[Trad] Déconstruire la science pour mieux la légitimer

Cet billet a été publié en deux parties par le philosophe des sciences Massimo Pigliucci sur son blog Footnotes to Plato le 28 décembre 2018.

Partie I

Quelle est la place de l’aspect social dans la fabrication de la science ? Si on regarde des manuels scientifiques, on se rend compte que la dimension sociale du savoir scientifique brille par son absence. La science reflète supposément le monde tel qu’il est réellement, indépendamment de nos petites vies respectives. D’un point de vue classique, il s’agit du summum de l’activité rationnelle, libre d’influences sociales. Bien sûr, la science est portée par des êtres humains, mais leur background et leur vie sociale sont simplement considérés comme non pertinents. Ce qui compte, ce sont les mérites intellectuels d’une théorie scientifique, et non pas qui a pu la concevoir. Ce qui compte, ce sont les preuves, et non pas qui a bien pu les collecter. Cette partition tranchée entre le social et le rationnel peut se retrouver en philosophie des sciences également. Étant donné que les facteurs sociaux sont invisibilisés dans le rendu final de la science, beaucoup de philosophes ont effectivement sous-estimé le rôle moteur de ces facteurs dans l’acquisition des connaissances scientifiques.

Ces dernières décennies, les sociologues et les historiens ont essayé de ramener la science sur terre, mais beaucoup d’entre eux s’en sont retrouvés amenés à une opposition tout aussi simpliste. Les influences sociales sur la science ont autant été un objet de délectation pour ses critiques les plus cyniques, qu’un repoussoir pour ses admirateurs, et ceci pour la même raison : la peur (ou l’espoir), que cela pourrait ruiner la crédibilité de la science. Dans un article que j’ai co-écrit avec mon complice habituel, Maarten Boudry (publié dans Perspectives in Science and Culture, edited by K. Rutten, S. Blancke, and R. Soetaert, Purdue University Press [1]), nous discutons des origines historiques de cette opposition qui a culminé dans le spectacle déplorable des science wars. Le présent billet constitue un résumé étendu de ce papier, et j’espère que vous l’apprécierez. Lire la suite

[Trad] Démarquer la science de la pseudoscience

Dans le modèle copernicien du système solaire, les orbites sont circulaires. Ce modèle, falsifié par les observations des astronomes, a cependant été conservé jusqu’à sa modification par Kepler.

Ce billet a été posté en anglais par Massimo Pigliucci sur le site « Ask a philosopher » le 9 juin 2014. Selon le principe de ce site, un internaute a posé la question « de quelles manières nous pourrions essayer de départager la science et la pseudoscience ». Massimo Pigliucci apporte ici une première réponse.

La distinction entre science et pseudoscience, est ce que nous appelons en philosophie des sciences le problème de la démarcation, un terme qui a été forgé par Karl Popper dans la Lire la suite

Une introduction au stoïcisme (~15 min)

Ce billet est une traduction de « Stoicism 101 » publié sur le blog « How to be a Stoic » tenu par le philosophe des sciences Massimo Pigliucci.

Pourquoi publier la traduction d’un billet de philosophie sur un blog consacré à la science et au scepticisme ? Bien que la morale et l’éthique ne soient pas des questions scientifiques, nous sommes régulièrement confrontés à des choix qui les impliquent. Ces choix moraux et éthiques sont présents à de nombreux niveaux. (Exemple : quand doit-on militer et pourquoi ? Avec qui ? De quelle manière ? etc.). Ces questionnements sont en fait présents dans tous les aspects de notre vie et ils font aussi partie des discussions que nous pouvons avoir entre sceptiques/scientifiques.

Massimo Pigliucci, fondateur du podcast Rationally Speaking, a décidé en 2014 de laisser les clés du podcast à Julia Galef qui le co-animait avec lui pour se consacrer au stoïcisme. Nous sommes nombreux à apprécier Pigliucci de longue date et nous avons donc découvert son travail avec intérêt. Nous pensons qu’il constitue une bonne introduction dans le monde de l’éthique et de la philosophie morale et, qu’à ce titre, ce billet méritait d’être traduit. Il va sans dire que ce n’est qu’un courant parmi d’autres et cette traduction n’a pas pour but de sous-entendre que le stoïcisme est un système philosophique supérieur aux autres ni que c’est celui que nous conseillons de suivre. Par contre, nous pensons que c’est un système intéressant et accessible à tous et qu’il permet de voir plus clair dans ces choix moraux et éthiques qui orientent notre existence (et notre travail sceptique). Lire la suite