Des nouvelles des OGM dans le Figaro

Saviez-vous que ces photos très connues ne démontrent rien scientifiquement, et pourraient tenir de la maltraitance animale ?

En France depuis quelques jours au moment où ce billet est écrit (le 07 juillet 2018, entre deux victimes de la rougeole), le sujet des OGM fait à nouveau surface. En effet, le journal « le Figaro » revient sur une très fameuse étude de 2012 à ce propos. Fait suffisamment rare pour être marquant : le journal s’intéresse à la science derrière la controverse publique en parlant de la faiblesse de l’étude originale, de l’impossibilité d’en répliquer les résultats, et par voie de conséquence, de ses résultats probablement erronés.

En 2012 en effet a été publiée une étude de l’équipe de Gilles Eric Séralini (GES) sur la toxicité et la cancérogénicité de certains maïs génétiquement modifiés, ainsi que de l’herbicide associé, et commercialisés par Monsanto. [1]

Cette étude a fait l’objet d’une publication dans un journal scientifique, comme c’est la norme. Néanmoins, sa communication vers le grand public a à l’époque immédiatement été émaillée d’irrégularités pour le moins étonnantes, débouchant entre autres en France sur un dossier dans le journal « Le Nouvel Observateur ».

Le Nouvel Observateur, la science et la sobriété.

La première irrégularité majeure concernait la diffusion restreinte à une certaine presse seulement des résultats de l’étude, court-circuitant ainsi à la fois le processus scientifique, et le processus journalistique.

Or, une fois accessible à tous, l’étude du chercheur de Caen a très rapidement montré de très gros défauts. Ceux-ci concernaient le protocole et l’éthique, s’agissant pour l’essentiel de faiblesses statistiques irréductibles, d’interprétations fantaisistes de résultats incohérents, et de mal-traitance animale manifeste et indéfendable. La construction et l’entretien d’un battage médiatique à long terme ne faisait que se surajouter à tout cela.

Aussi sûrement que l’étude était présentée comme définitive et conclusive par différents médias, les premières critiques scientifiques rédhibitoires tombaient. L’étude initiale finissait par être rétractée en 2013 puis republiée dans une autre revue scientifique en 2014 sans avoir été aucunement corrigée, améliorée ou revue à nouveau par les pairs. [2]

Depuis des années maintenant, cette étude, sans aucune valeur scientifique, comme d’autres produites par la même équipe et systématiquement relayées dans les mêmes médias nationaux et par les mêmes activistes, entretient ce qui semble bien être « l’opinion publique », du moins en France, sur « les OGM ». J’ai décrit ailleurs comment tout cela ressemblait fort à la stratégie de communication inventée par Hill & Knowlton dans les années 50 afin de court-circuiter l’état des connaissances scientifiques auprès du grand public sur le tabagisme, ce qu’on appelle parfois la technique des « marchands de doutes ». Cette technique consiste à mettre sur le devant de la scène des études « scientifiques » et des professionnels de la science en rupture avec le consensus scientifique en formation, ou de très mauvaise qualité, afin de créer une fausse balance entre tout cela, comme si « on ne pouvait pas savoir », comme si il y avait un doute raisonnable.

Dans les archives de Hill & Knowlton, on retrouve certains mémos à propos de l’efficacité de leur stratégie. Un représentant de la firme de relations publiques préconisait alors de descendre dans la rue et de demander son avis à un passant sur l’effet du tabagisme. Il pariait que le passant répondrait alors à peu de chose près une phrase diffusée par eux-mêmes et destinée à créer cette fausse balance dans l’opinion.

« Qui croire », interroge cet internaute en réponse à l’article du Figaro. Le doute est fermement installé.

Concernant « les OGM » et les activistes qui défendent une ferme posture d’opposition à leur propos depuis des années, il semble bien qu’ils aient tout simplement adopté avec assez de succès jusqu’à maintenant, cette stratégie de manipulation.

Fameuse campagne publicitaire dès 2011 de l’association France Nature Environnement. Comment ne pas douter face à un tel matraquage ? « On n’a pas encore assez de recul », mantra véhiculé par les groupes d’activistes, est maintenant un incontournable de toute discussion sur les OGM. Les OMG existent et sont testés depuis la fin des années 80.

Parmi les stratagèmes des cigarettiers : créer des instituts scientifiques, qui donneraient l’illusion de l’indépendance, de l’objectivité, du goût de la science et de l’intérêt public. Ceux-ci fourniraient une assise crédible aux scientifiques médiatiques qui défendraient leur cause, et institutionnaliseraient le doute en émettant des communiqués de presse.

Communiqué de presse du CRIIGEN du 4 juillet 2018 en réponse à l’article du Figaro. Le « comité de recherche » (aka association loi 1901), fondé par une ancienne ministre et financé par l’industrie du bio et la grande distribution, peine à se donner du crédit scientifique (aka ça pédale dans la semoule). Dans le fond et dans la forme, pas vraiment de différence avec le Tobacco Industry Research Committee.

Tout l’enjeu était pour ces personnes, de donner l’illusion de se soucier de la science, de mettre celle-ci au service du public, pour une meilleure information sur l’état du monde. Il ne fallait donc pas donner l’impression d’être en confrontation avec le processus scientifique et d’ignorer ou de nier la littérature scientifique existant par ailleurs sur un sujet, mais de prendre en compte celle-ci et de participer au processus de construction de savoir. Tout cela semble bel et bien se retrouver dans les activités d’une association comme le CRIIGEN, qui n’a jamais eu le moindre crédit scientifique. Dans son communiqué du 4 juillet en réponse à l’article du Figaro, le CRIIGEN tente de revendiquer une place sérieuse pour l’étude de 2012 au sein de la littérature scientifique existante. Mais contrairement à ce que suggère là ce comité :

– à défaut de « manipulation », tout indique que la communication autour de la publication de 2012 avait effectivement été soigneusement préparée. A moins que le CRIIGEN ne préfère argumenter sur son impréparation et son amateurisme en la matière ? Or il semble bien que cette association soit bien meilleure en communication qu’en science.

– des réplications peuvent très bien être faites selon différents protocoles (ce qui permet de s’assurer que le phénomène existe bien indépendamment du protocole utilisé).

– il était de toute façon impensable de conserver le protocole de Séralini et al., 2012 au regard de son indigence (et donc normal d’en changer pour d’éventuelles réplications).

– ces réplications tendent bel et bien à infirmer les conclusions de Séralini et du CRIIGEN, d’autant plus que les résultats convergent, et ce avec des protocoles plus sérieux.

Or justement depuis des années, tout est disponible pour que les médias et les responsables politiques sachent l’état réel des connaissances scientifiques sur les OGM et leur dangerosité. Les critiques de Séralini et al., 2012 dans la presse générale ne manquaient pas, pas plus que la littérature scientifique.

Le sceptique Steven Novella en faisait le rappel dès le 8 juin dernier sur son blog :

Il y a maintenant au moins trois tentatives de réplication de ces travaux là en particulier, et aucune d’elles ne parvient à retrouver les mêmes résultats, c’est à dire la toxicité du maïs OGM ou de l’herbicide associé.

Sur l’étude la plus récente, celle rapportée par le Figaro : « Les données de l’étude G-TwYST (GM Plant Two Year Safety Testing) de nourrissage des rats de laboratoire sur 90 jours n’ont identifié aucun risque non plus, et supportent donc les résultats des premières analyses selon les conclusions et recommandations présentées en conférence à Bratislava, Slovaquie, le 29 avril 2018. » (Novella cite le communiqué de l’ONG Alliance for Science affiliée à l’université Cornell).

L’étude GRACE (GMO Risk Assesment and Communication of Evidence) rapportait quant à elle que « Dans cette étude qui a été publiée récemment dans le journal Archives of Toxicology, les scientifiques ont conduit un test de nourrissage de rats sur 90 jours. Les animaux ont reçu deux variétés différentes du maïs génétiquement modifié MON810. Le groupe de rats de contrôle a reçu une variété non génétiquement modifiée et non apparentée, ou l’une des quatre variétés de maïs conventionnel. Les résultats ont montré qu’aucune des deux variétés de maïs génétiquement modifiées ne provoque d’effets négatifs chez les animaux testés ».

L’étude GMO90+ quand à elle a été conduite sur 180 jours et incluait du maïs Bt, qui est un maïs génétiquement modifié pour produire son propre insecticide. Cette étude n’a pas non plus réussi à mettre en évidence d’effets négatifs associés à la consomation de ces OGM chez les animaux testés.

Steven Novella rappelle l’implacable consensus en formation depuis des années : des centaines, sinon des milliers d’études ont été conduites depuis des années par des milliers de scientifiques à travers le monde, relues, commentées et critiquées par des milliers d’autres sans relation d’intérêt ou d’amitié avec les premiers, et tous ces travaux convergent vers des résultats cohérents entre eux, à savoir que les plantes génétiquement modifiées ne sont pas par principe plus dangereuses que les autres. Il y a toujours une minorité de travaux allant dans le sens opposé au consensus, cela peut être le cas pour plusieurs raisons, notamment la simple chance statistique de tomber sur des résultats incohérents, même dans une étude qui aurait été très bien faite. La production d’études médiocres est une autre raison possible.

L’une des revues de la science sur les OGM la plus récente est celle de la National Academies of Sciences, Engeneering, and Medicine de 2016. Là encore, le résultat est plutôt massif, convergent et cohérent. [3] Cette revue avait fait l’objet d’une excellente vidéo de Léo Grasset sur sa chaîne Youtube, Dirtybiology.

Mais si la science semble si évidente sur des aspects aussi généraux que «les OGM sont-ils ou ne sont ils pas des poisons », comment expliquer une telle asymétrie avec ce que peut en percevoir le public ?

Il nous faut là probablement revenir à nos marchands de doutes. S’il me semble personnellement sain, souhaitable et salutaire que des personnes, journalistes, magistrats, scientifiques, enquêtent sur les collusions entre industrie et science par exemple, il me semble actuellement urgent de ne plus être dupe des collusions manifestes depuis des années entre activisme pseudo-scientifique et médias nationaux (car malheureusement, on ne parle pas de piges du mois d’août sur les fantômes dans une gazette locale), et de leur pouvoir de nuisance certain. L’asymétrie entre les gros titres médiatiques sur les fakenews depuis quelques mois et la propension de ces mêmes médias à pourvoir de la désinformation de masse sans jamais revenir dessus devient difficilement tenable.

Si je ne suis pas étonné que l’Obs tende à nouveau le micro à GES pour nous offrir une défense aussi sophistique que conspirationniste, je trouve illusoire d’espérer faire mouche en désignant des coupables et en donnant l’illusion d’agir en meute.

Pour rappel, on met de l’argent public pour refaire correctement ce qu’il avait mal fait avec l’argent de la grande distribution. J’attire votre attention sur les titres de la liste d’articles connexes à droite : autant dire que la science n’a pas l’air d’étouffer les productions de ce journal quand il s’agit de parler de biotechnologies.

Il est nécessaire à mon sens de noter les initiatives entreprises ces derniers mois/années par les professionnels de l’information, de la science et de la santé, pour faire entendre un son de cloche plus raisonnable. Les activités de Florian Gouthière (son passage sur le podcast Scepticisme scientifique pour parler de journalisme scientifique), de Cécile Thibert (qui a écrit cet article dans le Figaro) ou Géraldine Woessner (son « Vrai-Faux de l’info » sur la radio Europe 1) par exemple sont ainsi à saluer, soutenir et encourager. Sylvestre Huet, dont vous pouvez lire le blog {Science²} sur Le Monde, porte depuis longtemps (et notamment en 2012), une voix raisonnable dans le journalisme scientifique. Des initiatives percutantes de journalisme rationnel (ou « zététique ») se multiplient depuis quelques années, comme l’excellente chaîne Youtube  « Un Monde Riant »  et sa série « Zététique et journalisme ». On peut également citer le blog de « La Chèvre Pensante », qui s’intéresse au traitement médiatique de l’information scientifique.  L’Association pour la Science et la Transmission de l’Esprit Critique (ASTEC) œuvre également à attirer l’attention des médias publics sur l’importance d’une information scientifique sérieuse. Récemment, l’initiative des 124 médecins signataires de la tribune Fakemed, également publiée dans « le Figaro« , a probablement crevé un certain abcès en mettant en lumière le confort dont jouissent les pseudo-médecines, en plus de la pseudo-science, dans les médias nationaux.

Exclusif, vraiment ?

On peut assurément sourire de voir le Figaro ainsi titrer « exclusif » son article sur la réplication des travaux de GES, comme si tout ceci n’était pas déjà parfaitement su depuis 6 ans en dehors du monde médiatique, comme on peut sourire de la cooccurrence des initiatives de fact-checking des journaux Libé ou Le Monde et d’articles voire de Unes pour le moins étonnantes et contradictoires avec les dites initiatives dans les mêmes journaux.

Une Une tout à fait normale de Libé en juin 2018. Le week-end prochain, dossier complet « Pour ou contre le géocentrisme ? On refait le match ».

Mais si nous pouvons sourire à cela, c’est à mon sens bien qu’une tendance émerge, en contradiction avec ce à quoi nous sommes habitués depuis des années. A force de petites initiatives séparées, la cause de l’information scientifique fondée sur la science et la raison plutôt que l’activisme partisan devient de plus en plus visible. Et c’est une bonne chose.

Bibliographie scientifique :

[1] Séralini et al., RETRACTED: Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize, Food And Chemical Toxicology, 2012.

[2] Séralini et al., Republished study: long-term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize, Environ. Sci. Eur., 2012

[3] NASC, Genetically Engineered Crops: Experiences and Prospects, 2016

14 commentaires sur “Des nouvelles des OGM dans le Figaro

  1. Mais quel est l’intérêt, le bénéfice, pour ces « faiseurs de doute », ces « critiques des OGM » ?
    Si on se doute que les industriels ont gros à gagner de vendre leurs produits, qu’ont à gagner ceux qui disent vouloir nous alerter sur la dangerosité de certains produits ?
    Merci pour votre réponse.
    Cordialement,
    Coco

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    • Mais ils n’ont rien à gagner; et pourquoi donc faudrait-il nécessairement avoir quelque chose à gagner pour défendre une cause. C’est juste qu’ils sont convaincus que les OGM sont mauvais. C’est leur droit, mais ce faisant, ce ressort puissant de la motivation ou de l’orientation, est en lui-même très efficace pour se tromper sans l’aide de personne, tout seul comme des grands.

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    • Penser qu’il n’y a d’intérêt que financier – et donc en déduire que sur les questions de « conflit d’intérêt », seul le bénéfice pécuniaire est à prendre en compte – c’est, et de façon paradoxale, donner du crédit à la vision des choses que l’on prétend combattre. Etre reconnu par ses pairs, donner un écho à son combat, peuvent constituer des motivations au moins aussi fortes. Sinon, il n’y aurait jamais eu de révolutions. Or il y a fort à parier que la chute du Mur de Berlin n’ait pas mis un point final à l’ Histoire.

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    • Il y a une industrie bio qui paie pour des études anti-OGM. Auchan ouvre des magasins bio et finance le CRIIGEN, pareil pour la franchise Carrefour bio.

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    • Cette étude présentait des conflits d’intérêts qui ont d’ailleurs été dissimulés au début, des supermarchés qui misent sur la chimiophobie et la peur des ogm, et Sévène Pharma, une boîte qui produit un remède HOMÉOPATHIQUE contre les effets du glyphosate, à laquelle Séralini est lié.
      https://blogs.mediapart.fr/yann-kindo/blog/030213/seralini-entre-detox-et-intox
      Cela-dit, la vraie motivation est certainement idéologique.

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    • Qu’ont à gagner ceux qui croient que la Terre est plate ?

      Mais dans le cas des OGM, il y a bel et bien un allié objectif qui a tout à gagner dans cette croisade anti-OGM : le bio.

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    • Les gens ne sont pas motivés que par l’argent. Son combat anti OGM vaut à Séralini d’être invité partout, interviewé dans quantités de médias, dans pleins de pays, d’être révéré par les anti Monsatan etc. S’il n’y avait Monsanto, qui aurait entendu parlé de Gilles Séralini ? Personne ou presque.

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    • Tout d’abord, il faut garder à l’esprit qu’il ne faut pas craindre que les motivations pécuniaires. Souvent, les individus militants sont vivement et sincèrement convaincus, avec tous les biais que cela implique. En plus de ces biais, pour certains, la fin justifie les moyens : l’honnêteté pourra alors être secondaire, des manipulations pourront être opérées pour mieux convaincre.

      Pour certains autres individus très médiatiques, on oubliera pas aussi l’existence d’intérêts privés plus palpables : des livres sont vendus (Séralini signe “Tous cobaye !”), des conférences sont données (Vandana Shiva demande 40’000 $ par conférence)…

      Et il y a toutes les industries que l’on oublie souvent : le bio, le “sans OGM”, les médecines aléternatives…

      Dans le cas qui nous intéresse, on trouve effetivement des acoquinements inquiétants avec des industries. Inquiétants non seulement de par leur existence (des financements privés invitent à précaution mais ne sont pas nécessairement synonyme de science biaisée), mais de pas leur dissimulation.
      En particulier, l’étude Séralini et al. 2012 a été en grande partie financée par Auchan et Carrefour, qui faisait leur communication sur le “sans OGM”. Le livre fait l’éloge du courage de certains responsables desdits chaînes, en revanche lesdits financements ne sont pas mentionnés dans l’étude, dans laquelle on lit au contraire : « Les auteurs déclare qu’il n’y a pas de conflit d’intérêt. »
      Peut-être n’auraient-ils pas eu conscience du fait que ces financements devaient être considérés comme conflits d’intérêts potentiels, devant ainsi être déclarés ? Non. Bien au contraire. Dans son livre, Séralini écrit :
      « Nous avons cependant dû sortir de ce cadre pour organiser le montage financier nécessaire à l’expérience. Pour éviter tout rapprochement disqualifiant avec les méthodes des industriels, il fallait un cloisonnement net entre les scientifiques, qui menaient cette expérience dans le respect d’une éthique de l’indépendance et de l’objectivité, et les associations qui la subventionnaient. L’association Fontaine a permis de recruter plusieurs dizaines de donateurs qui se sont eux-mêmes regroupés sous le nom de CERES. [On parle de, entre autre, Auchan et Carrefour. C’est explicité dans le chapitre précédent.] Cette autre association, créée par Jacques Dublancq, a débloqué une première somme d’environ 500 000 euros qui nous a permis de mettre en route les premières phases de l’expérience. Il n’était toutefois pas concevable qu’elle soit le commanditaire direct de l’étude. Nous ne pouvions nous exposer à apparaître aux yeux de nos détracteurs comme des scientifiques financés directement par le lobby de la grande distribution – d’une façon symétrique aux experts influencés par celui de l’agro-alimentaire. Et cela même si de nombreux autres métiers étaient représentés au sein de CERES. Le CRIIGEN, alors sous la présidence efficace de Corinne Lepage, a joué un rôle capital dans le montage de l’expérience car il a assuré l’interface entre les associations donatrices (CERES, puis, on le verra, la fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme avec son directeur Matthieu Calame, spécialiste de l’agriculture de proximité et durable, et quelques autres) et le comité directeur de l’expérience. »
      Vous saurez apprécier la savoureuse ironie, de la part d’individus critiquant les conflits d’intérêts (déclarés eux !) des autres études.

      Et comme si cela ne suffisait pas : récidive avec l’étude suivante de l’équipe de recherche (“Laboratory Rodent Diets Contain Toxic Levels of Environmental Contaminants…”, Mesnage et al. 2015).
      Cette étude s’attelait à démontrer que la nourriture pour les rats de laboratoires était “contaminées” : produits divers (dont glyphosate) et OGM… Une correction a été apportée après coup par l’éditeur : les auteurs avaient oublier de déclarer leurs conflits d’intérêts. On trouve dans le lot des financements pour cette études et les études passées : la Fondation Léa Nature et Malongo (industrie du bio), la Fondation Charles Léopold Mayer (celle ayant servi d’écran de fumée aux financements d’Auchan et Carrefour avant), Nature Vivante, Institute Bio Forschung Austria (un institut de recherche pro-bio), la Sustainable Food Alliance (organisation à but non lucratif).
      Sont aussi mentionnés des financements (pour des cours) de Séralini par Sevene Pharma, une entreprise vendant notamment des produits de détox homéopathique.
      Justement, en 2010 déjà, deux articles signés par Séralini faisait état d’un travail financé par Sevene Pharma, et avançaient que Dig1 (un des produits utilisés par la firme pour son traitement détox anti-glyphosate) permettait effectivement de protéger les cellules humaines des effets du glyphosate (“Defined plant extracts can protect human cells against combined xenobiotic effects”, “Dig1 protects against cell death provoked by glyphosate-based herbicides in human liver cell lines”). Et après tout le brouhaha médiatique ayant suivi l’étude de 2012 et d’autres des mêmes chercheurs, rebelote en 2016 (“Dig1 protects against locomotor and biochemical dysfunctions provoked by Roundup”).

      Même sans conflits d’intérêts, sans intérêts financiers, il faut savoir douter. Les convictions et la militance ne doivent pas être oubliés.
      Mais les mouvements anti-pesticides et anti-OGM sont aussi souvent riches en collusions avec des intérêts privés.
      Avec Séralini et ses collègues du CRIIGEN, non seulement les conflits d’intérêts existent bel et bien, mais surtout ils ont été sciemment dissimulés.

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  2. Parler de consensus « en formation » sur les OGMs (en tout cas ceux sur le marché actuellement) me semble faux. Il y a un consensus installé, et c’était déjà largement le cas en 2012 déjà. Aujourd’hui c’est très clair.

    Par exemple, en 2010, la commission européenne avait publié un document résumant 10 ans de recherches qu’elle avait financées et avait trouvé qu’il n’y avait pas plus de danger qu’avec des variété classiques.
    Après la sortie du papier de Séralini, en 2013, on avait eu les Académies des sciences européennes qui avaient dit la même chose. Étant donné le temps que prend l’écriture de ce genre de rapport, la matière était déjà là l’année d’avant.

    Ça ne fait que renforcer votre point sur certains journalistes qui sont plus dans le militantisme que dans la publication d’articles impartiaux.

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  3. J’apprécie beaucoup que cet article écrive « à défaut de « manipulation » », car qu’on le veuille ou non, parler de manipulation, c’est déjà rentrer dans le jeu des manipulateurs. Interviewé sur @Europe1, le Pr. B.Salles (@Toxalim_E01 / @INRA_fr ) a reconnu qu’il pouvait y avoir controverse scientifique sur les résultats des études G-TwYST, GRACE et GMO90+. Admettre la controverse, ce n’est pas renier sa propre approche expérimentale; c’est accepter le débat. Et le plus grave dans l’affaire, c’est de refuser le débat, au nom de quelque chose qui ressemble fort à une religion.
    Sur le CV rédigé par G.E.Seralini lui-même (http://www.seralini.fr/wp-content/uploads/2018/02/cv-long-seralini.pdf), il est mentionné qu’il a été nommé professeur de classe exceptionnelle en 2017, donc bien après le litige sur la publication de 2012. Cela signifie qu’au delà de sa personne, une communauté scientifique s’est mobilisée pour considérer que son action scientifique devait être reconnue – voire que son action dans le domaine de la communication était acceptable. On aurait donc tort de considérer qu’il porte seul la responsabilité de son propos. Et du reste, il en a toujours été ainsi: le « bouc émissaire » est une constante de nos cultures, mais on ferait bien de s’interroger sur les connivences.

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  4. Je rajouterai juste un détail : En fait le Nouvel Obs n’était pas le seul média ayant accepté de rédiger un article avant la publication de l’étude sans avoir le droit de contacter d’autres scientifiques pour vérification. L’AFP et le Monde ont eu aussi accepté de médiatiser cette étude malgré les conditions proprement scandaleuses : → https://lemonde.fr/planete/article/2012/09/19/un-ogm-de-monsanto-soupconne-de-toxicite_1762236_3244.html Personne ne sera étonné que c’est Stéphane Foucart qui signe cet article. Il a au moins l’honnêteté de s’étonner des conditions imposées par Seralini, ce qui ne constitue en rien une excuse.

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    • Cet article n’a rien de glorieux mais il faut noter que Foucart s’est montré plus avisé ensuite. Par exemple sur le plateau d’arrêt sur image (il faut lire les commentaires, qui traitaient Foucart de vendu à Monsanto !). Idem lors d’une séance de questions-réponses avec les abonnés du Monde.

      Puis rebelote, il s’est remis à défendre Séralini, victime de l’odieux complot hourdi par Monsatan et ses hordes de Trolls…

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  5. J’arrive un peu tard mais il faudrait aussi rajouter que Séralini est très flou sur les 2 hybrides de maïs utilisés dans ton étude. Il dit comparer un hybride portant le trait NK603 (RoundupReady 2) et son équivalent non-ogm. Je bosse dans l’industrie semencière et peux affirmer que Séralini n’a aucun moyen de savoir si les 2 hybrides ne diffèrent que par l’ajout du trait NK603. Seul le semencier, qui n’est pas mentionné dans l’étude, connait le pédigré de ses hybrides. Et je doute que le semencier en question ait pris la peine de donner ces détails, qui relèvent du secret industriel, à notre bon chercheur indépendant…

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