[Trad] Remplacer des traitements contre le cancer basés sur la science par des traitements « alternatifs » accroit le risque de mourir du cancer

Figure extraite de Johnson et al., 2018, montrant le taux de survie différentiel entre les patients recourant uniquement aux thérapies conventionnelles et ceux recourant aux thérapies alternatives et au moins une thérapie conventionnelle. Le taux de survie du second groupe est nettement inférieur.

Ce billet à été posté en anglais par Fallacy Man sur le blog The Logic of Science le 21 juillet 2018.

Le cancer est une maladie vraiment terrible, et bien que nos capacités à en traiter beaucoup de types différents ait grandement augmenté, les méthodes de traitements actuelles sont très imparfaites et présentent de sérieux effets secondaires. Ce n’est donc pas une surprise que des personnes souffrant de cancer contournent ces traitements scientifiquement fondés au profit de traitements « alternatifs » ou « complémentaires ». Après tout, qui ne serait pas séduit par les promesses d’un traitement miracle ? Le problème est que ces traitements « naturels » sont infondés, non régulés, et les choisir plutôt que la médecine basée sur la science pour traiter votre cancer augmente pour vous le risque de mourir prématurément de ce dernier. Cela a été démontré par un article publié au début de l’année et qui comparait les personnes se soignant uniquement avec des thérapies alternatives et des personnes se soignant avec des traitements conventionnels. [1] Cette étude a montré que ceux qui se reposaient uniquement sur des pratiques alternatives présentaient un taux de survie significativement inférieur aux autres. Une deuxième étude impliquant les mêmes auteurs, a récemment été publiée et confirme ces conclusions. Prenons le temps d’en parler un instant. Lire la suite

[Trad] Les personnes atteintes de cancer recourant aux thérapies alternatives ont deux fois plus de risque d’en mourir

Le cancer face au chercheur, illustration de Baptiste Cazin

Ce billet en anglais à été posté par Steven Novella sur Neurologicablog le 20 juillet 2018.

C’est la deuxième étude en un an qui s’intéresse à l’issue pour les patients atteints d’un cancer et recourant à la médecine alternative, et qui montre un effet négatif sur leur survie. Skylar Johnson, était déjà l’auteur principal de la précédente étude. Celle-ci s’était intéressée à l’utilisation de traitements alternatifs au détriment de thérapies standards, alors que la nouvelle étude s’intéresse aux patients qui ont utilisé au moins une thérapie standard.

Dans cette étude publiée dans la revue JAMA Oncology, les chercheurs ont suivi une cohorte de 258 patients qui avaient recouru à la médecine alternative, et 1032 pour qui ce n’était pas le cas. Les chercheurs rapportent ainsi : Lire la suite

Revue de blogs – 19 au 25/03/2018 : #FakeMed, apithérapie, rhétorique et OGM Bt.

L’apipuncture consiste à faire de l’acupuncture en utilisant la piqûre d’abeilles vivantes.

Je vous propose un petit tour non exhaustif de la semaine de la blogosphère sceptique. N’hésitez pas à suivre ces blogueurs sur les réseaux, et à dévorer (avec esprit critique) leur contenu. La langue originale des billets est indiquée entre parenthèses.

La Menace Théoriste : FakeMed – Médecines alternatives et sophismes dans les médias. (Français)

Le 18 mars 2018, 124 médecins ont co-signé une tribune dans Le Figaro afin d’alerter sur l’emprise des pseudo-médecines alternatives aussi bien chez nombre de professionnels de santé, mais, comme l’ont confirmé les réactions à cette tribune, également dans les médias.

La réaction probablement la plus emblématique s’est rapidement révélée être celle de Lire la suite

[Trad] Scientisme et pseudoscience, un commentaire philosophique [difficulté : facile] (1600 mots / ~ 5 mins)

Billet publié par Massimo Pigliucci le 13 janvier 2016.

homeopathy
[NdT – Résumé : au travers de cet exemple portant sur l’homéopathie, Massimo Pigliucci donne un exemple flagrant de l’accusation fallacieuse de scientisme souvent brandie par les tenants de pseudosciences à l’égard des personnes qui exigent simplement d’eux des preuves satisfaisant les standards de la recherche scientifique. Mais c’est également la réfutation patente de l’allégation qui est souvent faite par les mêmes tenants selon laquelle la recherche et la publication scientifiques seraient « verrouillées », soumises à une quelconque « pensée dominante » dans laquelle la discussion et la controverse ne seraient pas possibles. On voit au contraire que des propos très dissidents (et d’exécrable qualité) peuvent aisément être tenus dans de très grosses revues scientifiques. Heureusement pour la science,  sa nature auto-correctrice finit généralement par l’emporter sur l’absence de preuves et de bases théoriques solides. Malheureusement, elle est aussi souvent l’amorce d’une nouvelle position victimaire des tenants qui entrent alors dans un raisonnement circulaire.] Lire la suite

Conspirationnisme médical et rejet de la médecine scientifique

Depuis quelques jours est diffusée sur le net francophone une nouvelle pétition anti-vacciniste. Celle-ci émane des piliers habituels du mouvement en France, dont les sophismes et manipulations courantes trouvent échos dans la rigueur du fact-checking de quelques rationalistes bien esseulées. C’est qu’en effet, si les mythes anti-vaccinistes se répandent comme une trainée de poudre, leur débunking, et au-delà de ça, la simple communication scientifique et médicale, ont eux beaucoup plus de peine à se faire entendre. On sait bien pourtant à quel point les réseaux sociaux ont fait exploser la diffusion de tels mythes pseudo-scientifiques comme j’ai pu en parler ici et . La diffusion de ces mythes serait risible si hélas elle n’était pas dramatique. Car oui, aujourd’hui, en Occident (pas en Afghanistan, en Occident !), des enfants souffrent et meurent d’infections pourtant évitables par la vaccination. Ils sont tués par des pathogènes contre lesquels leurs parents ont refusé de les protéger, abusés qu’ils étaient par quelques discours anxiogènes et proprement criminels. Le mouvement a pris une telle ampleur en Australie par exemple, qu’une série de mesures fortes et bipartisanes ont été entreprises par le gouvernement pour l’enrayer.

Aujourd’hui, il ne peut plus être question de diffuser ces allégations infondées voire mensongères sans assumer la très lourde responsabilité des conséquences funestes que cela pourra engendrer. La faute serait en outre double pour les scientifiques qui relaieraient des mythes pseudo-médicaux niant purement et simplement le consensus scientifique qu’ils sont pourtant formés à consulter, interroger et comprendre, quelle que soit leur spécialité. Faute triple pour les professionnels de santé qui se parjurent en recourant à des prescriptions fantaisistes n’ayant pas fait leurs preuves face aux standards scientifiques, et au mépris le plus total de leur patientelle.

Car c’est bien là que je veux en venir : aux conséquences du conspirationnisme médical en termes d’attitudes de soins, l’occasion pour moi de revenir sur un article publié en mai 2014 dans le JAMA Internal Medicine en open access.

Cet article intitulé « Medical Conspiracy Theories and Health Behaviors in the United States », par J. Eric Oliver et Thomas Wood fait l’état du conspirationnisme médical aux USA et de ses conséquences en termes d’attitude de soins. Il convient d’emblée de souligner que les pseudo-sciences n’ont pas la même puissance en termes de représentation dans la population générale ou d’assise académique de part et d’autre de l’Atlantique. Le recours à l’homéopathie est par exemple une spécialité française. On rappellera que celle-ci est par ailleurs bien mise à mal ces dernières semaines dans le monde anglo-saxon, en dépit des efforts du Prince de Galles. Il ne s’agit donc aucunement de transférer les chiffres et les attitudes de la population étasunienne à la population française. Mais les mêmes causes ayant les mêmes effets (comprendre que les mêmes SCAM provoquent les mêmes souffrances), il est intéressant d’observer le cas américain.

Ces dernières décennies, de nombreuses théories du complot médical sont apparues, parfois dramatiquement relancées et popularisées avec l’apparition des réseaux sociaux. Empoisonnement délibéré de l’eau du robinet au fluor, danger caché des ondes électromagnétiques, et bien entendu, danger caché des vaccins, quand il ne s’agit pas également d’un empoisonnement délibéré de la population, entre autres. Les tenants de ces conspirations sont très bruyants sur le net, mais on peut se demander ce qu’il en est dans la population générale, et si l’adhésion à ces théories du complot médical peut avoir un impact sur le comportement des patients vis-à-vis de la médecine scientifique.

Pour recueillir des informations sur l’assise des théories du complot médical dans la population, les auteurs se sont reposés sur un questionnaire rempli sur Internet par 1351 personnes adultes en 2013 et représentatives de la population nationale (des USA donc).

Ils ont ainsi pu mesurer la quantité de personnes ayant connaissance d’au moins six théories du complot médical, dont les remèdes miracles contre le cancer cachés au public, le danger caché des vaccins, et le danger caché des téléphone portables, qui étaient les théories les plus répandues dans l’échantillon. Ces trois théories bénéficiaient également d’une forte adhésion au sein de la population. Pour 37% des personnes interrogées, la FDA (une agence de régulation des médicaments du « ministère » de la santé étasunien) cachait intentionnellement au public américain l’existence de remèdes naturels contre le cancer du fait de la pression orchestrée par les compagnies pharmaceutiques ; 20% de la population adhéraient également à l’idée que l’industrie cachait au public des données probantes en faveur du lien cancer-téléphone portable, et le fait que les médecins continuent de faire vacciner les enfants alors qu’ils sauraient que cela peut être dangereux.

Figure 1 Adhésion des américains à différentes théories du complot médical en 2013.

Les théories du complot à propos de l’empoisonnement intentionnel de l’eau du robinet au fluor, de la nocivité des produits alimentaires génétiquement modifiés, ou encore l’orchestration de l’épidémie de SIDA par la CIA sont moins bien connus. Rappelons qu’on parle ici des USA, où le mythe de l’empoisonnement au fluor est certes plus faible que d’autres, mais semble-t-il plus répandu qu’en France. Cette dernière observation est empirique : le mythe de la fluoridation de l’eau nous vient effectivement des USA et ses tenants sur le web francophone semblent moins bruyants que leurs pendants américains. Par ailleurs, toujours pour relativiser ce classement, les tenants anti-OGM arriveraient probablement en France en tête de cette liste.

Concernant ces trois dernières théories dans l’échantillon qui nous intéresse ici, moins d’un tiers de la population en avait entendu parler et seulement 12% des personnes interrogées déclaraient adhérer à chacune d’elles. Au final 49% de l’échantillon de citoyens étasuniens interrogés adhéraient au moins à une théorie du complot médical et 18% adhéraient à trois ou plus d’entre elles. Cette répartition corrobore nettement celle de l’adhésion aux théories du complot politique.

La deuxième partie de l’enquête portait sur les attitudes de soins des personnes ayant répondu. Celles-ci étaient classées en faiblement conspirationnistes lorsqu’ils n’adhéraient à aucune, une, ou deux théorie du complot médical, et en fortement conspirationnistes lorsqu’ils adhéraient à trois ou plus de ces théories.

L’enquête a ainsi pu montrer que la croyance dans les théories du complot médical est corrélée avec certaines attitudes de soins, à savoir un plus grand recours aux pseudo-médecines dites « naturelles » ou « alternatives » et un plus grand évitement de la médecine scientifique. Les grands conspirationnistes étaient plus portés à la consommation de produits BIO et de suppléments d’herbes prétendument médicinales. Par ailleurs, cette même catégorie était moins portée à utiliser de la crème solaire et à procéder à la vaccination annuelle contre la grippe.

Ainsi, alors que 20% de l’ensemble de l’échantillon déclaraient consommer des suppléments, 35% des grands conspirationnistes déclaraient le faire également, et alors que 45% de l’échantillon total déclaraient passer une visite médicale annuelle, seulement 37% des grands conspirationnistes déclaraient le faire également.

Figure 2 Attitudes de soins en fonction de l’adhésion aux théories du complot médical, Oliver et Wood 2014.

Des analyses multivariées supplémentaires permirent d’observer que l’adhésion au conspirationnisme médical demeurait un indicateur solide prédisant ces attitudes de soins en rupture avec la science.

Il est assez courant de classer arbitrairement les tenants de théories du complot comme une frange de la population sujette à des syndromes de désillusion ou de paranoïa, mais cette enquête montre qu’en ce qui concerne au moins l’adhésion aux théories du complot médical, celles-ci sont largement répandues dans la population avec une forte adhésion. Par ailleurs, l’adhésion est fortement corrélée à des attitudes de soins particulières et en rupture avec la médecine scientifique, conduisant ces personnes à s’éloigner de traitements efficaces qui ont fait la preuve de leur sécurité, au profit de médecines dites « alternatives » (qui ne sont pas valides scientifiquement), inefficaces jusqu’à preuve du contraire, et aux conséquences souvent dramatiques.

Il ne s’agissait pas dans ce billet rapide de faire l’état des lieux de ces conséquences dramatiques, mais d’observer la répartition de ce type de mythes dans une population occidentale, et les conséquences bien réelles en termes de comportements vis-à-vis de sa propre santé et bien souvent de celle de ses enfants.

Lorsque l’on connait les conséquences funestes de certaines de ces adhésions à l’échelon individuel (dont la presse est beaucoup moins friande que des cas infondés nourrissant les théories du complot médical) et leur répartition à l’échelon de la population, il n’est pas anodin de prendre conscience de sa propre responsabilité à relayer avec légèreté ce type de mythes.

[EDIT  24/05/2014 : alors même que je viens de publier ce billet, je vois que plus tôt dans la soirée, la plateforme internet d’un média mainstream s’est fendue d’un bon petit article sur la question de la dernière pétition antivaxx. Ô joie ! on y déboulonne l’initiative antivacciniste, et en se basant sur l’article du blog Rougeole épidémiologie cité au tout début du présent billet et dont les rédactrices ont fait un travail aussi prompt qu’efficace. Les SkeptiGirls sont à fond ! et nous montrent accessoirement que la communication sceptique n’est pas vaine]

[Trad] « Comment la FDA devrait réguler les produits homéopathiques ? »

[ndtr : la suite de l’affaire de la mise en conformité de la régulation des produits homéopathiques dans le monde anglo-saxon. Après le récent rapport australien absolument accablant pour l’homéopathie, la FDA américaine semble également remuer. Cet article, comme le précédant venant de Science-Based Medicine est relatif à la situation étasunienne de l’homéopathie. Le lecteur français devrait savoir que la situation des pseudo-médecines est légèrement différente en Amérique du nord et en France. En Amérique du nord, la naturopathie tient le haut du pavé, et les naturopathes semblent être les premiers prescripteurs d’homéopathie. C’est un véritable problème, mais la public y est beaucoup moins friand d’homéopathie qu’en France. En effet, la situation de l’homéopathie est unique en France, du fait que le marché mondial de l’homéopathie est quasi monopolisé par le géant français Boiron, que les médecins et pharmaciens homéopathes y sont nombreux (contrairement aux naturopathes) et que le public français est un énorme consommateur de produits homéopathiques à grands renforts de publicités télévisées. Il est à prévoir que les évolutions récentes concernant l’homéopathie dans d’autres pays que la France auront ultimement d’heureuses conséquences dans l’Hexagone pour la santé publique et la médecine scientifique. Néanmoins, du fait de ce leadership français sur ce marché, il est à redouter que la France ne s’illustre comme dernier bastion de l’obscurantisme pseudo-scientifique sur cette question (parmi d’autres), au mépris le plus complet de la santé publique et de toute honnêteté intellectuelle.

Par ailleurs, cet article de Jann Bellamy précise ce que devrait être un étiquetage conforme à la réglementation sur les produits homéopathiques. Il n’avalise par les principes théoriques ou les allégations infondées d’efficacité de l’homéopathie. Ainsi, lorsqu’il évoque les principes actifs nécessaires à l’élaboration du produit homéopathique, il n’implique pas que ces ingrédients soient encore présents dans le produit fini du fait du principe de dilution utilisé en homéopathie. Il ne s’agit donc pas de revenir sur la première aberration de cette pseudo-médecine qui est l’absence de tout principe actif dans les préparations homéopathiques, mais sur l’utilisation non contrôlée en amont de produits dangereux et qui devrait être portée à la connaissance du public auprès duquel pourtant le succès de l’homéopathie repose essentiellement sur l’absence fantasmée de tous produits toxiques et « chimiques » lors de leur élaboration. Il montre in fine qu’en dehors de principes théoriques non fondés scientifiquement et d’effets thérapeutiques inexistants contre placebo, le succès de l’homéopathie est, comme en France, largement assuré auprès des consommateurs par un étiquetage et une publicité tout à fait injustifiés et hors normes, sinon plus.]

Article publié par Jann Bellamy sur Science-Based Medicine le 2 avril 2015.

Figure 1 Préparation anti allergique homéopathique complète (non destinée au traitement des allergies alimentaires), l’une des nombreuses préparations aux effets non prouvés, vendues sans prescription aux USA.

La FDA a récemment annoncé qu’elle organiserait une enquête publique le 21 et 22 avril :

« pour obtenir des informations et des commentaires des parties prenantes sur l’usage des produits homéopathiques aussi bien que sur les standards de l’agence de régulation pour de tels produits. Ces produits incluent les médicaments sous prescription et les produits biologiques et médicaments homéopathiques vendus sans ordonnance. La FDA recherche des participants et des commentaires écrits de la part de tous les partis intéressés, incluant notamment les consommateurs, patients, aides soignants, professionnels de santé, groupes de patients et industriels ».

Il était temps. Nous savons que les remèdes homéopathiques ne sont pas, et ne peuvent pas être efficaces, mais je ne vais pas encore revenir là-dessus ici. Malheureusement, la FDA n’a pas l’autorité nécessaire pour interdire à la vente ces produits frauduleux de toute façon, seul le Congrès [ndtr : des Etats-Unis] le peut.

Dans ce billet, je fais la revue des standards de régulation actuels pour les produits homéopathiques. J’explore ensuite les possibilités, étant données les opportunités de changement présentées par la FDA en ce moment. Ce faisant, je réponds à quelques questions posées par la FDA dans son annonce et portée au Federal Register.

Je montre que la FDA n’a pas le statu d’autorité nécessaire à la façon dont elle régule actuellement (ou ne régule pas) les médicaments homéopathiques. Je montre ensuite que ce système, largement contrôlé par l’industrie homéopathique, doit être abandonné et qu’il n’y a pas de raison pour laquelle l’homéopathie ne devrait pas être contrôlée comme n’importe quel autre médicament avec ou sans ordonnance.

(Pour ceux qui voudraient soumettre des commentaires écrits à l’enquête publique : il y a une deadline et des conditions requises pour la participation. Vous pouvez en prendre connaissance dans le Federal Register).

Historique

Le Food, Drug and Cosmetics Act original (FD&C Act) passé en 1938 a autorisé la FDA à demander des preuves de la sécurité des nouveaux médicaments, à élaborer des standards alimentaires et mener des inspections dans les usines. Chose importante pour nos propos ici, l’Act était notamment dirigé contre les charlatans vendant des malfaçons et des remèdes frelatés à travers les USA avec peu de soucis de poursuites judiciaires.

L’amendement Kefauver-Harris de 1962 a renforcé les règles pour la sécurité des médicaments, en demandant pour la première fois aux fabricants de prouver l’efficacité de leur produit. En 1992, le FD&C Act était amendé une nouvelle fois pour que les fabricants prennent part au prix très important des études d’autorisation de mise en vente.

Sous le FD&C Act, la définition des « médicaments » inclut :

  1. Les articles listés dans la Pharmacopée US officielle (PUS), la Pharmacopée Homéopathique officielle des USA (PHUS)
  2. Les articles utilisés pour le diagnostic, la guérison, l’atténuation, le traitement ou la prévention des maladies de l’homme ou d’autres animaux
  3. Les articles (autres qu’alimentaires) affectant la structure ou n’importe quelle fonction du corps de l’homme ou d’autres animaux

Un produit homéopathique peut tomber dans n’importe laquelle de ces catégories. Il peut aussi tomber dans la définition d’un produit « biologique » sous un statu fédéral différent et sujet à la régulation de la FDA. Cependant, nous allons ici nous concentrer sur les médicaments :

Selon les propres estimations de la FDA,

« la FDA […] assure la sécurité et l’efficacité de tous les médicaments [et] produits biologiques … »

Cette déclaration n’est pas entièrement vraie. De son propre aveu, la FDA n’assure pas l’efficacité et la sécurité des remèdes homéopathiques.

La position de la FDA est actuellement, et a toujours été que rien dans le FD&C Act n’exempt les médicaments homéopathiques des approbations nécessaires au regard de la loi fédérale.

Pourquoi alors la FDA n’exige pas que les médicaments homéopathiques fournissent les preuves de leur sécurité et efficacité avant leur mise en vente ? Pourquoi la FDA a, selon les termes d’un juge fédéral :

« largement abdiqué tout rôle qu’elle pourrait avoir dans la création de standards de régulation pour les médicaments homéopathiques sans ordonnance, et a à la place délégué cette autorité à l’organisation non gouvernementale qui détermine si les substances homéopathiques devraient être incluses dans la PHUS. De plus, la FDA déclare explicitement qu’elle ne garantit pas la sécurité et l’efficacité des produits homéopathiques sans ordonnance même si ils satisfont les standards non connus pour leur inclusion dans la PHUS ».

(Bien que le juge fût entrain de parler des médicaments homéopathiques sans ordonnance, la même chose est également vraie pour la faible proportion (5%) de médicaments homéopathiques uniquement disponibles avec ordonnance).

La FDA, comme toute agence fédérale, doit agir en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le Congrès. La FDA ne cite aucune autorité statutaire justifiant ces décisions et mes recherches n’en trouvent aucune. Il se pourrait bien en fait que la FDA ne possède pas d’autorité juridique pour la régulation des médicaments homéopathiques.

Il y a apparemment des raisons historiques pour cette négligence. Pendant des années, la plupart des produits homéopathiques ont nécessité d’être prescrits sous ordonnance, et peu de praticiens en délivraient. Il n’y avait qu’une poignée de firmes produisant des produits homéopathiques. La FDA avait des ressources limitées et ne considérait pas que les produits homéopathiques représentaient un grand risque. Ainsi, lorsqu’elle fut créée, elle présentait pour certains le cadre parfait pour l’explosion des remèdes homéopathiques sans ordonnance.

(Pour une revue plus complète de l’histoire de la régulation des médicaments homéopathiques et de ses manquements, Junod SJ. « An Alternative Perspective: Homeopathic Drugs, Royal Copeland, and Federal Drug Regulation, » 55 (1) Food Drug L.J. 161-83 (2000), PMID 12375600, du quel j’ai appris les raisons historiques de la tolérance de la FDA).

Depuis 1988 les médicaments homéopathiques avec et sans ordonnance ont été fabriqués et vendus sans l’approbation de la FDA selon les politiques exécutoires figurant dans le guide de politique de conformité (GPC) 400.400, « Conditions sous lesquelles les médicaments homéopathiques devraient être mis sur le marché ». Ce document de 7 pages fait pale figure comparé aux autres régulations pré et post mise sur le marché de la FDA concernant tous les autres médicaments et produits biologiques. Ca ne couvre en fait que l’étiquetage.

Les GPC ne sont pas des réglementations ou des lois et ne sont pas exécutoires. Elles représentent tout juste la façon de penser de la FDA sur un sujet particulier. Plus important, ils ne créent pas et de confèrent aucun pouvoir à personne et ne lient pas la FDA ou le public.

La FDA en est maintenant venue à demander si cela est suffisant ou non. L’agence cite plusieurs raisons :

  • La croissance explosive des remèdes homéopathiques sans ordonnance sur le marché. En 2007, les américains ont dépensé environ 2,9 milliards de dollars dans des produits homéopathiques. Ils sont vendus comme « naturels, sûrs et des alternatives efficaces aux autres produits sans et avec ordonnance ».
  • Les produits homéopathiques peuvent contenir une grande variété de substances, incluant des ingrédients dérivés de plantes, d’animaux ou d’humains sains ou malades, des minéraux et produits chimiques. Ils peuvent causer et ont causé des effets secondaires. En 2012 on a répertorié 10 000 cas d’expositions à des poisons en rapport avec des agents homéopathiques, la grande majorité concernant des enfants de moins de 5 ans, certains nécessitant un traitement médical.

Q et R

La FDA liste une série de questions dans le Federal Register et encourage les commentaires à ce propos sur les produits homéopathiques. Nous allons nous pencher sur certaines de ces questions ici.

Quelle est l’attitude des consommateurs et des professionnels de soins vis-à-vis des médicaments et produits biologiques étiquetés homéopathiques ?

Les consommateurs achètent évidemment les remèdes homéopathiques car ils pensent qu’ils sont sûrs et efficaces. Pourquoi voudraient-ils autrement dépenser leur argent et ingérer ces substances ou en donner à leur famille ? De fait, ils n’ont pas d’informations fiables et objectives sur lesquelles baser leurs décisions. (Internet est bourré d’allégations infondées à propos des produits homéopathiques). La seule source d’information vient de ceux qui ont un intérêt financier dans la vente des produits homéopathiques.

Bien que je ne possède pas de statistiques, les naturopathes sont apparemment les prescripteurs les plus communs de produits homéopathiques. Il y a trop peu de praticiens homéopathes par rapport à l’étendue du marché et les praticiens conventionnels dénigrent largement l’homéopathie. Les naturopathes, ainsi que les chiropracteurs et les acupuncteurs, vendent souvent des produits homéopathiques à leurs patients, leur procurant un intérêt financier qui est en conflit avec leur capacité à évaluer objectivement ces produits.

L’opinion des professionnels de santé et des scientifiques en général en dehors des praticiens alternatifs est quasiment universellement négatif. Il y a des vidéos humoristiques largement diffusées sur internet à propos de l’homéopathie. Je ne vais pas essayer de cataloguer la masse de preuves sur l’absence d’efficacité spécifique de l’homéopathie supérieure au placebo, la compilation la plus récente en cela ayant été faite par le conseil de la recherche médicale et de la santé australien. Aucun scientifique responsable n’allègue le contraire. La FDA est à n’en pas douter au courant de la recherche. Je souligne, cependant, que l’association américaine des pharmaciens appelle également à une régulation adéquate de leur profession à propos de l’homéopathie :

« l’AAPh soutient la nécessaire démonstration de sécurité et d’efficacité des produits homéopathiques de façon adéquate, aux protocoles correctement montés avant que les pharmaciens ne préconisent ou ne vendent ces produits…

L’AAPh soutient la modification du Food, Drug and Cosmetic Act pour exiger que les fabricants d’homéopathie fournissent des preuves de la sécurité et de l’efficacité pour tous les produits, incluant ceux actuellement mis sur le marché ».

(En fait, une telle modification n’est pas nécessaire sachant que l’autorité est et à toujours été contenue dans les amendements du FD&C Act).

J’espère que beaucoup d’autres voix vont se joindre à l’appel pour une régulation adéquate.

Les politiques exécutoires actuelles selon le GPC sont-elles appropriées pour protéger et promouvoir la santé publique au regard de l’énorme croissance des produits homéopathiques sur la marché ? Y-a-t-il des alternatives aux politiques exécutoires actuelles ?

Non, le GPC n’est pas approprié. Il est totalement inadéquat. Oui, il y a des alternatives.

En fait, la réponse à cette question est assez simple. Il n’y a pas d’autorité statutaire dans le FD&C ou les Acts subséquents. Le GPC s’occupe essentiellement d’étiquetage, il ne requière pas la démonstration de la sécurité et de l’efficacité du produit, bien qu’elle soit clairement exigée par la loi fédérale.

En fait, la FDA a abandonné son autorité à la Convention de la pharmacopée homéopathique des USA, une organisation privée n’ayant de comptes à rendre à personne et décidant quels médicaments homéopathiques sont mis sur le marché. Cette organisation est bourrée de conflits d’intérêts. Les décisions sont prises à la fois par des praticiens homéopathes, des pharmaciens homéopathes ou des officiels actuels ou anciens ou des propriétaires de firmes homéopathiques. C’est totalement contrôlé par l’industrie. On pourrait imaginer les cris provoqués par une organisation similaire des firmes Big Pharma si elle existait.

Apparemment, cette organisation pense qu’elle est un substitut légal de l’Agence dans le processus d’approbation des médicaments. Un représentant de l’industrie de cette organisation a dit :

« A la place du nouveau processus d’approbation des médicaments [de la FDA pour tous les autres médicaments], l’autorisation de mise en vente pour les médicaments homéopathiques est gérée par la CPHUS. Alors que les médicaments homéopathiques sont sujets à la revue des médicaments sans ordonnance de la FDA, celle-ci n’a pas encore utilisé cette autorité… »

En fait, le Congrès n’a certainement pas donné à la CPHUS l’autorité de délivrer des autorisations de mise en vente, pas plus que l’autorité de la FDA a été limitée à la « revue des médicaments sans ordonnance ».

La seule solution est d’utiliser le même processus de régulation pour les médicaments homéopathiques que celui que la FDA utilise pour les autres médicaments sous ordonnances ou en vente libre. La loi fédérale n’exige pas moins.

Une grande majorité des médicaments destinés à l’homme et étiquetés comme homéopathiques sont vendus sans ordonnance. Ces produits sont indiqués pour une large variété de conditions, et beaucoup n’ont jamais fait l’objet de considérations sur le processus de régulation de leur mise en vente. Quel pourrait être un processus de régulation approprié pour évaluer l’usage de ces produits sans ordonnance pour de telles indications ?

Il n’y a pas de raison pour que le processus de régulation valable pour les autres médicaments sans ordonnance ne soit pas appliqué également aux médicaments homéopathiques. Heureusement, il y a un précédant dans la revue post mise en vente pour mettre les produits homéopathiques en conformité avec la loi fédérale. En fait, ce processus est souligné dans l’annonce de la FDA portée au Federal Register.

En 1972 la FDA a entrepris une revue massive de tous les médicaments sans ordonnance (et une estimation de 100 000 à 500 000 ingrédients) pour déterminer ceux qui devraient être classés comme sûrs, efficaces et correctement étiquetés. En accord avec les amendements du FD&C, la FDA allait déterminer lesquels de ces médicaments étaient reconnus parmi les experts comme sûrs et efficace et correctement étiquetés selon les conditions d’utilisation suggérées, recommandées et prescrites.

Cependant, à la demande des groupes promoteurs d’homéopathie, les remèdes homéopathiques ont été soustraits à la revue. La FDA n’est jamais revenue là-dessus et les médicaments homéopathiques sans ordonnance n’ont jamais été passés en revue par la FDA quant à leur sécurité et leur efficacité.

Il n’y a pas de raison pour que la FDA ne finisse pas ce qu’elle a entrepris. Une mise en garde s’impose ici. Alors que la FDA pourrait se sentir obligée d’inclure les promoteurs de l’homéopathie parmi les responsables de cette revue, elle ne devrait pas leur laisser le dernier mot. Rien dans la loi fédérale ne suggère que le Congrès avait l’intention d’incorporer les notions pseudo-scientifiques de l’industrie homéopathique ou ses études de médiocre qualité dans la loi. Si la FDA cependant considère qu’il s’agit de concepts pré-scientifiques et de traitements largement discrédités en raison de la référence au HPUS du Congrès, elle peut simplement agir selon l’autorité conférée par la deuxième et la troisième définition de « médicament » fournie par le FD&C Act.

Les consommateurs et professionnels de santé ont-ils à leur disposition une information adéquate pour prendre des décisions éclairées sur les médicaments étiquetés comme homéopathiques ? Si non, quelle information, incluant par exemple l’information sur l’étiquetage, pourrait permettre aux consommateurs et aux professionnels de santé d’être mieux informés à propos de ces produits ?

Non, ils n’ont pas d’information adéquate. D’abord, en dehors de la vaste quantité d’informations accessibles librement au public sur le site web de la FDA, il n’y a pas d’informations objectives accessibles au public sur les médicaments homéopathiques. Le HPUS est disponible uniquement via un accès payant très cher dont les bénéfices vont à la CPHUS. Simplement suivre les règles en vigueur pour les autres médicaments sans ordonnance, incluant la transparence légale exigée dans ce processus, devrait déjà beaucoup aider les consommateurs à s’informer.

A titre d’exercice, regardons les informations disponibles sur le site web de Hyland’s, un fabricant d’homéopathie, à propos de l’un de ses remèdes homéopathiques et ce qu’un médicament sans ordonnance devrait comporter comme étiquetage si ce n’était pas un produit homéopathique. J’utilise les informations du site web en supposant que ce sont les même qui sont données sur l’étiquette (en fait, en utilisant des termes latins, Hyland’s viole même les exigences minimales du GPC 400.400).

Selon Hyland’s, sont « 4 Kids Complete Allergy » est « une formule sûre et efficace pour les enfants de 2 à 12 ans ». Le seul avertissement concerne les allergies alimentaires pour lesquelles il ne devrait pas être utilisé. Le produit, selon le site web :

« soulage temporairement les symptômes du rhume des foins des allergènes intérieurs et extérieurs incluant les démangeaisons du nez et de la gorge, le picotement des yeux, le nez qui coule, les éternuements et douleurs aux sinus ».

Il n’y a aucune précision sur le fait que ces allégations n’ont pas été évaluées par la FDA, ce qui n’est pas exigé pour les médicaments sans ordonnance parce que comme n’importe quel autre produit sans ordonnance ça devrait en fait avoir fait l’objet de l’évaluation par la FDA.

Les ingrédients actifs, leur dilution homéopathique et leurs effets sont listés ainsi :

  • Acontium Napellus 6X HPUS : mal de gorge, éternuement
  • Allium Cepa 6X HPUS : rhume des foins, nez qui coule, picotement des yeux
  • Euphrasia 6X HPUS : irritation des yeux, écoulement nasal
  • Galphimia Glauca 12X HPUS : nez qui coule, éternuement
  • Histaminum Hydrochloricum 12X HPUS : gènes aux oreilles et au nez
  • Luffa Operculata 12X HPUS : douleur aux sinus, mal de tête
  • Natrum Muriaticum 6X HPUS : nez qui coule, démangeaisons des yeux irrités
  • Nux Vomica 6X HPUS : nez encombré
  • Pulsatilla 6X HPUS : pression des sinus
  • Sabadilla 6X HPUS : rhume des foins, éternuement

Je ne pouvais pas trouver d’informations sur la nature de ces substances ou la signification de 6X ou 12X HPUS ailleurs que sur le site de Hyland’s. En fait, ça prend un bon moment de chercher ces informations sur le net. N’importe qui n’ayant pas de connaissances préalables sur la dilution homéopathique pourrait rencontrer encore plus de difficultés.

Si ce remède était régulé comme les autres médicaments, Hyland’s ne pourrait jamais alléguer que son « 4 Kids Complete Allergy » est sûr et efficace sans avoir passé les tests d’approbation de la FDA, non plus que les allégations sur ses indications. Mettant cependant de côté ces barrières à la commercialisatio, quelle pourrait être une étiquette de médicament sans ordonnance exigée sur les produits homéopathiques s’ils n’en étaient pas exempts par la FDA ?

Voici à mon avis ce que devrait être une liste d’ingrédients actifs selon moi. Bien sûr, la FDA exige des standards d’étiquetage qui seraient bien plus précis que les miens.

  • Aconite (une plante toxique)
  • Onion
  • Eupharsia (un genre comprenant environ 450 espèces de fleures herbacées de la famille des Orochanchaceae)
  • Galphimia glauca (une plante)
  • Histaminum Hydrochloricum (un produit chimique fait à partir de dichlorhydrate d’histamine, connu sous le nom de Ceplene, un sel d’histamine utilisé comme médicament)
  • Luffa (une plante, plus communément utilisée sous forme sèche comme exfoliant pour la peau)
  • Sel de table (chlorure de sodium)
  • « Arbre à strychnine » [ndtr : le vomiquier](source majeure d’alcaloïdes extrêmement toxiques, strychnine et brucine)
  • Pulsatilla (une plante)
  • Sabadilla (Schoenocaulon officinale, une plante dont certaines parties sont utilisées comme insecticide, toxique pour les abeilles)

Dilution homéopathique utilisée dans ces produits :

6X = une part d’ingrédient pour 1 000 000 parts d’eau

12X = une part d’ingrédient pour 1 000 000 000 000 parts d’eau

Je ne pouvais trouver aucune information comme quoi ces ingrédients auraient fait la preuve de leur sûreté et de leur efficacité pour quoi que ce soit et quel que soit le dosage ni pour aucune de ces dilutions. Certains sont carrément dangereux.

Il serait ridicule de dire qu’un parent choisissant un produit anti allergies pour son enfant ne pourrait pas penser que ces informations sont importantes. Mais tel est le standard de régulation actuel des remèdes homéopathiques.

En somme, la FDA possède déjà un processus de régulation pour les médicaments avec et sans ordonnance. Il n’y a pas de raison d’exclure les médicaments homéopathiques de ce processus plus longtemps.

[Trad] « Pourquoi vous ne devriez pas croire à cette étude médicale ultra-récente »

[Trad] « Pourquoi vous ne devriez pas croire à cette étude médicale ultra-récente »

Article posté par Julia Belluz sur Vox le 23 mars 2015

En 2003, des chercheurs écrivant dans l’American Journal of Medicine ont découvert quelque chose qui pourrait changer la façon de penser les nouveautés médicales. Ils ont regardé 101 études publiées dans les meilleurs journaux scientifiques entre 1979 et 1983 qui proclamaient avoir découvert une nouvelle thérapie ou technologie médicale vraiment prometteuse. Seulement 5 d’entre elles aboutirent à une mise sur le marcher dans la décennie suivante. Seulement 1 d’entre elles était toujours vraiment utilisée au moment de la publication de 2003.

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C’est une chose que vous ne saurez jamais en lisant la presse. Prenez une procédure miracle récente contre la MS (Multiple Sclerosis). La MS est une pathologie dégénérative sans traitement. Chez les patients, le système immunitaire attaque les enveloppes protégeant les nerfs, perturbant fatalement les communications entre le cerveau et le corps ainsi qu’une cascade de syndrome tragique : mouvements incontrôlés, perte de l’acuité visuelle, incontinences, décès prématuré.

En 2009, retournement : un chercheur italien, le Dr. Paolo Zamboni, affirme avoir guéri la MS de sa femme en « débloquant » les veines de sa nuque. Il postula que la MS n’était pas une maladie auto-immune mais une maladie vasculaire. La recherche était contre intuitive, elle donnait de l’espoir aux personnes atteintes de MS, et reposait sur une histoire personnelle séduisante impliquant la quête d’un homme pour sauver sa femme. C’était la voie royale pour les journalistes qui proclamèrent la « thérapie libératrice » comme un triomphe médical permis par une histoire d’amour.

Malheureusement cependant, la découverte de Zamboni n’avait pas la consistance qu’on lui prêtait. Ce qui n’avait pas attiré autant l’attention que la romance de l’histoire, c’était que cette étude était de petite taille et de qualité moyenne. D’autres chercheurs, qui essayèrent de répliquer les résultats échouèrent. Des cas de complications et de rechutes chez les patients firent bientôt surface.

Ce cycle recommence encore et toujours. Une étude initiale promet des miracles et des anecdotes font du battage autour. Puis les chercheurs montrent finalement que ce n’était que du vent.

« Il y a une grosse, très grosse différence entre la façon dont les médias pensent les nouvelles médicales et comment les scientifiques les pensent », me disait récemment Naomi Oreskes, professeur d’histoire des sciences à Harvard lors d’une interview. « Pour vous, ce qui fait que c’est nouveau, c’est que c’est nouveau -et ça crée un biais dans les médias qui recherchent les résultats ultra récents. A mon avis, les résultats ultra récents devraient être considérés comme probablement faux ».

Beaucoup d’études médicales sont erronées.

C’est un fait que toutes les études sont biaisées et imparfaites. La réalité émerge dans le foisonnement d’études sur une même question. Cette réalité n’émerge pas de miracles, d’idées uniques et géniales, ou du « moment eureka ». Elle arrive après un long et laborieux travail d’examen minutieux des résultats, de leur réplication, et de leur discussion dans la communauté scientifique. Le but de tout cela est de donner des résultats fiables et précis, et non les résultats farfelus d’une unique expérience ou les biais de la croisade d’un chercheur solitaire.

De la façon dont fonctionne la science, nous, journalistes, et notre audience, ne nous saisissons que des découvertes prometteuses. Ces découvertes ultra récentes sont excitantes et pourraient – pourraient, seulement – révolutionner la médecine et mettre fin aux souffrances de nombreuses personnes. Nous sommes souvent poussés à faire du battage autour de scientifiques, comme Zamboni, qui sont déjà sous la pression de l’obtention de financements de recherches et de publications.

Nous n’attendons pas le consensus scientifique, nous en rapportons peu, et trop tôt, et nous laissons les patients et les décideurs politiques à des gaspillages, des blessures, ou des voies sans issue qui aboutissent à des espoirs déçus et des échecs médicaux.

Cette tendance pourrait être minimisée si nous pouvions simplement nous rappeler que l’écrasante majorité des études en médecine sont des échecs.

Matthew Herper a récemment détricoté un nouveau documentaire à propos d’un traitement « miraculeux » contre le cancer. Alors que la thérapie expérimentale montrée dans le film semble être le Saint Graal sur le moment, elle est aussi la dernière d’une longue liste de solutions apparemment « révolutionnaires ». D’après l’une des sources d’Herper, en fait, il y a plus de 200 échecs recensés de supposés traitements révolutionnaires contre le cancer ces dernières années.

Un recensement des découvertes cliniques montre qu’en moyenne, seulement 3000 des 50 000 articles publiés chaque année reposent sur un protocole solide et sont suffisamment significatifs pour relever du soin aux patients. Ça représente 6%.

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Assez souvent, une étude en contredit une autre, comme celles sur différents types d’aliments supposés prévenir ou accroître le risque de cancer. La réalité est quelque part dans l’ensemble de ces études, mais nous rapportons chaque étude isolément avant un nouveau volte face (le vin rouge allongera votre espérance de vie pendant une semaine avant de vous tuer la semaine suivante).

Pour une étude qui cherchait à déterminer si ce que nous mangeons quotidiennement est associé à des risques de cancer, on a sélectionné 50 ingrédients présents dans les recettes du Boston Cooking-School Cook Book. Beaucoup d’aliments ont fait l’objet de publications clamant à la fois des résultats positifs et des résultats négatifs.

Les chercheurs ne peuvent pas toujours répliquer les résultats des autres, et pour diverses raisons, beaucoup n’essaient même pas. Finalement, 85% -soient 200 milliards de dollars- des dépenses annuelles pour la recherche sont gaspillés dans des études mal conçues ou redondantes.

Ainsi, les résultats des recherches médicales récentes seront généralement faux avant que peut-être, finalement, si nous sommes chanceux, ils se révèlent corrects. Concrètement, seule une petite partie de tout ce qui est nouveau en science sera utile aux hommes.

Il n’y a pas de traitement contre notre addiction au battage médiatique autour des découvertes médicales.

Nous vivons une époque sans précédant d’exploration scientifique. A travers internet, nous avons ce monde de connaissance à portée de main. Mais plus d’informations implique de facto plus de mauvaises informations, et le besoin de scepticisme n’a jamais été aussi grand.

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Je me demande souvent si il y a le moindre véritable intérêt à rapporter des recherches très récentes. Les journaux publient leurs résultats, et le public s’en saisit, mais ça n’a pas toujours été le cas : les journaux ont été élaborés pour la discussion de pair à pair, non la consommation de masse.

Pour les journalistes, il est difficile dans le système médiatique actuel de résister au chant des sirènes de l’exclusivité. Nous sommes incités à trouver de nouveaux sujets sur lesquels écrire, tout comme les scientifiques et les instituts de recherche ont besoin d’attirer l’attention sur leurs travaux. Les patients, bien sûr, veulent de meilleurs soins médicaux, de meilleurs protocoles, et de l’espoir.

Mais ce cycle nous heurte et obscurcit la réalité scientifique que les recherches ont à nous présenter (en dépit des résultats extrêmement ténus et non validés de la thérapie contre la MS, des patients en souffrant ont traversé le monde entier pour faire lever des fonds et inciter les politiques à favoriser les recherches sur le traitement).

Pour ma part, j’ai essayé de rapporter les études récentes dans leur contexte, avec une revue systématique -les meta-analyses de toutes les meilleures études sur des questions cliniques- à chaque fois que c’était possible. Lorsque des scientifiques ou des journalistes livrent prématurément une découverte au public, j’essaie d’expliquer que la réalité est probablement toute autre, que ce n’est probablement pas une révolution du tout. Plus je le fais, et plus je réalise la justesse des propos de Oreskes d’Harvard, John Ioannidis de Sanford et que d’autres chercheurs reconnus répètent depuis des années : nous avons besoin de voir l’accumulation des découvertes scientifiques, dans cet ensemble nous trouverons ce qui sera susceptible d’aboutir à des avancées pour le bien être des individus et des sociétés.

Lorsqu’on se détourne de la pile des traitements magiques et miraculeux, on se concentre plus probablement sur les choses qui comptent vraiment pour la santé, notamment l’éducation, l’égalité, l’environnement.

Ce n’est pas toujours facile, et les forces à l’œuvre sont puissantes. Mais j’essaie de procéder minutieusement, de me rappeler à moi même que beaucoup de ce que je vois aujourd’hui est irrémédiablement imparfait et qu’il est nécessaire de laisser le temps au temps.