  8. Je sors un peu du sujet, mais pas tellement… Il y a une doxa à combattre, et qui s’applique à des sujets plus larges que celui des OGM: c’est celle des « conflits d’intérêts ». Avec cette obsession, on finit par constituer des panels d’experts qui peuvent certes avoir une compétence, mais qui, s’ils n’ont pas d’intérêt financier sur le sujet, peuvent avoir un intérêt philosophique ou affectif à promouvoir une opinion ou une démarche. Dans le même temps, on peut voir exclus de ces panels de réels experts, au motif qu’ils pourraient être malhonnêtes. Et pourtant, l’expert malhonnête est aussi rare, quoiqu’en pense aujourd’hui l’opinion commune, que le politique ou le journaliste malhonnête. Il serait bien préférable d’inclure toute partie prenante et de gérer en conséquence la façon dont seraient formulées les conclusions.

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    • En effet Vincourt, et c’est pourquoi nous nous efforçons de rappeler a chaque fois que nous les abordons, en quoi consistent réellement les enjeux autour des conflits d’intérêts.

      La déclaration de ces derniers permet la comparaison a posteriori des résultats en fonction de ce critère, et donc une analyse propre et rationnelle de la masse totale de résultats. Il serait absurde d’ignorer une part des résultats arbitrairement.

      De plus, la situation que vous prenez en exemple me fait beaucoup penser à ce qu’il s’est passé au sein du CIRC lors de la rédaction de la monographie traitant entre autre du glyphosate : certains experts et travaux furent écartés sur le seul critère de conflit d’intérêt possible, et pourtant Portier s’est trouvé en position influente alors même qu’il est loin d’être dénué d’intérêts liés au sujet, même s’ils sont éventuellement d’une autre nature.

      Par ailleurs, j’ai déjà eu l’occasion de lire des rapports dont les conclusions sont nominatives, permettant à chaque auteur de donner son point de vue sur le travail réalisé sans subir d’effet de moyenne qui ne traduirait finalement l’analyse de personne.

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    • Clairement, n’aborder les conflits d’intérêts que par la face des intérêts vénaux est une grave erreur. Le jugement peut être altéré aussi bien, si ce n’est mieux par des préjugés et des opinions politiques et philosophiques.

      Dans sa forme actuelle, le conflit d’intérêt est utilisé dans le débat public que pour décrédibiliser ceux qui pourraient avoir des liens financiers, même extrêmement ténus, avec ce qu’on déteste. Le pendant est que les utilisateurs de l’argument s’arrogent le manteau de l’honnêteté.

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  9. Monsieur,
    soyez gentil avec l’ex journal de référence français.
    Il ne fait jamais d’erreur.
    Le niveau du journalisme scientifique est au niveau de leurs analyses géo politique, rappellez vous la Syrie ou la Libye.
    Grâce à ce positionnement en ligne avec ce que souhaites leur donneurs d’ordres les journalistes (Pardon pour le terme) du Monde sont sur d’être toujours racheter et que l’état arrosera ce journal de subventions. (Vous pouvez vérifier dans les rapports sur les subventions.
    Les grands manitoux en France ont décidez de ne pas faire d’OGM histoire de finir d’assassiner l’agriculture Francaise et vous êtes priés de ne pas les en empécher.

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    • Bonjour Rémi,

      je ne crois pas qu’il y ait besoin de faire l’hypothèse d’une main-mise gouvernementale pour expliquer les problèmes que traverse le journalisme moderne.

      Les journaux papiers sont dans une situation économique difficile, la production de contenu sur internet et les revenus publicitaires associés ne suffisent pas nécessairement à rentabiliser l’affaire. Une forte pression est mise sur les journalistes pour qu’ils publient avant leurs concurrents, pour qu’ils soient les premiers à révéler les scandales et ainsi accéder aux clics infinis que cela peut générer.

      Dans cette situation, on peut comprendre qu’il soit tentant de faire un scandale de la moindre information qui y ressemblerait ne serait-ce qu’un tout petit peu.

      De plus, le positionnement anti-OGM est très répandu en France, et les mouvements écologistes adhèrent massivement à cette position. Le biais de confirmation est un très mauvais conseiller, mais c’est un conseiller très écouté.

      Si le but inavoué de M.Foucart était de couler l’agriculture française, il ne mettrait pas en avant les chercheurs de l’INRA.

      Non, définitivement, je ne veux pas émettre d’hypothèse fragile à base de quasi-complot, je pense que des biais bien plus communs et humains se cachent derrière la déchéance du journalisme scientifique français. Ce qui ne justifie en rien que les principaux intéressés ne réagissent pas, évidemment.

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      • Je pense qu’il vous manque un facteur important, indépendant de l’état économique des journaux.

        Les journalistes en France voient la majorité des organismes officiels, et les experts associés, comme sous les ordres et près au mensonge et à la dissimulation dès lors que révéler certaines choses mettraient en danger des intérêts économiques puissants. Ils ont l’impression qu’on peut dire à ces experts « vous ne pouvez pas dire cela, vous feriez perdre des millions à telle industrie, ce sont des milliers d’emplois qui sont en jeu derrière », et que ceux-ci, éventuellement honnêtement par peur des conséquences économiques de révélations imprudentes, vont adapter leurs rapports, passer sous silence tout ce qui met en danger l’industrie.

        Dans ce cadre eux journalistes se voient un rôle de super héro à jouer de révéler ces scandales que les experts acceptent en majorité de cacher, aidé d’une minorité d’expert qui refuse de jouer le jeu et va leur transmettre des informations sur tous ces éléments cachés. Bon j’ai pas besoin de détailler pourquoi entre le journaliste qui au final ne maitrise pas scientifiquement le sujet, et l’adulation de l’expert hétérodoxe qui dit le contraire de la majorité, on a les ingrédients parfaits de catastrophes à répétition.

        En plus vient le fait que faire peur vend très bien, et peut-être une bouée de sauvetage dans la situation économique difficile des journaux, mais c’est plus un second facteur qui fait que quand un journaliste a un papier angoissant à publier, il n’y aura pratiquement aucun facteur derrière pour vérifier la fiabilité de l’info et éviter de la mettre à la une imprudemment.

        Je pense que cette conception s’est forgée historiquement à partir de la gestion de deux affaires, et de l’impression durable et fondamentalement qu’elles ont laissés dans le journalisme français, celle de Tchernobyl (plus particulièrement l’histoire du nuage) et du sang contaminé. Ce qui est le plus malheureux est que pour ces 2 affaires la conclusion qu’ont tiré du cas les journalistes et leur impression sur le rôle positif qu’ils auraient joué de dénonciation d’un scandale caché par les autorités, et surtout par les experts, est fausse.

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  10. je dois dire que penser que la déclaration des conflit d’intérêt est une chose si importante me gêne un peu…

    Ou bien la relecture est propre ou bien elle ne l’est pas..
    On fait porter sur les auteurs d’une étude un critique qui devrait porter sur les relecteurs.
    Je n’ai pas de problème avec séralini, je sais qui il est, j’ai quelques problèmes avec le fait qu’il puisse présenter des travaux « validés » par le peer review…
    A quel moment l’honnêteté des relecteurs est remise en cause? pourtant cela devrait être fait…On ne sait pas trop qui ils sont, on ne sait pas si EUX ont des conflits d’intérêt… ou ils font le boulot désolé de le dire de façon baclée…
    Le peer review n’a pas toujours existé me semble t il, pourquoi ne pas en revenir à une situation où un chercheur mettait sa réputation en jeu?
    Le fait est que le peer review n’est pas une garantie d’une vérification élémentaire de la qualité de la méthodologie ..et ça devrait être son principal boulot non…??

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    • Bonjour Jacques,

      Merci d’avoir pris le temps de lire et commenter ce billet 🙂

      Indépendamment de la qualité de la relecture ou de la qualité de l’étude elle-même, le principal problème que je vois à la non déclaration des conflits d’intérêts est le manque de transparence, que « l’oubli » soit volontaire ou accidentel … ou accidentel répété à chaque nouvelle publication sans coup férir.

      Et dans le cas précis de Gilles-Eric Séralini et du thème des PGM, ce manquement est d’autant plus notable que l’argument des conflits d’intérêts est un cheval de bataille récurrent des anti et du chercheur en question. Aussi, le paradoxe est à mon avis, digne d’être relevé.

      Notez cependant que j’insiste bien dans le billet, sur le fait que des conflits d’intérêt ou même l’oubli de déclarer ces derniers ne discrédite pas absolument une étude.

      En ce qui concerne la relecture avant publication, il faut bien voir qu’on a ici affaire à un journal Open Access qui revendique le fait d’accepter tout ce qui est mathématiquement correct. Et pour une fois, les statistiques sont en elles-même valides, bien que trop peu explicitées à mon goût.

      Je suis désolé, tout comme vous l’êtes, que personne n’ait trouvé à redire quant aux problèmes qui constellent ce papier. Mais je ne crois pas que ça enlève quoi que ce soit à mon propos initial.

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