Le mardi 23 juin 2020 était rediffusé sur Arte le documentaire OGM : Mensonges & Vérités, réalisé par Frédéric Castaignède (L’autre Mondialisation). Puisque son contenu a semblé convaincre journalistes, militants et internautes de tout poil par le passé, nous considérons qu’il est enrichissant de décortiquer le documentaire afin de faire la part des choses entre vérités et erreurs – “mensonge” étant peut-être exagéré.
Le texte qui suit n’est pas une critique qui suivrait le fil du documentaire ; si c’est ce que toi lecteur, es venu chercher, tourne-toi peut-être plutôt vers ce post Facebook de Maxime Pinazzi. Notons dès à présent que le travail qui suit puise entre autres dans ces ressources, mais aussi dans plusieurs textes déjà parus sur La Théière que nous n’avons pas jugé intéressant de plagier, d’où un certain nombre d’auto-références.
Ce que nous proposons ici est donc une analyse de la structure du documentaire et des éléments qui le composent, car il nous apparaît qu’au-delà des arguments qu’il contient pris un par un – que nous traiterons en premier lieu -, ce sont les procédés de persuasion mis en œuvre qu’il est réellement intéressant de mettre en lumière. Important : il est de bon ton et vivement recommandé de consulter le documentaire avant le présent texte ; il est disponible sur la chaîne Youtube d’Arte.
Remarque supplémentaire : ce billet est voué à être augmenté, corrigé et consolidé avec les critiques et remarques des lecteurs, lectrices et commentaires émis sur cette plateforme et ailleurs. Les mises à jour successives seront explicitées.
I. Erreurs factuelles
Ce premier chapitre reprend les affirmations les plus erronées du documentaire. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
1/ OGM, késako
Les définitions sont importantes, surtout quand on entend déduire des implications logiques de ces dernières. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
Le terme “Organisme Génétiquement Modifié” n’est pas, contrairement à l’idée très répandue, un terme technique. Un OGM n’est pas désigné ainsi pour ses caractéristiques techniques en tant que produit, ou par des critères évaluant son comportement. “OGM” est avant tout une définition originaire du législateur. En Europe, elle est la suivante :
Révéler le texte masqué
un organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle.
Aux fins de la présente définition:
a) la modification génétique se fait au moins par l’utilisation des techniques énumérées à l’annexe I A, première partie;
b) les techniques énumérées à l’annexe I A, deuxième partie, ne sont pas considérées comme entraînant une modification génétique.
L’annexe I A dispose quant à elle :
Révéler le texte masqué
TECHNIQUES VISÉES À L’ARTICLE 2, POINT 2
PREMIÈRE PARTIE
Les techniques de modification génétique visées à l’article 2, point 2, sous a), sont, entre autres:
1) les techniques de recombinaison de l’acide désoxyribonucléique (NdA : il s’agit de l’ADN) impliquant la formation de nouvelles combinaisons de matériel génétique par l’insertion de molécules d’acide nucléique, produit de n’importe quelle façon hors d’un organisme, à l’intérieur de tout virus, plasmide bactérien ou autre système vecteur et leur incorporation dans un organisme hôte à l’intérieur duquel elles n’apparaissent pas de façon naturelle, mais où elles peuvent se multiplier de façon continue;
2) les techniques impliquant l’incorporation directe dans un organisme de matériel héréditaire préparé à l’extérieur de l’organisme, y compris la micro-injection, la macro-injection et le microencapsulation;
3) les techniques de fusion cellulaire (y compris la fusion de protoplastes) ou d’hybridation dans lesquelles des cellules vivantes présentant de nouvelles combinaisons de matériel génétique héréditaire sont constituées par la fusion de deux cellules ou davantage au moyen de méthodes qui ne sont pas mises en oeuvre de façon naturelle.
DEUXIÈME PARTIE
Les techniques visées à l’article 2, point 2, sous b), qui ne sont pas considérées comme entraînant une modification génétique, à condition qu’elles n’impliquent pas l’emploi de molécules d’acide nucléique recombinant ou d’OGM obtenus par des techniques/méthodes autres que celles qui sont exclues par l’annexe I B, sont:
1) la fécondation in vitro;
2) les processus naturels tels que la conjugaison, la transduction, la transformation, ou
3) l’induction polyploïde.
Il est explicite que ce sont les méthodes d’obtention qui définissent l’appartenance ou non à la catégorie “OGM”, et pas du tout les propriétés du résultat.
Or le documentaire a une manière assez expéditive et peu exacte de présenter cette définition pourtant fondamentale :
» des plantes dont le matériel génétique a été transformé par des scientifiques «
La transformation du matériel génétique des plantes et animaux, c’est un des aspects de ce qu’on appelle communément l’agriculture, pratiquée depuis plusieurs millénaires [1], par les biais d’abord de la sélection artificielle puis de l’hybridation. Aujourd’hui cette sélection et/ou cette hybridation peut-être le travail de scientifiques sans pour autant aboutir à des “OGM”. La définition fournie est donc largement insuffisante, les OGM faisant référence à une édition plus directe du génome. Si on estime que les scientifiques tels que vus aujourd’hui sont apparus au cours du XVIIIe siècle, on reste assez éloigné de la date admise de création du premier OGM, à savoir les expériences de Berg à partir de 1972.
Il est dommage d’avoir choisi un traitement “léger” de cette notion. En effet, la compréhension des enjeux autour des OGM passe d’abord par la connaissance des enjeux qui ont abouti au développement de ces derniers. Si on est allé chercher des méthodes complexes pour modifier le génome des plantes, animaux et micro-organismes alors qu’on savait déjà le faire plus simplement, c’est sans doute pour certaines raisons qu’il sera pertinent de présenter : entre autres, la recherche d’une plus grande maîtrise des modifications réalisées et la possibilité de réaliser des modifications beaucoup plus ciblées, donc limiter l’altération à ce qu’on appellera les gènes d’intérêt, ceux que l’on a effectivement envie d’affecter [1].
Par ailleurs, la définition fournie par le documentaire fait comme si tout ce qui n’est pas OGM n’impliquerait pas de changement du matériel génétique, ou de scientifique. Or puisque la technologie doit être considérée en comparaison à ses alternatives, il convient de ne pas lui conférer des différences en réalité inexistantes.
2/ Pesticides et résistances
Un argument extrêmement courant contre les OGM, que le documentaire propose également, est d’une part le lien qui peut exister entre pesticides et OGM, et d’autre part l’apparition de résistances parmi les mauvaises herbes que l’on souhaite tuer ou les ravageurs dont on veut protéger les cultures.. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
Le lien qui existe dans de nombreux esprits entre plantes génétiquement modifiées (PGM) et pesticides est dû à l’existence de trois types d’OGM – parmi de nombreux autres :
– les plantes résistantes à certains herbicides, dont le but est de soulager l’agriculteur d’une partie de la charge de travail liée à l’entretien de ses parcelles en permettant de n’utiliser qu’un seul herbicide (plutôt que divers herbicides sélectifs)
– les plantes qui sécrètent un insecticide ciblant particulièrement certains ravageurs, dont le but est trivialement de réduire l’usage d’insecticides sur les cultures.
– les plantes équipées des deux traits décrits précédemment.
S’il est abusif de considérer que ces catégories résument toutes les possibilités des OGM ou en seraient une forme inévitable, il est en revanche exact qu’aujourd’hui elles sont les formes les plus courantes de PGM. Une raison simple à cela, au-delà du succès rencontré de par leurs performances (voir plus loin) et de la publicité qui en a été faite, est que ce furent les premières applications commercialisées, avant l’instauration des mesures de contrôle extrêmement strictes qui concernent aujourd’hui toute nouvelle application des PGM et rendent ces dernières très coûteuses à proposer à la mise sur le marché, cette dernière étant parfois incertaine du fait d’oppositions politiques fortes.
Le type d’herbicide le plus souvent employé en conjonction avec des OGM résistants est la famille des herbicides à base de glyphosate. Ce dernier n’étant pas le sujet du présent texte, nous renvoyons aux articles que nous avons pu rédiger par le passé le concernant [2][3][4].
La toxine Bt est quant à elle l’insecticide sécrété par les OGM de la deuxième famille citée. Utilisée en agriculture conventionnelle et bio, elle est très peu dangereuse pour les êtres vivants non ciblés et très efficace contre les ravageurs qui y sont sensibles [5].
Le phénomène de résistance quant à lui n’est absolument pas spécifique aux pesticides en rapport de près ou de loin aux OGM [6]. Toute solution de lutte contre les mauvaises herbes ou les ravageurs induit ce qu’on appelle une pression de sélection : l’espèce ciblée voit sa survie locale mise en danger, et les individus qui sont par hasard moins vulnérables se trouvent davantage représentés dans la population. Une issue possible de cette situation est la reproduction de ces individus de manière privilégiée et donc la diffusion de leur moindre vulnérabilité au sein de la population.
En ce sens, les herbicides à base de glyphosate et les plants Bt ont été victimes de leur succès. Étant très efficaces dans ce qu’ils font, il est tentant de les considérer comme unique solution à mettre en place, et donc prendre le risque de voir apparaître des résistances.
Aujourd’hui, les bonnes pratiques agricoles reposent entre autres sur une rotation des solutions employées contre les mauvaises herbes [7][8], et sur l’ajout de zones dites “refuges” dans les champs Bt, c’est-à-dire une petite part de plants que les insectes pourront agresser, abaissant ainsi la pression de sélection.
Les ravageurs et herbes résistants sont un problème réel ; des solutions existent, et dans tous les cas ces enjeux ne sont pas du tout spécifiques aux OGM mais concernent l’agriculture en général [6]. Cette remise en situation et la présentation de solutions simples sont tout bonnement absentes du documentaire.
Ainsi on nous dira :
« depuis quelques années, [les insectes] commencent à devenir résistants »
Pourquoi ne parler que des résistances sans évoquer plus en détails les avantages des OGM Bt ? Les insectes non-cibles ont prospéré grâce à la diminution des pesticides, au point que les cultures non-OGM ont également pu réduire leur propre utilisation de pesticides [9]. La réduction d’effectifs des insectes ciblés est d’autant plus marquée dans les pays en voie de développement où l’utilisation d’insecticides a baissé parfois jusqu’à 70% [10] avec tous les avantages sanitaires, environnementaux et économiques que cela implique. Enfin, les semences récentes peuvent cumuler plusieurs modes d’action pour éviter l’apparition de résistances et les sacs contiennent déjà les refuges, facilitant le travail de l’agriculteur.
3/ Brevets et propriété industrielle
Les questions et mécompréhensions en lien avec le brevetage du vivant, les brevets en général et la protection des plantes ont déjà été traitées ailleurs sur La Théière [11]. Il est très fortement recommandé de lire ce texte afin de bien comprendre ce qui suit. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
On comprendra alors qu’il y a erreur lorsqu’il est dit :
« les OGM ne sont pas des plantes comme les autres, les semences sont brevetées »
Voici quatre exemples de brevets pour des plantes bio [12][13][14][15]. Voici 50 plantes brevetés en conventionnel [16]. Ça fait beaucoup de brevets pour quelque chose spécifique aux OGM, non ?
Ou encore :
« vous ne pouvez plus conserver les graines après récoltes »
En effet, tous les agriculteurs ne veulent pas conserver les graines après récolte, au contraire. Cela demande du travail, de l’argent, et comprend des risques. D’autre part les semences dites paysannes, conservées après récolte pour la saison suivante, représentent 40% des semences utilisées en France, répartis équitablement entre conventionnel et bio [17].
Mais surtout, les Certificats d’Obtention Végétale (COV) évoqués dans l’article recommandé précédemment autorisent l’agriculteur à ré-utiliser les semences, en échange d’une contrepartie financière correspondant à un soutien à l’effort de recherche et de développement des nouvelles variétés. Les petits paysans de moins de 92 tonnes (leurs productions, pas eux) sont totalement libres de réutiliser leurs semences sans contrepartie.
Enfin tous les OGM ne sont pas nécessairement brevetés – rien n’y oblige et certains sont développés par des structures publiques et/ou dans un but humanitaire. Au delà de ça, après maximum 20 ans n’importe quel brevet tombe dans le domaine public, et c’est ainsi que les premiers OGM RR et Bt sont libres de droit depuis des années.
Il est donc fortement erroné de prétendre que les OGM impliquent la protection industrielle, ou même que la seconde implique les premiers. D’autant que la protection des espèces végétales (créée pour protéger le métier de sélectionneur de graines existant depuis la fin du XVIIIe siècle) préexiste aux premiers OGM par plus de 50 ans.
4/ Contamination et dispersion dans la nature
Le second grand classique des argumentaires anti-OGM repris sans aucun recul est la contamination, c’est-à-dire la possibilité que via le pollen, une espèce GM s’installe petit à petit dans les champs non-GM à proximité. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
De manière analogue aux résistances, la pollinisation des alentours est un enjeu valable pour toute l’agriculture et n’a rien de spécifique aux OGM. Toutes les plantes tentent de se reproduire avec tout ce qui se trouve autour d’elles sans trop se soucier du cadastre.
L’argument de la contamination opposé aux OGM est protéiforme :
a/ souillure de ce qui est “naturel” : à ce sujet, voir le paragraphe dédié de notre texte OGM=Dangers, les preuves scientifiques dont une copie conforme ici n’aurait pas été très pertinente [18].
b/ Perte de contrôle des gènes d’intérêt : Ce point est explicitement abordé dans le documentaire, à l’inverse du précédent qui ne l’est qu’implicitement. il est également traité dans OGM=Dangers au même paragraphe, mais approfondissons sur les points spécifiquement cités dans le documentaire. Ainsi :
» il n’y a jamais eu de conférence d’Asilomar pour les libérations dans l’environnement »
Il se trouve que la première phrase de l’article Wikipedia est : La conférence d’Asilomar a été organisée […] afin d’éviter que des bactéries génétiquement modifiées puissent se disperser dans l’environnement.
Mais même si ce n’était pas le cas, il faut rappeler que les plantes cultivées ne sont pas du tout compétitives face à leurs homologues sauvages, du fait de la sélection opérée par l’Homme pour prioriser des traits qui ne sont pas liés à la survie dans la nature. Les traits OGM n’apportent rien allant dans ce sens non plus, résister au glyphosate ou produire plus de β-carotène par exemple n’est d’aucune utilité dans la nature – cela est moins évident avec les OGM résistants aux insectes, mais les études montrent que cela ne pose pas de problème même si le mécanisme reste possible [19].
L’académie des sciences américaine a conclu à ce sujet que « aucun exemple n’a démontré un effet environnemental négatif » en cas de croisements [19]. Ces croisements sont d’ailleurs très rares puisqu’il y a peu d’espèces sauvages compatibles [20].
Il ne faut pas non plus oublier que les « contaminations » concernent toutes les plantes, cela n’a rien d’une spécificité OGM.
On remarquera enfin et surtout :
« on a découvert […] qu’il y avait des traces d’ADN OGM dans du maïs cultivé […] il y avait eu une contamination croisée »
L’étude en question date d’il y a 17 ans et n’a jamais été confirmée depuis, au contraire, les résultats dans leur globalité sont rassurants [18]. Encore une fois, notons que les plantes non-OGM « contaminent » également, mais il est choisi de présenter cette possibilité comme grave dans le cas des OGM parce que le public en a peur.
c/ Invasion de sa propriété par la propriété d’autrui : Le documentaire tombe ici dans un premier piège particulièrement peu subtil et aisé à éviter, le cas Percy Schmeiser. Nous reproduisons ici un texte de Bunker D à ce sujet, critiquant une intervention de Pierre-Henri Gouyon (vidéo supprimée) proche de celle proposée dans le documentaire :
Révéler le texte masqué
On commence fort avec un bon gros mensonge : « Un contrat qui dit que vous achèterez que des colza Monsanto… » Bien sûr que non ! Je doute même qu’une telle condition puissent être légale. Le contrat précise que l’agriculteur à toute flexibilité sur l’arrêt du contrat : « Grower may choose to terminate this Agreement effective immediately by delivering written notice to Monsanto. » [i]
D’ailleurs, on peut décider de cultiver plusieurs variétés de plusieurs semenciers en même temps. Un agriculteur informant sur le contenu du contrat avec Monsanto nous explique que lui va planter ensemble des maïs de Monsanto et de Pioneer. [ii]
La phrase continue, toujours dans le mensonge : « … que vous achèterez que des herbicides Monsanto… »
Sauf que oui et non. Pour les herbicides qui tueraient du non-Roundup-Ready (en gros ceux à base de glyphosate), il faut que ce soit un produit Roundup/Monsanto, ou un produit autorisé par la marque. [i] (Après, pas sûr que Monsanto prévoit des poursuites, vu qu’ils prennent la peine d’écrire en majuscules juste derrière qu’en gros, si on utilise autre chose, c’est tant pis pour sa poire et Monsanto ne pourra pas être tenu responsable.)
On continue dans l’arrangement avec les faits, 7:25 : « … et que vous ne cultiverez jamais les repousses même involontaires. »
Il est dit qu’il est interdit de nettoyer, replanter, recultiver… Des trucs volontaires par essence quoi. Donc « involontaire » est un ajout. (Par contre oui, il est interdit de replanter, sauf autorisation particulière.) [i]
Maintenant retournons à Percy Schmeiser. On nous explique qu’il a été attaqué en justice parce que son champ était contaminé. Pas la faute de Schmeiser ? Si ! Si on n’oublie pas la moitié de l’affaire. (Parce que légalement, Monsanto ne peut rien sans acte volontaire. Faut arrêter de croire que la loi puisse être si conne.)
Ce que Percy Schmeiser a fait, c’est qu’il a replanté du colza qu’il avait traité au Roundup à deux reprises. Il a volontairement replanté et cultivé un colza, sachant pertinemment qu’il était Roundup-Ready. Et c’est par cet acte de replante du produit identifié qu’il s’est rendu coupable d’infraction quant à la propriété intellectuelle.
D’ailleurs, Gouyon n’arrête pas là ses embrouilles. Il explique à 8:36 : « Cour Suprême Canadienne a statué, elle a dispensée Schmeiser des 400’000$. » La cour Suprême n’a eu a statué que sur 153’000$, mais qu’importe. À entendre Gouyon, on croirait presque que Percy Schmeiser a été jugé innocent. Il n’en est rien. « [La Cour Suprême Canadienne] reconnût que les champs de Schmeiser aient pu être accidentellement contaminés par le pollen apporté par le vent, elle confirme néanmoins la culpabilité de Schmeiser. Schmeiser est déclaré coupable de contrefaçon. […] Schmeiser est ainsi condamné à payer $15460 correspondant à la licence portant sur les surfaces emblavées. Cependant la Cour suprême exempte Schmeiser de l’obligation de verser à Monsanto le produit de la vente de sa récolte. Schmeiser échappe au paiement de ces $105 000 au motif qu’il n’a pas financièrement bénéficié de l’innovation technologique protégée par le brevet. » [iii]
In fine, il s’agit encore d’un enjeu agricole non spécifique aux OGM. La “contamination” est étudiée et maîtrisée ; et si les questions légales de propriété s’y rapportant ne sont pas forcément simples, les pages wikipedia des cas célèbres sont assez claires pour qu’il soit difficilement pardonnable de proposer de tels poncifs dans un documentaire qui vise l’objectivité et la rigueur.
5/ Seralini 2012, ou la caricature de l’opposition aux OGM
C’est peut-être LE drapeau rouge, le signe ultime qu’il y a eu un grave souci lors de la sélection des cas traités par le documentaire et la manière dont ils nous sont proposés. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
Seralini & al. (2012), dont le titre complet est Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize, est une étude menée par le CRIIGEN et particulièrement Gilles-Eric Séralini, Joël Spiroux de Vendômois et Robin Mesnage, parue donc en 2012 et qui entend montrer que le maïs NK603 est dangereux pour la santé de rats de laboratoire dans le cadre d’une étude de longue durée.
Il y a beaucoup à dire sur cette étude :
– le fait que sa publication ait été précédée d’un habile tour de passe-passe médiatique pour créer de l’engouement sur des résultats pas encore lus ne serait-ce qu’une fois par la communauté scientifique [21], en jouant sur les règles d’embargo médiatique en vigueur avant publication. Pour mieux comprendre cet aspect, on se reportera à la déclaration de l’association des journalistes scientifiques et de la presse d’information :
Révéler le texte masqué
« L’embargo est une pratique que nous approuvons, mais sur un article publié dans une revue scientifique, il consiste à interdire de le citer avant sa publication. Cela ne vise en aucun cas à assurer à cette revue une position commerciale ou une exclusivité d’information au sens du scoop tant recherché par la presse généraliste. L’objectif unique est la qualité de l’information, tant des scientifiques que du public. L’embargo permet aux journalistes spécialisés en sciences et accrédités auprès des revues de disposer en avance des articles afin de les soumettre au regard critique de scientifiques qui peuvent être laudateurs comme négatifs. Cette démarche repose sur un traitement équitable – tous les journalistes accrédités disposent de l’information et non un groupe choisi – ainsi que sur la vigilance et la modestie des journalistes scientifiques, bien placés pour savoir les limites de leurs connaissances et la complexité des informations scientifiques, en particulier le fait qu’une étude publiée ne sera pas nécessairement confirmée par la suite. À l’inverse, nous récusons et condamnons la clause de confidentialité imposée par l’équipe de Gilles-Eric Séralini. Celle-ci consistait à fournir à quelques journalistes sélectionnés l’article sous embargo, en leur réclamant en contrepartie de ne pas recueillir l’avis d’autres scientifiques sur cette étude. Ce qui visait clairement à obtenir une présentation biaisée de cette étude, dénuée de tout regard critique ou simplement compétent. C’est pourquoi cette clause fut repoussée par certains journalistes scientifiques sollicités, puis dénoncée en France, par l’Union Européenne des Associations de Journalistes Scientifiques et ailleurs, comme contraire aux bonnes pratiques résultant de concertations entre le monde scientifique et celui des journalistes spécialisés en science. » [22]
– Elle était entre autres présentée comme la première étude de longue durée sur l’impact de la consommation des OGM sur la santé, ce qui est tout simplement faux, puisque la même année sortait une méta-analyse financée par des structures publiques qui compile 12 études multigénérationnelles chez différents animaux [23]. De plus, un cheval de bataille du CRIIGEN a été d’affirmer que les études plus courtes, sur 90 jours plutôt que 2 ans, étaient toutes nulles et non avenues car trop courtes pour tester leur objet, ce qui est à la fois faux et n’était déjà à l’époque pas soutenu par les preuves que le CRIIGEN croyait à tort détenir [18].
– A sa parution, les photographies qui l’accompagnaient ont fait scandale : des rats affectés de tumeurs énormes sont brandis par les chercheurs ! Clairement destinées à affoler le profane, ces clichés sont en réalité le signe d’une volonté de manipulation. En effet, l’étude n’est pas du tout portée sur la cancérogénicité, et c’est pourtant cet unique aspect qui est mis en avant, pour une raison simple : les résultats initialement attendus sont très pauvres, la méthodologie suivie ne permettant pas une puissance statistique suffisante. Au delà de ce volet, il est contraire aux codes d’éthique de l’expérimentation animale de laisser croître des tumeurs à ce point sans euthanasier l’animal. La souche de rats utilisée a une forte tendance à développer spontanément des tumeurs avec l’âge, c’est précisément dans ce but qu’elle a été obtenue au départ et elle n’est de fait pas adaptée aux études à long terme, et euthanasier selon les règles les spécimens trop atteints aurait davantage souligné les manquements méthodologiques de ces travaux.
– Ainsi l’étude a été très vivement critiquée pour sa faible qualité et ses zones d’ombre dès les premiers jours qui ont suivi sa publication, par des chercheurs indépendants [24].
– Elle a fini par être rétractée, c’est-à-dire dépubliée de la revue scientifique où elle apparaissait, quand les critiques et la mise en évidence de ses failles se sont accumulées [25].
– Elle est devenue pour certains activistes la preuve qu’elle montrait une “vérité dérangeante” qu’il a fallu cacher, qu’on a fait taire les membres du CRIIGEN.
– Séralini lui-même avoue dans le livre qu’il a commencé à vendre parallèlement à la publication initiale, surfant sur les retombées du montage médiatique, que les conflits d’intérêt du CRIIGEN ont été masqués via un autre montage, financier cette fois-ci, afin qu’il ne soit pas indiqué, comme le requiert le cadre de la publication scientifique, que ceux qui ont fourni l’argent pour réaliser l’étude avaient intérêt à salir la réputation des OGM [26]. Carrefour, le groupe Auchan et Sevene Pharma vendent et/ou distribuent par exemple des produits affichés “sans OGM”, mention peu efficace d’un point de vue marketing si les OGM ne sont pas vus comme une menace.
Reprenons une fois de plus un texte de Bunker D à ce sujet :
Révéler le texte masqué
– L’étude déclarait un absence de conflit d’intérêt. A côté, Séralini explique dans un livre que le CRIIGEN a réalisé un “montage financier” pour camoufler les financements par Carrefour et Auchan qui faisaient alors campagne sur le « sans OGM ».
« Nous avons cependant dû sortir de ce cadre pour organiser le montage financier nécessaire à l’expérience. Pour éviter tout rapprochement disqualifiant avec les méthodes des industriels, il fallait un cloisonnement net entre les scientifiques, qui menaient cette expérience dans le respect d’une éthique de l’indépendance et de l’objectivité, et les associations qui la subventionnaient. L’association Fontaine a permis de recruter plusieurs dizaines de donateurs qui se sont eux-mêmes regroupés sous le nom de CERES. [On parle de, entre autre, Auchan et Carrefour. C’est explicité dans le chapitre précédent.] Cette autre association, créée par Jacques Dublancq, a débloqué une première somme d’environ 500 000 euros qui nous a permis de mettre en route les premières phases de l’expérience. Il n’était toutefois pas concevable qu’elle soit le commanditaire direct de l’étude. Nous ne pouvions nous exposer à apparaître aux yeux de nos détracteurs comme des scientifiques financés directement par le lobby de la grande distribution – d’une façon symétrique aux experts influencés par celui de l’agro-alimentaire. Et cela même si de nombreux autres métiers étaient représentés au sein de CERES. Le CRIIGEN, alors sous la présidence efficace de Corinne Lepage, a joué un rôle capital dans le montage de l’expérience car il a assuré l’interface entre les associations donatrices (CERES, puis, on le verra, la fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme avec son directeur Matthieu Calame, spécialiste de l’agriculture de proximité et durable, et quelques autres) et le comité directeur de l’expérience. » Source : « Tous cobayes ! », Séralini
– À la suite de ce scandale, l’Assemblée Nationale a organisée une séance pour discuter des éventuels tenants et aboutissants de l’étude, puis de la médiatisation de la science – la médiatisation de l’étude ayant été jugée comme révélatrice d’un problème. Cédric Villani y explique les raisons qui poussent la communauté scientifique à se détourner de cette étude de très faible qualité et aux conditions de réalisation louches [27].
À partir de là, il est proprement surréaliste que le documentaire donne la parole directement à Gilles-Eric Séralini qui en profite pour prétendre que non seulement ses travaux sont solides mais qu’en plus tous les autres sont corrompus, louvoie entre les écueils monumentaux des événements de l’époque pour tenter d’en dresser un tableau héroïque et qu’enfin – et cette remarque aurait pu apparaître bien plus tôt dans ce texte – aucune considération ne soit faite du consensus scientifique !
En effet, une étude seule, même quand elle est de bonne qualité, et peu importe qui est potentiellement vexé de ses résultats, n’est jamais une preuve qu’il faut jeter à terre tout ce qui est fait jusque là. C’est la réplication, la critique et la poursuite des travaux par des équipes indépendantes qui peuvent permettre ce genre de situation. Une étude existe au sein d’un corpus, et elle a du sens à travers ce dernier. Un papier qui est seul contre tous n’est pas le signe d’une bande de héros acculés, mais de résultats singuliers qui ne représentent pas la tendance globale qui se manifeste à travers le corpus. Ce n’est pas grave : statistiquement ce genre de situation arrive toujours, c’est pourquoi on trouve une extrême minorité de publications qui n’appuient pas le réchauffement climatique par exemple. Il convient simplement de savoir comment tenir compte de leur existence et ne pas les surinterpréter.
Le consensus scientifique sur la question des risques intrinsèques aux OGM vis-à-vis de la santé de ceux qui les consomment est très clair. Il existe de très nombreux travaux, certains portant sur des quantités faramineuses d’individus et pendant de longues périodes, voire plusieurs générations [18].
Comment expliquer que le documentaire n’en fasse aucune mention et préfère ressortir une étude rétractée en essayant de faire passer cette vessie pour un phare océanique ?
6/ Des exemples bien vite résumés
Le documentaire traite très rapidement de plusieurs applications de la transgénèse : riz doré, saumons GH, vaches, moustiques… Or tous sont traités de manière très superficielle et largement insuffisante. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
Un article de La Théière à venir sera dédié au traitement de ces exemples en particulier et d’autres applications prometteuses des biotechnologies. Mais revenons tout de même sur le cas du saumon AquAdvantage commercialisé par AquaBounty Technologies, et les moustiques développés par Oxitec.
AquAdvantage est un saumon atlantique d’élevage qui s’est vu doté de gènes régulateurs de croissance issus du génome du saumon royal. Ce faisant, on le rend capable de grandir toute l’année plutôt que par paliers saisonniers et on obtient alors des saumons adultes plus massifs. L’utilisation de saumons triploïdes – ils disposent de triplets de chromosomes plutôt que de paires – et de néomâles a pour conséquence directe la stérilité des poissons, ce qui augmente encore la croissance des saumons en leur épargnant le stress des périodes de reproduction [28].
Le documentaire présente très rapidement ce saumon du point de vue de ses opposants, qui critiquent les risques sanitaires – pour le consommateur – et environnementaux – diffusion du saumon dans la nature – qu’il représente. Or on vient de le voir, AquAdvantage est globalement stérile ; difficile alors de se répandre hors des élevages, même pour les individus les plus experts en évasion. Le risque pour le consommateur est quant à lui identique à celui encouru avec un saumon non-GM car l’équivalence en substance est vérifiée [28].
Mais le plus notable n’est pas l’absence dans le documentaire de ces réponses pourtant disponibles jusque sur Wikipedia ; c’est le manque de recul flagrant des auteurs.
En effet, AquAdvantage n’est pas le premier saumon qui tire profit de cet habile jeu de gènes. La firme Salmobreed propose en effet des saumons eux aussi modifiés pour croître davantage en mélangeant le génome de deux espèces ; la seule différence étant qu’ils sont obtenus par croisements plutôt que par transgénèse. Il se trouve que cette solution est moins performante en terme de masse atteinte par les poissons et ne permet pas d’obtenir la stérilité des individus, eux sont donc capables dans l’absolu de s’évader durablement.
Dans ce contexte, les critiques adressées à AquAdvantage et citées dans le documentaire n’ont plus aucune pertinence ; elles se résument à « il est génétiquement modifié donc il doit être intrinsèquement dangereux », ce qui est largement gratuit et non étayé par de quelconques preuves, au contraire même.
On observe le même propos implicite dans le traitement des moustiques d’Oxitec. En effet, dans de nombreux pays équatoriaux, les moustiques sont vecteurs de maladies qui sont difficiles à combattre de manière traditionnelle, entre autres de par la difficulté à donner largement accès à des vaccins et autres traitements médicaux. La solution envisagée est alors de lutter contre le moustique lui-même.
Une première manière de réaliser cela est l’emploi massif et systématique d’insecticides. Le DDT a par exemple rendu de grands services dans la lutte contre la malaria [29] avant de révéler les défauts majeurs vis-à-vis de la santé humaine et animale qui lui valent sa triste célébrité [30].
Une seconde manière d’arriver à ce résultat est de diffuser au sein de la population de moustiques une information génétique qui provoque l’écroulement de ladite population. Dès la seconde moitié du siècle dernier, on a donc procédé à des lâchers de moustiques mâles rendus stériles par application de radiations. Ces mâles sont en compétition avec les mâles sauvages et lorsqu’ils s’accouplent avec une femelle, cette dernière ne donnera aucune descendance, participant ainsi à la chute démographique. Cette technique, communément appelée Technique de l’Insecte Stérile, a pour principal défaut de requérir de nombreux lâchers : comme on l’a vu précédemment, les individus stériles ont le plus grand mal à transmettre cette caractéristique à leurs enfants, et à leur mort le contrôle sur la population est perdu. Un second défaut est le risque d’affaiblir les mâles lors de l’irradiation, les rendant moins compétitifs face aux mâles sauvages.
Aussi il est nécessaire de trouver une astuce : Oxitec a choisi de rendre ses moustiques génétiquement modifiés dépendants à un antibiotique sans lequel les jeunes individus décèdent en grand nombre. Ce trait est capable de passer de génération en génération puisque contrairement à la stérilité, il n’interdit pas complètement la possibilité de descendance. Et puisque ce sont les mâles qui sont porteurs du trait, il n’y a pas de risque de transmission des gènes concernés à l’humain ou aux animaux – seules les femelles piquent.
Le documentaire tente de faire passer la solution d’Oxitec pour un assujettissement, une dépendance forcée à la firme. On vient de le voir, toutes les alternatives aboutissant au contrôle strict des populations de moustiques passent par des actions périodiques répétées ; dans un cas des fumigations très fréquentes, dans l’autre des lâchers de moustiques à descendance stérile – modifiés par l’Homme puisque irradiés – à chaque période de reproduction. Le point de vue proposé est donc très éloigné de la réalité de l’omission du contexte, et le propos implicite « dangereux car génétiquement modifié » est encore une fois tout à fait injustifié.
II. Approche globale du documentaire : structure, choix de réalisation et de montage
Comme toute oeuvre porteuse d’un message, le documentaire contient dans sa forme un certain nombre d’artifices destinés à convaincre son public. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
1/ Des allures de bon documentaire si on se fie à l’habit du moine
Le titre même est très clair en ce sens. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
Le documentaire adopte dès le départ, dans sa forme et son fond, une apparente neutralité, comme en témoigne le synopsis mis en avant par Arte lors d’une rediffusion en 2018 :
La première phrase en particulier est très encourageante. Les auteurs du documentaires sont conscients qu’une approche passionnée n’est pas pertinente pour traiter d’un sujet technique, et entendent user de preuves scientifiques pour déconstruire le mythe populaire des OGM pour renouer avec une vision objective de ces derniers.
En revanche on peut tiquer à la lecture de la tournure du troisième paragraphe : thriller politico-scientifique, késako ? Des arguments mensongers qui ressemblent à de la science mais n’en sont pas, pourquoi pas, c’est le principe de la pseudo-science, mais de quoi parle-t-on exactement ? Quelles sont ces portes closes évoquées à la fin ?
Bien entendu, ne vivant pas dans une grotte nous sommes conscients qu’un synopsis doit être une forme de teaser, il doit donner envie de consommer la production qu’il introduit. Si ce flou léger qui est installé est relevé ici, c’est parce qu’il est annonciateur de la suite.
On notera tout de même que les 15 premières minutes du documentaire, si elles contiennent déjà des approximations préjudiciables et un point de vue peu clément envers les OGM, sont réalisées de manière relativement neutre ; ou plutôt, il y a une envie de neutralité visible.
2/ Le classique journalistique
En effet, le premier point négatif à relever est de portée très générale, car la plupart des documentaires tombent dans le piège : la fausse équivalence. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
Dans un débat, les “pour” et les “contre” ne sont pas nécessairement à égalité ; il se peut qu’il y ait plus d’arguments pertinents d’un côté que de l’autre.
Récemment a été discuté aux États-Unis de la possibilité de mener un débat “climato-””sceptiques””” VS “réchauffistes”. Or, les lecteurs habitués le savent et les autres iront lire la section idoine de LTC tout à l’heure, il existe un nombre écrasant de preuves de la réalité du réchauffement climatique et du fait que l’activité humaine en est le driver principal. Un débat télévisé à un contre un est donc relativement vain et quoi qu’il en soit trompeur quant au rapport de force réel, de même qu’il n’y aurait que peu d’intérêt à faire s’affronter verbalement un astrophysicien et un platiste sur le sujet de la forme de la Terre.
Dans le documentaire donc, le débat nous est présenté dès les premières minutes comme à peu près équilibré entre pro et anti-OGM sur les questions de sécurité des consommateurs et des risques pour l’environnement. En réalité cet équilibre est purement fantasmé [31]. C’est donc une première écornure sur la prétention d’objectivité du documentaire, mais pas la seule.
3/ Après un début assez précautionneux, une lente escalade…
La “neutralité” du documentaire est assez rapidement mise à mal par la gradation des prises de position des interviewés certes, mais aussi et surtout de la réalisation et du montage. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
Tout d’abord, les OGM représentés comme une menace invasive, avec le champ lexical correspondant, mais aussi des images de champs américains interminables et de gros chiffres en voix off. Ce ne serait pas un problème si ce n’était pas d’une part extrêmement convenu quand on parle d’une “nouvelle” technologie – qui est d’abord inexistante et ne peut donc que se répandre – mais aussi trompeur : pourquoi des champs américains quand 90% des OGM agricoles sont cultivés par des paysans de pays en développement [32]? À quoi bon préciser en synopsis que les 10 pays les plus gros producteurs d’OGM agricoles représentent 98% de la surface dédiée aux OGM ?
Maxime Pinazzi relève d’ailleurs deux exemples marquants (et on relira à profit le paragraphe du premier chapitre dédié aux résistances si besoin) :
Révéler le texte
19:18 : « les supers mauvaises herbes comme on les appelle » et 19:28 : « les supers insectes »
➡️ À ma connaissance « super mauvaises herbes » est un terme inventé et utilisé uniquement par les militants anti-OGM pour faire peurs aux gens… Si une mauvaise herbe résiste à la molécule X, il suffit d’utiliser la molécule Y pour la combattre. C’est tout, et ça n’a rien de l’image monstrueuse qu’on essaye de donner. La pression sélective imposée par un herbicide rend les plantes résistances à ce produit. Les plantes ne sont pas de plus en plus entraînées pour résister à n’importe quoi. Elles ne deviennent pas “plus résistantes”.
En plus, la France est également concernée par ce problème malgré l’absence d’utilisation d’OGM (ce qui est logique puisque comme on le disait plus haut, c’est un problème courant à toutes pratiques agricoles).
4/ … Qui s’accélère et envahit toutes les dimensions du documentaire
Quand soudain, on constate une multiplication des tentatives de déshonneur par association. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
Sera évidemment cité à de multiples reprises – souvent gratuites – Monsanto, le chiffre d’affaire de Monsanto, les attaques de Monsanto sur « les études qui ne lui plaisent pas », la monoculture et l’agriculture intensive quand bien même ces concepts n’impliquent pas et ne sont pas impliqués par les OGM, la cigarette et l’amiante, le brevetage du vivant – qui n’implique pas et n’est pas impliqué par les OGM, et leur préexiste par ailleurs, comme vu précédemment.
Le vocabulaire aussi évolue en cours de route : si au départ on s’applique à employer des termes techniques précis, on glisse fatalement vers “la manipulation du vivant”, puis “mère Nature”, “éliminer la nature”, avant d’attaquer carrément les “posséd[er] toute la nourriture des humains” et autres “études sur quelques souris vite fait”, “tripatouiller le génome”, “éponge à pesticides” qui aboutit au summum de la neutralité de traitement : “cultivons autre chose”, puisque les OGM c’est juste pour “faire moderne”.
Inversement lorsque sont abordés les travaux qui émettent des réserves vis-à-vis des OGM on entendra plutôt “prestigieuse revue The Lancet” (qui au passage a publié certaines des “études sur quelques souris vite fait”) ou encore de “première étude sur 2 ans” quand c’est manifestement faux [33] comme déjà vu également, sans oublier bien sûr l’étude “unique au monde” (ce qui n’est absolument pas un bon signe quand on connaît le processus de construction des connaissances en sciences, basé sur des méthodes éprouvées et la réplication).
D’ailleurs au-delà du vocabulaire des interviewés et de la voix off, la musique elle-même participe à la montée en gamme. On sera d’abord surpris de l’illustration des opposants aux OGM par des images et du son d’un concert de Manu Chao puis d’un air de Bob Marley, avant de comprendre que ces choix sont destinés à créer le contraste avec les plants de riz sous serre adjoints de musique anxiogène et les basses oppressantes du maïs en début de documentaire.
5/ Pour aboutir à un recours aux pirouettes de basse démagogie
Enfin, il est répété à plusieurs occasions un procédé en particulier qui nous semble particulièrement déplacé : l’appel à la popularité. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
La réalisation, le montage, la voix off sont au service d’un message clair : les opposants aux OGM sont nombreux et prennent la forme entre autre de luttes populaires, ils ont donc raison. Et ce, quitte à prendre des libertés avec l’exactitude de propos : on parlera donc de l’abandon du coton Bt par le Burkina Faso après une série de récoltes aux fibres trop courtes, sans préciser que les agriculteurs et le gouvernement burkinabé sont enthousiastes à l’idée de reprendre le coton Bt dès que le souci sera réglé [34][35].
Ou encore, on oubliera que si l’élaboration du riz doré a bien requis l’intervention du privé, les agriculteurs du tiers monde n’auraient pour autant pas de royalties à reverser à qui que ce soit à moins d’atteindre une production dépassant très largement le cadre de la subsistance [36]. En revanche, il est notable que des critiques pertinentes du riz doré, comme la difficulté à obtenir des performances agricoles acceptables avec certaines variétés de riz [37] sont absentes du documentaire alors qu’elles auraient été une parfaite illustration d’une caractéristique de la transgénèse : en changeant de génome receveur, tout est potentiellement à refaire, rendant la technologie coûteuse et lente à mettre en place.
Maxime Pinazzi relève une autre approximation qui s’apparente même à un homme de paille :
Révéler le texte
00:35 : » … pour essayer d’améliorer leur rendement »
➡️ C’est une très, très grosse simplification. L’objectif des OGM n’est pas forcément d’augmenter les rendements des plantes. Certains projets visent à lutter contre le gaspillage, diminuer l’utilisation de pesticides, soigner des carences alimentaires, améliorer le goût, diminuer la charge de travail des agriculteurs, lutter contre une maladie particulière, et j’en passe. Cela ne peut pas se résumer par « augmenter les rendements ».
Pour terminer ce point, on notera que le documentaire décrit explicitement les OGM comme un moyen de pousser les agriculteurs à la faute, c’est-à-dire mettre en péril l’environnement et leur santé ainsi que celle des consommateurs. Au delà du mépris manifeste que cela suppose envers les techniciens de l’alimentation que sont les agriculteurs, cette vision ignore totalement la notion d’encadrement qui accompagne toute application technologique : il est parfaitement réalisable – et dans une certaine mesure, réalisé – de former les agriculteurs, de mettre en place des contrôles et des normes… Bref, d’inclure ces applications dans le cadre de la vie en société.
6/ Plot holes et partialité : la logique mise à l’épreuve
Si le récit proposé semble bien ficelé et cohérent au premier visionnage, il se révèle criblé de problèmes de logique élémentaire si on s’y penche un peu plus. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
Le grain de sable autour duquel se cristallise la majorité de ces incohérences, c’est le lien discutable entre agriculture, pesticides, OGM, manipulation du vivant et propriété industrielle.
Typiquement, plusieurs exemples d’applications OGM sont donnés au fil du documentaire afin d’alimenter un raisonnement “avant / après”. On nous parle ainsi de l’évolution de l’état de l’agriculture américaine une fois l’adoption de plants résistants au glyphosate généralisée, du soja argentin ou encore des déconvenues du Burkina Faso ou de l’introduction récente de cette technologie au Ghana.
Mais dans chacun de ces cas, tout un pan de la réalité est oublié : quid des pesticides d’ancienne génération employés avant le passage aux OGM, souvent plus problématiques pour la santé et l’environnement que le glyphosate, le Dicamba ou la toxine Bt ?
L’exemple argentin est souvent présenté comme preuve finale que les OGM mènent à l’apocalypse agricole ; en réalité il est certes très intéressant, mais montre tout autre chose. Il est l’illustration de la complexité de désigner un unique coupable a posteriori, et surtout de l’étendue de l’intrication entre politique agricole, régulations, contrôles, formation et éducation, mesures de protection des travailleurs et des populations et dangerosité intrinsèque des pesticides employés [38].
Pour compléter, renvoyons aux commentaires de Maxime Pinazzi :
Révéler le texte
22:45 : « contrairement aux promesses de départ, l’utilisation d’herbicide n’a pas diminué »
➡️ L’académie des sciences américaine recommande justement d’arrêter de comparer les pesticides en kg [39]. Si je remplace 10 kg de vinaigre blanc par 1 kg de mercure, je réduis l’utilisation de pesticides par 10, mais j’augmente l’impact environnemental par 100 (exemple totalement fictif, mais le principe est là).
Alors certes, les quantités de glyphosate ont augmenté, mais la toxicité totale elle n’a pas suivie [7][40].
Le glyphosate est assez employé en France pour que le gouvernement considère pertinent de l’interdire aux particuliers. Pourtant aucun plant résistant au glyphosate n’est cultivé en France. Sont-ce vraiment les OGM RR qui sont responsables de l’utilisation du glyphosate, ou est-ce le glyphosate qui sait se rendre utile et donc rendre d’autant plus intéressantes les semences qui lui résistent ? On serait en réalité tenté de dire que les deux effets coexistent, le glyphosate ayant historiquement rencontré un succès initial en co-utilisation avec les plants résistants et ayant depuis eu sa propre carrière solo.
Plus dommageable encore : la transgénèse est présentée à plusieurs reprise comme une manipulation du vivant, une altération par l’humain de la nature. C’est ce qu’elle est en effet, mais c’est ce qu’est l’agriculture en général ! Tout ce qui est cultivé aujourd’hui en France ou n’importe où dans le monde a été modifié par l’humain, ne serait-ce que par sélection. Il est à la fois absurde et manipulateur d’accuser la transgénèse d’être une altération du vivant, sous-entendant que c’est une différence avec le reste des techniques agricoles qui existent depuis l’aube de la civilisation.
Révéler le texte
10:00 : » La monoculture du soja a fait reculer […] les forêts (en argentine) »
➡️ La monoculture du soja n’a pas attendu les OGM pour alimenter la déforestation en Argentine, d’ailleurs, avant le soja c’était les haricots noirs qui étaient responsables [41]… Il semblerait que les OGM n’aient clairement pas amélioré les choses en rendant le soja plus attractif pour les agriculteurs locaux mais le problème soulevé ici ne concerne pas directement la transgénèse, cela semble plutôt relever de la politique agricole en Argentine. D’autant que les OGM permettant un rendement supérieur, ils auraient tendance à limiter le besoin d’agrandir les parcelles.
Campbell et al., 2010
À noter que l’Académie des Sciences Américaine – qui a produit la dernière méta-analyse la plus complète sur le sujet des OGM – est au contraire plutôt optimiste sur cette technologie en estimant qu’elle est capable de « jouer un grand rôle » contre cette problématique via l’intensification des cultures (donc diminution des espaces nécessaires). Par ailleurs, elle remarque que bien que les OGM puisse favoriser la monoculture en rendant les rotations moins nécessaires pour les traitement des pestes, aucun glissement vers la monoculture n’a été observée aux États-Unis (on reste autours de 86% de rotations pour le maïs et 94% pour le soja). Au contraire, certains agriculteurs utilisent les OGM RR pour rendre possibles leurs rotations : ils peuvent ainsi cultiver des variétés (non-OGM) dont la gestion des repousses seraient sinon trop complexe ou coûteuse. [42]
Révéler le texte
23:32 : interview de damian verzenassi
➡️ ENCORE un militant anti-OGM déguisé en spécialiste…
Quant à son étude, elle semble se contenter de dire que les argentins sont plus malades dans certains villages que dans les villes, ce qui n’a rien d’étonnant quand on voit les conditions d’hygiène et de sécurité à lesquelles ils sont exposés, ainsi que tous les autres pesticides présents et passés, nettement plus problématiques, et aussi épandus par avions ou vidés dans les cours d’eau.. Deux rapports argentins adressent le problème réel de l’impact sanitaire des pesticides. Ils mettent en cause divers pesticides (dont beaucoup ont été depuis interdits), les épandages aériens, le manque de protections, le stockage insalubre des bidons de pesticides voire les rejets dans les cours d’eaux… et absolument pas spécifiquement les OGM et le glyphosate qui leur est associé [38].Et si les OGM sont responsables, pourquoi ne tuent-ils que dans ces quelques villages argentins ? Pourquoi les 280 agences scientifiques ont-elles conclu qu’il n’y avait aucun problème ? Pourquoi seules des preuves de très mauvaise qualités contredisent-elles l’état de l’art ? On montre des images choquantes, des gens en blouse blanche, mais aucune donnée concrète pour réfuter le consensus scientifique.
Révéler le texte
22:05 : « c’est bon pour les affaires [de Monsanto] ils vendent plus d’herbicides [grâce aux résistances] »
➡️ Les autres herbicides sont également vendus par les concurrents de Monsanto. En fait, le point fort de cette entreprise vient de ses OGM résistants au glyphosate, si ce dernier perd en efficacité, ils perdent leur meilleur argument de vente.
III. Concepts fondateurs de tout documenteur qui se respecte
Nous avons montré dans les deux chapitres précédents que ce documentaire s’apparente à ce qu’on pourrait appeler un documenteur, en cela qu’il cumule un fond largement erroné et une forme optimisée pour faire passer ce fond sans heurter les défenses intellectuelles de son public. Analysons les concepts que l’on peut considérer comme des incontournables du genre. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
1/ Un propos pour un autre
Une première manière classique de faire passer en douce un message dans un documenteur, c’est de ne pas être réglo sur ce qui est traité. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
In fine, il y a glissement de “le problème réside dans les pesticides / certaines pratiques agricoles” vers “le problème réside dans les OGM” sans qu’aucun lien logique ne vienne justifier ce glissement. OGM ne signifie pas “résistant à un herbicide” ou “sécrétant un insecticide” même si certains peuvent avoir ces traits.
Et même dans ces cas, il est loin d’être établi par les éléments apportés par le documentaire que depuis l’usage d’OGM la situation empire, car il oublie de montrer en quoi consistait le “avant” pour mieux caricaturer le “après”. Au contraire, les travaux sur le sujet existent et ils tendent à indiquer que l’utilisation pertinente de semences Bt permet de diminuer l’utilisation d’insecticides en volume, et que l’utilisation d’herbicides (en volume toujours) diminue avec les semences RR sauf aux USA [43]. Les herbicides à base de glyphosate étant peu dangereux pour la santé et l’environnement en comparaison de l’ancienne génération d’herbicides à volume identique, on a toujours une baisse des risques pour les agriculteurs, les consommateurs et l’environnement.
2/ l’essentialisme, incontournable ingrédient
Répandu au sein du public, l’essentialisme est exhibé et encouragé dans le documenteur pour servir de base à nombre d’arguments fallacieux. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
L’essentialisme est une vision du monde selon laquelle on peut déduire des caractéristiques de toute chose à partir de son essence, un noyau inaltérable et indépendant de toute transformation ou modification matérielle que peut subir ladite chose. Pour plus d’informations à ce sujet, on se reportera à l’analyse qu’en proposent Acermendax et Vled Tapas [44].
La place de l’essentialisme est centrale dans nombre de discours anti-OGM [45]. En l’occurrence, dans le documenteur qui nous intéresse, il prend différentes formes.
L’allusion au terme de « Frankenfood » est un incontournable des discours anti-OGM[46]. Au delà d’être un contresens total de l’oeuvre de Mary Shelley (dans le roman, la créature ne devient un monstre dans ses actes qu’après avoir été confrontée au jugement hâtif et brutal du monde extérieur l’ayant catalogué comme tel sur la seule base de son apparence) l’expression renvoie à l’imagerie populaire de l’apprenti sorcier et/ou du savant fou.
De ces références culturelles partagées ressort l’idée que toute « manipulation du vivant » est mauvaise par définition ; si c’est faire fi de l’histoire de l’agriculture au sens où la quasi totalité de nos aliments, plantes et animaux domestiques ont été manipulés et n’étaient pas tels que nous les connaissons aujourd’hui lorsqu’ils furent extraits de leur état sauvage, c’est surtout une autoroute vers les notions de Mère Nature et de sacralité de cette dernière. L’emploi de champs lexicaux renvoyant directement à ces concepts dans le documentaire n’est donc pas anodin.
3/ Le conspirationnisme, cerise sur le gâteau
Point de mousse au chocolat sans chocolat. Point de documenteur sans conspirationnisme. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
D’abord de manière diluée, puis de plus en plus concentrée, on a droit au grand chelem des insinuations de complot secret via les OGM. Si les premières mentions de Monsanto, industriel semencier, sont tout à fait justifiées par le rôle qu’a eu la firme dans l’essor commercial des OGM, on en vient vite à suggérer que ces derniers finissent toujours par être autorisés, sous-entendu à cause de pression, mais jamais pour cause de preuves d’efficacité ou de sûreté. La mention hors de tout contexte du chiffre d’affaire annuel de la firme, annoncé autour de 15 milliards de dollars, fait par exemple une toute autre impression si on la compare à celui de la grande distribution du Bio aux USA, Whole Foods (16 milliards $), La Poste française (24 milliards €), Carrefour (85 milliards €), les pétroliers Total (150 milliards €) ou ExxonMobil (438 milliards $)…
Indépendamment de la proportion réelle des OGM voués à l’alimentation humaine, que ce soit parmi ceux commercialisés ou en projet, est également abordée l’idée de posséder la nourriture des humains – et ensuite, le monde ? – sans aucune considération des enjeux qui régissent la propriété industrielle, la concurrence ou simplement les réglementations dans le secteur.
Ces allégations ne sont jamais justifiées ou appuyées par davantage que de vagues hypothèses gratuites. Des individus filmés clairement et présentés sont accusés de conflits d’intérêts cachés sans le moindre début de preuve tangible, des applications technologiques entières comme la lutte contre les moustiques via les outils d’Oxitec [47] sont discréditées par simple insinuation.
Le sommet est probablement atteint lorsque le documentaire prend explicitement le parti de réhabiliter Gilles-Eric Séralini comme déjà évoqué dans la première partie. Il devient alors difficile de ne pas y voir une forme de syndrôme de Galilée [48], mythe du héros triomphant seul contre tous pour faire jaillir une vérité masquée.
4/ atténuation des éléments positifs impossibles à ne pas aborder du tout
Bien entendu, lorsque le but affiché est la neutralité, il faut citer des points positifs ; oui, mais pas n’importe comment. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
Ainsi, des initiatives à but humanitaire disposant de garde-fous destinés à les protéger de dérives mercantiles, à l’instar du riz doré, se trouvent taxés d’anti-humanisme et sont présentés comme chevaux de troie de l’industrie. des faiblesses techniques de ce dernier, corrigées depuis des années, sont présentées comme des limitations très actuelles et importantes.
Les conseils qui peuvent accompagner les semences OGM, notamment en terme de gestion des résistances, sont surprenamment décrites sur un ton de reproches implicites. Des pesticides problématiques sont cités comme pour appuyer l’aspect problématique des OGM alors que ces derniers peuvent être un moyen parmi d’autres de réduire leur emploi, comme vu précédemment.
D’un point de vue formel, chaque potentiel avantage qu’il était difficile de ne pas évoquer est immédiatement suivi d’une tentative de le nullifier par un aspect concurrent, sans que ce soit ni nécessairement pertinent, ni nécessairement de bonne foi. C’est une structure qui n’est mise en place qu’avec les points positifs que peuvent présenter les quelques exemples d’application OGM abordés, et qui contraste d’autant plus avec les procédés accompagnant à l’inverse la présentation des points négatifs retenus.
5/ Rationalisation de l’opposition aveugle
Tous les arguments du « camp » défendu par le documentaire ne sont pas forcément bons. Ce n’est pas grave, ils seront présentés comme tels malgré tout. Cliquer pour révéler / masquer le texte :
Nous ne reviendrons pas sur les aspects techniques des arguments présentés ; pour autant, leur forme est plus que surprenante.
On peine à croire que Pierre-Henri Gouyon lâche sans pression l’équivalent moderne d’une célèbre bien qu’apocryphe « s’ils manquent de vitamine A, qu’ils mangent de l’aubergine » ; qu’il ne lui vienne pas un seul instant à l’esprit que peut-être, éventuellement, l’aubergine ne peut pas constituer le régime alimentaire de base de millions d’individus carencés pour des raisons de climat et de situation agronomique locale, et que si c’était possible, lesdits individus y auraient pensé d’eux-même.
Rosita sera donc une vache si dangereuse qu’elle est gardée par des lasers, des alarmes, et son hypothétique évasion signifiera la perte dans la nature de terribles gènes…. empruntés chez l’humain.
Et si une catastrophe climatique était suffisamment violente pour détruire les installations d’élevage des saumons dans les terres, on ne pourrait pas nier un risque que ces derniers s’échappent – ou qu’une catastrophe climatique de grande ampleur vienne d’avoir lieu…
Dès le début du documentaire, des indices étaient pourtant présents : on nous aura par exemple montré des faucheurs volontaires incarnés par de petits citoyens en lutte et jamais comme destructeurs de recherches entre autres publiques dont l’utilité potentielle était difficilement contestable, comme la lutte contre le court-noué [49].
Il est impossible de revenir sur chaque phrase, chaque élément présenté hors de son contexte ou de manière partielle. Ce n’était d’ailleurs pas la visée de ce texte. Néanmoins, il est manifeste qu’à la fois sur le fond et sur la forme, le sujet pourtant riche et passionnant, aux nombreuses nuances, est maltraité et trahi par le documentaire.
On pourrait imaginer qu’après tout ce temps, il soit possible de sortir de la vaine dichotomie autoriser/interdire quand la réalité de la recherche et des possibilités pratiques est si multiple et complexe ; qu’il soit audible de demander une information et des évaluations relatives à chaque application plutôt qu’à un fourre-tout largement caricatural et caricaturé.
Il n’en est rien. Les arguments-phare opposés au génie génétique présentés dans ce documentaire ont une vingtaine d’année, et n’étaient pour la plupart pas plus pertinent à l’époque que maintenant. Il est effarant que ce type de discours soit considéré comme de l’information télévisable.
Nous faisons aujourd’hui face à des enjeux de taille : changement climatique, faim et malnutrition dans le monde mais aussi sauvegarde de l’environnement ou encore développement des régions en marge sont autant de thématiques dont l’ampleur ne permet pas qu’on s’interdise arbitrairement des outils pour les adresser.
12 commentaires sur “OGM : mensonges et vérités fantasmés”
Formidable travail ! Un très grand merci.
Il est tout à fait honteux qu’Arte ait reprogrammé un « documentaire » vieux de cinq ans, bourré de défauts (pour rester poli) et propagandiste, alors qu’il en existe d’autres, bien meilleurs qui n’attendent qu’à être diffusé.
Je recommande tout particulièrement « Well fed », un docu néerlandais qu’on peut voir avec sous-titres français sur Vimeo (https://vimeo.com/188913344). C’est sur les aubergines Bt cultivées au Bangladesh. J’ai quelques billets sur le sujet sur mon blog (http://seppi.over-blog.com/) qui apportent d’autres éclairages sur le sujet.
J’ajouterai à ce stade qu’il y a une contrebande de semences d’aubergine Bt vers l’Inde et que, selon un petit reportage de… Arte (https://www.arte.tv/fr/videos/096155-000-A/inde-coton-ogm-controverse/), un quart du coton indien serait maintenant Bt (autorisé) et HT (tolérant au glyphosate, interdit).
J’ai du mal à voir des activités de contrebande ou des mises en culture de semences illégales qui n’apporteraient aucun profit ou avantage à ceux qui s’y livrent…
Un autre documentaire – un vrai – est « Food Evolution », disponible à la demande (https://vimeo.com/ondemand/foodevolution).
Vous avez choisi de citer la directive européenne pour la définition des OGM.
Le choix n’est pas très heureux. Ce texte est un monstre législatif qui s’est révélé encore plus monstrueux lorsque la Cour de Justice de l’Union Européenne a conclu (à juste titre selon le texte interprété) que la mutagenèse produit des OGM – et que seuls sont exclus des procédures d’autorisation, d’évaluation, d’étiquetage et de suivi « les organismes obtenus au moyen de techniques/méthodes de mutagenèse qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps », en pratique utilisées avant la date d’adoption de la directive.
Pour faire simple, un OGM, dans le contexte du « documentaire », est une variété transgénique – une variété à laquelle on a ajouté une séquence génétique dans son génome.
Cette séquence peut provenir d’une autre espèce (c’est le cas des gènes Bt ou de tolérance au glyphosate), de la même espèce ou d’une espèce apparentée (on parle alors de cisgenèse) ou de la main de l’Homme (c’est le cas de la défunte tomate FlavrSavr dont un gène avec été inactivé pour augmenter la durée de conservation de la tomate).
Le gène peut être complètement étranger à l’espèce transformée (cas du Bt issu de Bacillus thuringiensis) ou quasiment identique à un gène existant dans l’espèce (cas de la tolérance au glyphosate).
La discussion est vive sur le point de savoir si les nouvelles techniques d’édition du génome telles que CRISPR/Cas9 produisent des OGM et comment il faut les réglementer.
Oui, la définition européenne est creuse et assez vaine, et on y inclut / exclut un peu ce qu’on veut au gré du vent.
Pour autant c’est celle qui est implicitement à la base du documentaire d’une part, et un enjeu actuel d’autre part.
Nous avons préféré qu’il y ait discussion autour de ce point, plutôt qu’utiliser une définition autre dont on aurait pu nous reprocher qu’elle tombe hors du propos du film.
Dans tous les cas il est intéressant de voir les limites et implications de ces questions de définitions.
Une petite correction d’abord ; il s’agit de « semences de ferme » et non de « semences paysannes ».
Le chiffre de 40 % vaut (plus ou moins) pour le blé. On n’utilise pas (ou alors de manière anecdotique chez les réfractaires au progrès technique et génétique) de semences fermières de maïs (les variétés sont hybrides), ni par exemple de betteraves (la production de semences est très technique, hors de portée d’un agriculteur).
Par ailleurs, la protection des obtentions végétales existe, sous la forme d’un système efficace depuis le milieu du siècle dernier (loi allemande, précédée par un texte néerlandais promulgué durant la guerre).
Le débat sur les brevets (pas seulement dans le « documentaire ») repose au mieux sur la bêtise et la paresse, au pire sur la fraude.
Les variétés, en tant que telles, ne sont brevetables qu’aux États-Unis d’Amérique. Elles sont formellement exclues de la brevetabilité en Europe.
Le régime dérogatoire du Certificat d’Obtention Végétale que vous décrivez est celui de l’Union Européenne. Il s’applique à deux douzaines d’espèces seulement, mais cela couvre la quasi-intégralité de l’activité agricole au sens étroit (les variétés maraîchères ne peuvent ainsi pas être auto-produites).
L’Union Européenne a étendu le régime dérogatoire aux brevets portant sur des inventions qui subsisteraient dans une variété, par exemple sur la cassette contenant le gène d’intérêt insérée dans une plante.
Pour l’Europe – et le « documentaire » s’adresse bien à une partie de l’Europe appelée France, l’affirmation « vous ne pouvez plus conserver les graines après récoltes » est (partiellement) fausse.
J’ajouterai que selon l’ancienne loi française de 1970, la production de semences de ferme ou même pour un usage personne – tolérée par les obtenteurs jusqu’à l’apparition d’abus – était légalement… interdite (interdiction confirmée par la Cour d’Appel de Nancy en, me semble-t-il 1988).
Et les premiers brevets sont arrivés à échéance ou sur le point de l’être…
Les tribulations de M. Percy Schmeiser s’étaient déjà notablement dégonflées en 2015, lorsque le « documentaire » a été diffusé la première fois. Il suffisait de lire les décisions de justice.
Le texte de BunkerD que vous citez n’est pas facile à lire parce qu’il énonce dans des fils continus les allégations de M. Pierre-Henri Gouyon et ses réfutations. On y reprend en partie les allégations de M. Schmeiser. Mettons les choses au clair. La Cour suprême a écrit, à propos des « contaminations alléguées » :
« 6. Monsieur Schmeiser n’a jamais acheté de canola Roundup Ready ni obtenu une licence l’autorisant à le cultiver. Pourtant, en 1998, des tests ont révélé que la récolte de canola provenant des 1 000 acres qu’il avait cultivés était composée, dans une proportion de 95 à 98 pour 100, de plantes Roundup Ready. La provenance de ces plantes n’est pas claire. Elles peuvent provenir des semences de plantes qui ont poussé sur les terres de M. Schmeiser ou près de celles‑ci à la suite de la dissémination par le vent de graines Roundup Ready, et qui ont survécu à la pulvérisation d’herbicide Roundup que M. Schmeiser avait effectuée autour des pylônes et dans les fossés qui longent la route en bordure de quatre de ses champs. Le fait que ces plantes aient survécu à la pulvérisation indiquait qu’elles contenaient le gène et la cellule brevetés. Le juge de première instance a conclu qu’ »aucune des sources évoquées [par M. Schmeiser] ne pouvait logiquement expliquer la concentration ou l’ampleur de canola Roundup Ready de qualité commerciale » qui s’est retrouvée dans la récolte de M. Schmeiser ([2001] A.C.F. no 436 (QL), par. 118). »
Pour qui a des notions de génétique, d’amélioration des plantes et de production de semences, la chose est claire…
Ailleurs on lit dans la décision :
« 61 Au printemps 1997, M. Schmeiser a semé les graines du champ no 1, qu’il avait conservées. Des plantes ont poussé. Il a pulvérisé du Roundup sur une parcelle de trois acres située en bordure de la route et a constaté qu’environ 60 pour 100 des plantes avaient survécu, ce qui indique que ces plantes contenaient le gène et la cellule brevetés de Monsanto.
62 À l’automne 1997, M. Schmeiser a récolté le canola Roundup Ready se trouvant sur la parcelle de trois acres qu’il avait pulvérisée de Roundup. Il ne l’a pas vendu. Il a préféré le conserver séparément et l’a entreposé pour l’hiver à l’arrière d’une camionnette recouverte d’une bâche. »
Interrogez-vous… Ou interrogez l’auteur des propos critiqués par BunkerD (je vais me faire un ami…) et demandez lui si cela n’a pas « percuté » : M. Schmeiser aurait glyphosaté 1,2 hectare de colza… logiquement pour le détruire ? Et 60 % des plantes « come with the wind » ? Récolté séparément ? Stocké à l’arrière d’une camionnette ?
Interrogez-vous aussi : comment se fait-il que des inspecteurs de Monsanto aient été mis sur le coup ?
Et revenons au « documentaire » : confrontés à une affaire qui faisait polémique en son temps, qui est montée jusqu’à la Cour Suprême, laquelle a conclut que M. Schmeiser avait bien commis, pour faire bref, une contrefaçon, qui a fait l’objet de nombreux commentaires, les documentaristes se sont-ils documentés ?
J’abonde tout à fait dans le sens de votre conclusion, mais je préfère les textes d’origine à Wikipedia.
Enfin, il faudrait faire une référence aux travaux subséquents entrepris au niveau français et europée, lesquels invalident en pratique – si besoin était encore – les conclusions de l’étude Séralini.
Cela pose la question de la responsabilité d’Arte dans la rediffusion d’un « documentaire » à ce point obsolète.
Merci pour votre long article. Heureusement qu’il y a beaucoup de personne comme vous. Je pense au Réveilleur, au blog projetutopia, etc.
Je suis très déçue d’Arte et des documentaires à la télé. Je ne les regarde plus, c’est de la manipulation. En ce moment un documentaire Arte a l’air de bien marché La Fabrique de l’ignorance, cette mauvaise fois m’horripile.
Super analyse. On a besoin de plus de journalistes comme vous, ral le bol de ces journalistes de Arte qui écrivent sur des sujets qu’ils maîtrisent même pas, qui lisent même pas les études scientifiques en entier et qui piochent que ceux qui vont dans leur sens, avec leur discours pseudo-écolo religieux « Gaia », « mère Terre », « souiller la Nature ». De la part de l’Arte c’est vraiment honteux, quand un media mainstream commence à devenir complotiste, tu sais que ça va mal.
Formidable travail ! Un très grand merci.
Il est tout à fait honteux qu’Arte ait reprogrammé un « documentaire » vieux de cinq ans, bourré de défauts (pour rester poli) et propagandiste, alors qu’il en existe d’autres, bien meilleurs qui n’attendent qu’à être diffusé.
Je recommande tout particulièrement « Well fed », un docu néerlandais qu’on peut voir avec sous-titres français sur Vimeo (https://vimeo.com/188913344). C’est sur les aubergines Bt cultivées au Bangladesh. J’ai quelques billets sur le sujet sur mon blog (http://seppi.over-blog.com/) qui apportent d’autres éclairages sur le sujet.
J’ajouterai à ce stade qu’il y a une contrebande de semences d’aubergine Bt vers l’Inde et que, selon un petit reportage de… Arte (https://www.arte.tv/fr/videos/096155-000-A/inde-coton-ogm-controverse/), un quart du coton indien serait maintenant Bt (autorisé) et HT (tolérant au glyphosate, interdit).
J’ai du mal à voir des activités de contrebande ou des mises en culture de semences illégales qui n’apporteraient aucun profit ou avantage à ceux qui s’y livrent…
Un autre documentaire – un vrai – est « Food Evolution », disponible à la demande (https://vimeo.com/ondemand/foodevolution).
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Qu’est-ce qu’un OGM ?
Vous avez choisi de citer la directive européenne pour la définition des OGM.
Le choix n’est pas très heureux. Ce texte est un monstre législatif qui s’est révélé encore plus monstrueux lorsque la Cour de Justice de l’Union Européenne a conclu (à juste titre selon le texte interprété) que la mutagenèse produit des OGM – et que seuls sont exclus des procédures d’autorisation, d’évaluation, d’étiquetage et de suivi « les organismes obtenus au moyen de techniques/méthodes de mutagenèse qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps », en pratique utilisées avant la date d’adoption de la directive.
Pour faire simple, un OGM, dans le contexte du « documentaire », est une variété transgénique – une variété à laquelle on a ajouté une séquence génétique dans son génome.
Cette séquence peut provenir d’une autre espèce (c’est le cas des gènes Bt ou de tolérance au glyphosate), de la même espèce ou d’une espèce apparentée (on parle alors de cisgenèse) ou de la main de l’Homme (c’est le cas de la défunte tomate FlavrSavr dont un gène avec été inactivé pour augmenter la durée de conservation de la tomate).
Le gène peut être complètement étranger à l’espèce transformée (cas du Bt issu de Bacillus thuringiensis) ou quasiment identique à un gène existant dans l’espèce (cas de la tolérance au glyphosate).
La discussion est vive sur le point de savoir si les nouvelles techniques d’édition du génome telles que CRISPR/Cas9 produisent des OGM et comment il faut les réglementer.
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Le choix est volontaire et assumé.
Oui, la définition européenne est creuse et assez vaine, et on y inclut / exclut un peu ce qu’on veut au gré du vent.
Pour autant c’est celle qui est implicitement à la base du documentaire d’une part, et un enjeu actuel d’autre part.
Nous avons préféré qu’il y ait discussion autour de ce point, plutôt qu’utiliser une définition autre dont on aurait pu nous reprocher qu’elle tombe hors du propos du film.
Dans tous les cas il est intéressant de voir les limites et implications de ces questions de définitions.
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Pour vous révéler une pépite, la France entend inclure dans les « OGM » réglementés, les produits d’une mutation aléatoire in vitro sur cellules…
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Brevets et propriété intellectuelle
Une petite correction d’abord ; il s’agit de « semences de ferme » et non de « semences paysannes ».
Le chiffre de 40 % vaut (plus ou moins) pour le blé. On n’utilise pas (ou alors de manière anecdotique chez les réfractaires au progrès technique et génétique) de semences fermières de maïs (les variétés sont hybrides), ni par exemple de betteraves (la production de semences est très technique, hors de portée d’un agriculteur).
Par ailleurs, la protection des obtentions végétales existe, sous la forme d’un système efficace depuis le milieu du siècle dernier (loi allemande, précédée par un texte néerlandais promulgué durant la guerre).
Le débat sur les brevets (pas seulement dans le « documentaire ») repose au mieux sur la bêtise et la paresse, au pire sur la fraude.
Les variétés, en tant que telles, ne sont brevetables qu’aux États-Unis d’Amérique. Elles sont formellement exclues de la brevetabilité en Europe.
Le régime dérogatoire du Certificat d’Obtention Végétale que vous décrivez est celui de l’Union Européenne. Il s’applique à deux douzaines d’espèces seulement, mais cela couvre la quasi-intégralité de l’activité agricole au sens étroit (les variétés maraîchères ne peuvent ainsi pas être auto-produites).
L’Union Européenne a étendu le régime dérogatoire aux brevets portant sur des inventions qui subsisteraient dans une variété, par exemple sur la cassette contenant le gène d’intérêt insérée dans une plante.
Pour l’Europe – et le « documentaire » s’adresse bien à une partie de l’Europe appelée France, l’affirmation « vous ne pouvez plus conserver les graines après récoltes » est (partiellement) fausse.
J’ajouterai que selon l’ancienne loi française de 1970, la production de semences de ferme ou même pour un usage personne – tolérée par les obtenteurs jusqu’à l’apparition d’abus – était légalement… interdite (interdiction confirmée par la Cour d’Appel de Nancy en, me semble-t-il 1988).
Et les premiers brevets sont arrivés à échéance ou sur le point de l’être…
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Merci pour ces remarques, je les intégrerai en fin de journée
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Percy Schmeiser
Les tribulations de M. Percy Schmeiser s’étaient déjà notablement dégonflées en 2015, lorsque le « documentaire » a été diffusé la première fois. Il suffisait de lire les décisions de justice.
Le texte de BunkerD que vous citez n’est pas facile à lire parce qu’il énonce dans des fils continus les allégations de M. Pierre-Henri Gouyon et ses réfutations. On y reprend en partie les allégations de M. Schmeiser. Mettons les choses au clair. La Cour suprême a écrit, à propos des « contaminations alléguées » :
« 6. Monsieur Schmeiser n’a jamais acheté de canola Roundup Ready ni obtenu une licence l’autorisant à le cultiver. Pourtant, en 1998, des tests ont révélé que la récolte de canola provenant des 1 000 acres qu’il avait cultivés était composée, dans une proportion de 95 à 98 pour 100, de plantes Roundup Ready. La provenance de ces plantes n’est pas claire. Elles peuvent provenir des semences de plantes qui ont poussé sur les terres de M. Schmeiser ou près de celles‑ci à la suite de la dissémination par le vent de graines Roundup Ready, et qui ont survécu à la pulvérisation d’herbicide Roundup que M. Schmeiser avait effectuée autour des pylônes et dans les fossés qui longent la route en bordure de quatre de ses champs. Le fait que ces plantes aient survécu à la pulvérisation indiquait qu’elles contenaient le gène et la cellule brevetés. Le juge de première instance a conclu qu’ »aucune des sources évoquées [par M. Schmeiser] ne pouvait logiquement expliquer la concentration ou l’ampleur de canola Roundup Ready de qualité commerciale » qui s’est retrouvée dans la récolte de M. Schmeiser ([2001] A.C.F. no 436 (QL), par. 118). »
Pour qui a des notions de génétique, d’amélioration des plantes et de production de semences, la chose est claire…
Ailleurs on lit dans la décision :
« 61 Au printemps 1997, M. Schmeiser a semé les graines du champ no 1, qu’il avait conservées. Des plantes ont poussé. Il a pulvérisé du Roundup sur une parcelle de trois acres située en bordure de la route et a constaté qu’environ 60 pour 100 des plantes avaient survécu, ce qui indique que ces plantes contenaient le gène et la cellule brevetés de Monsanto.
62 À l’automne 1997, M. Schmeiser a récolté le canola Roundup Ready se trouvant sur la parcelle de trois acres qu’il avait pulvérisée de Roundup. Il ne l’a pas vendu. Il a préféré le conserver séparément et l’a entreposé pour l’hiver à l’arrière d’une camionnette recouverte d’une bâche. »
Interrogez-vous… Ou interrogez l’auteur des propos critiqués par BunkerD (je vais me faire un ami…) et demandez lui si cela n’a pas « percuté » : M. Schmeiser aurait glyphosaté 1,2 hectare de colza… logiquement pour le détruire ? Et 60 % des plantes « come with the wind » ? Récolté séparément ? Stocké à l’arrière d’une camionnette ?
Interrogez-vous aussi : comment se fait-il que des inspecteurs de Monsanto aient été mis sur le coup ?
Et revenons au « documentaire » : confrontés à une affaire qui faisait polémique en son temps, qui est montée jusqu’à la Cour Suprême, laquelle a conclut que M. Schmeiser avait bien commis, pour faire bref, une contrefaçon, qui a fait l’objet de nombreux commentaires, les documentaristes se sont-ils documentés ?
J’abonde tout à fait dans le sens de votre conclusion, mais je préfère les textes d’origine à Wikipedia.
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Séralini
Vous pouvez ajouter que les photos ne comporte pas d’image d’un rat témoin atteint d’une difformité similaire…
Ensuit, je ne suis pas sûr que la note 26 soit à la bonne place.
Quant aux contributions de la grande distribution, cela fait aussi partie des « bonnes pages » de l’Obs :
https://www.nouvelobs.com/sante/ogm-le-scandale/20120918.OBS2789/ogm-quand-la-grande-distribution-finance-une-etude-choc.html
Enfin, il faudrait faire une référence aux travaux subséquents entrepris au niveau français et europée, lesquels invalident en pratique – si besoin était encore – les conclusions de l’étude Séralini.
Cela pose la question de la responsabilité d’Arte dans la rediffusion d’un « documentaire » à ce point obsolète.
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Tout sur l’affaire Séralini 2012:
http://www.fondapol.org/etude/laffaire-seralini-limpasse-dune-science-militante/
(téléchargement gratuit de la note)
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tout est dit quand ce qui est intéressant est de relever les techniques pour convaincre..et non prouver.. et ça marche..
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Merci pour votre long article. Heureusement qu’il y a beaucoup de personne comme vous. Je pense au Réveilleur, au blog projetutopia, etc.
Je suis très déçue d’Arte et des documentaires à la télé. Je ne les regarde plus, c’est de la manipulation. En ce moment un documentaire Arte a l’air de bien marché La Fabrique de l’ignorance, cette mauvaise fois m’horripile.
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Super analyse. On a besoin de plus de journalistes comme vous, ral le bol de ces journalistes de Arte qui écrivent sur des sujets qu’ils maîtrisent même pas, qui lisent même pas les études scientifiques en entier et qui piochent que ceux qui vont dans leur sens, avec leur discours pseudo-écolo religieux « Gaia », « mère Terre », « souiller la Nature ». De la part de l’Arte c’est vraiment honteux, quand un media mainstream commence à devenir complotiste, tu sais que ça va mal.
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