OGM : mensonges et vérités fantasmés

Le mardi 23 juin 2020 était rediffusé sur Arte le documentaire OGM : Mensonges & Vérités, réalisé par Frédéric Castaignède (L’autre Mondialisation). Puisque son contenu a semblé convaincre journalistes, militants et internautes de tout poil par le passé, nous considérons qu’il est enrichissant de décortiquer le documentaire afin de faire la part des choses entre vérités et erreurs – “mensonge” étant peut-être exagéré.

Le texte qui suit n’est pas une critique qui suivrait le fil du documentaire ; si c’est ce que toi lecteur, es venu chercher, tourne-toi peut-être plutôt vers ce post Facebook de Maxime Pinazzi. Notons dès à présent que le travail qui suit puise entre autres dans ces ressources, mais aussi dans plusieurs textes déjà parus sur La Théière que nous n’avons pas jugé intéressant de plagier, d’où un certain nombre d’auto-références.

Ce que nous proposons ici est donc une analyse de la structure du documentaire et des éléments qui le composent, car il nous apparaît qu’au-delà des arguments qu’il contient pris un par un – que nous traiterons en premier lieu -, ce sont les procédés de persuasion mis en œuvre qu’il est réellement intéressant de mettre en lumière.

Important : il est de bon ton et vivement recommandé de consulter le documentaire avant le présent texte ; il est disponible sur la chaîne Youtube d’Arte.

Remarque supplémentaire : ce billet est voué à être augmenté, corrigé et consolidé avec les critiques et remarques des lecteurs, lectrices et commentaires émis sur cette plateforme et ailleurs. Les mises à jour successives seront explicitées.

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[Trad] Déconstruire la science pour mieux la légitimer

Cet billet a été publié en deux parties par le philosophe des sciences Massimo Pigliucci sur son blog Footnotes to Plato le 28 décembre 2018.

Partie I

Quelle est la place de l’aspect social dans la fabrication de la science ? Si on regarde des manuels scientifiques, on se rend compte que la dimension sociale du savoir scientifique brille par son absence. La science reflète supposément le monde tel qu’il est réellement, indépendamment de nos petites vies respectives. D’un point de vue classique, il s’agit du summum de l’activité rationnelle, libre d’influences sociales. Bien sûr, la science est portée par des êtres humains, mais leur background et leur vie sociale sont simplement considérés comme non pertinents. Ce qui compte, ce sont les mérites intellectuels d’une théorie scientifique, et non pas qui a pu la concevoir. Ce qui compte, ce sont les preuves, et non pas qui a bien pu les collecter. Cette partition tranchée entre le social et le rationnel peut se retrouver en philosophie des sciences également. Étant donné que les facteurs sociaux sont invisibilisés dans le rendu final de la science, beaucoup de philosophes ont effectivement sous-estimé le rôle moteur de ces facteurs dans l’acquisition des connaissances scientifiques.

Ces dernières décennies, les sociologues et les historiens ont essayé de ramener la science sur terre, mais beaucoup d’entre eux s’en sont retrouvés amenés à une opposition tout aussi simpliste. Les influences sociales sur la science ont autant été un objet de délectation pour ses critiques les plus cyniques, qu’un repoussoir pour ses admirateurs, et ceci pour la même raison : la peur (ou l’espoir), que cela pourrait ruiner la crédibilité de la science. Dans un article que j’ai co-écrit avec mon complice habituel, Maarten Boudry (publié dans Perspectives in Science and Culture, edited by K. Rutten, S. Blancke, and R. Soetaert, Purdue University Press [1]), nous discutons des origines historiques de cette opposition qui a culminé dans le spectacle déplorable des science wars. Le présent billet constitue un résumé étendu de ce papier, et j’espère que vous l’apprécierez. Lire la suite

[Trad] Démarquer la science de la pseudoscience

Dans le modèle copernicien du système solaire, les orbites sont circulaires. Ce modèle, falsifié par les observations des astronomes, a cependant été conservé jusqu’à sa modification par Kepler.

Ce billet a été posté en anglais par Massimo Pigliucci sur le site « Ask a philosopher » le 9 juin 2014. Selon le principe de ce site, un internaute a posé la question « de quelles manières nous pourrions essayer de départager la science et la pseudoscience ». Massimo Pigliucci apporte ici une première réponse.

La distinction entre science et pseudoscience, est ce que nous appelons en philosophie des sciences le problème de la démarcation, un terme qui a été forgé par Karl Popper dans la Lire la suite

[Trad] Scientisme et promotion des sciences

Ce billet est une traduction d’un texte rédigé en anglais par Fallacy Man sur le blog The Logic of Science le 1er août 2018.

Si vous parcourez les commentaires sur ce blog ou la page Facebook associée, ou les réactions à n’importe quelle autre contenu pro-science, vous trouverez rapidement des accusations de « scientisme ». En effet, parmi ceux qui aiment être en désaccord avec les résultats scientifiques, cela semble être devenu un joker qu’ils utilisent pour rejeter tout élément de preuve ou argument qui entre en conflit avec leurs idées préconçues. Les gens semblent penser que le fait de qualifier leur adversaire de scientiste est un substitut valable à la présentation de preuves réelles pour consolider leur position. De plus, au moins dans les cas que j’ai personnellement observés, cette accusation revient souvent à commettre le sophisme de l’homme de paille en caricaturant soit le scientisme, soit les affirmations des défenseurs de la science. Néanmoins, il est très facile d’être négligent dans notre façon de formuler les choses et de faire par inadvertance une déclaration qui a l’apparence du scientisme, même si ce n’était pas l’intention. Par conséquent, je voudrais parler brièvement de ce qu’est et n’est pas le scientisme. Lire la suite

[Trad] « La science s’est déjà trompée par le passé ! »

mad_scientist

Article publié par Emil Karlsson sur Debunking Denialism le 11 mai 2018.

Divers activistes et mouvements pseudo-scientifiques se plaignent fréquemment que « la science avait tort avant ». Ils clament que les scientifiques et les résultats scientifiques ne sont pas dignes de confiance et utilisent toute une gamme de tactiques et de clichés pour faire valoir ce point de vue.

Il existe de nombreuses façons de réfuter cette affirmation : Lire la suite

Revue de blogs – 09/04 au 15/04/2018 : #FakeMedicine, Gardasil, Liberté d’expression et des illustrations sceptiques

buzyn

Je vous propose un petit tour non exhaustif de la semaine de la blogosphère sceptique. N’hésitez pas à suivre ces blogueurs sur les réseaux, et à dévorer (avec esprit critique) leur contenu. La langue originale des billets est indiquée entre parenthèses.

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Revue de blogs – 26/03 au 01/04/2018 : pollution, magnétoencéphalographie, interstitium et Dominique

revue

Je vous propose un petit tour non exhaustif de la semaine de la blogosphère sceptique. N’hésitez pas à suivre ces blogueurs sur les réseaux, et à dévorer (avec esprit critique) leur contenu. La langue originale des billets est indiquée entre parenthèses.

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Docteur Chimique et Mister Synthèse : ce qui est « naturel » est-il « bon » ?


~1500 mots / ~3 mins [difficulté : facile]

Parmi les non-sens scientifiques les plus communément colportés dans les médias, les réseaux et autres conversations courantes, se trouve l’allégation selon laquelle les « produits chimiques » seraient moins bons que les produits dits « naturels ».

De manière toute aussi systématique, faire remarquer l’inanité d’une telle posture entraîne souvent le shift de l’argument vers sa forme « naturel vs. synthétique ». Cette seconde posture est tout aussi bancale. Il est fort probable qu’à l’évocation de cet état de fait, certains défenseurs de cette idée shiftent à nouveau vers la posture « naturel vs. fait par des humains ». Comme vous le devinez aisément, ce critère de démarcation pour déterminer ce qui serait « bon » ou « mauvais », a fortiori pour déterminer que ce qui est « naturel » serait toujours bon par opposition à ce qui ne le serait pas (que ça soit défini comme « chimique », « synthétique », ou « créé par les humains »), n’a aucune pertinence dans aucune de ces configurations. Lire la suite

Phylogénie elfique : les lutins du Père Noël seraient les plus proches parents des Nains.

lutinnoel

Si si.

Dans un billet de blog de Noël dernier (2015), Dominic Evangelista nous avait déjà prévenus. En effet, dans ce must-read qui reprend le formalisme d’une publication scientifique, l’écologue nous détaille comment elle a reconstruit la phylogénie des elfes, en y incluant notablement les populations décrites chez J.R.R Tolkien, J.K. Rowling, ou encore dans World of Warcraft. Les résultats de cette analyse de parenté évolutionnaire sont pour le moins surprenants, bien que tout à fait sensés malgré tout. Lire la suite

Évaluations des OGM : y a-t-il un journaliste dans l’avion ? (~15 min)

mixremix
Hommage à Mix & Remix

Too Long; Won’t Read :

  • L’étude menée par Robin Mesnage et récemment parue dans Scientific Reports, dont les résultats bruts semblent scientifiquement corrects, est truffée de coquilles entre autres dans ses conclusions.
  • Son introduction ainsi que les conflits d’intérêts non déclarés tendent à décrédibiliser davantage ces travaux.
  • La communication que propose Stéphane Foucart (le Monde) sur le sujet est très partiale et manipulatrice.
  • D’autres exemples très récents laissent à penser que les résultats scientifiques sont dévoyés par le traitement des médias dominants.

Lundi 19 décembre, le journal scientifique open-access Scientific Reports a publié les derniers travaux de Robin Mesnage et son équipe (Gilles-Eric Séralini et Michael Antoniou sont fréquemment ses co-auteurs) sous le titre An integrated multi-omics analysis of the NK603 Roundup-tolerant GM maize reveals metabolism disturbances caused by the transformation process.
Je laisse tomber dès maintenant les figures de styles et le suspense, il y a un certain nombre de problèmes avec cette étude. Je ne me serais pas fendu d’un billet sur le sujet s’il n’y avait que ça ; des papiers incomplets et entachés d’idéologie, on peut en trouver d’autres et celui-ci n’apporte rien de plus que ce qu’on a déjà pu détailler à propos d’autres mauvais travaux dans d’autres billets.

Non, la raison qui motive le texte que vous lisez actuellement, est la communication du Monde au sujet de la parution de l’étude, et en particulier l’article du 20 décembre signé par Stéphane Foucart et Clémentine Thiberge. Sur le moment, j’avais très envie de rédiger un brûlot rageur et pester sans retenue contre le journalisme moderne ou la qualité honteuse de la vulgarisation scientifique dans les médias dominants. En fin de compte, j’ai choisi de plutôt proposer un triste constat que voici.

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